Hermione et harry

Harry Potter, une saga sexiste ?

📋  Le contexte  📋

Harry Potter est une série littéraire de low fantasy écrite par l’auteure britannique J. K. Rowling, dont la suite romanesque s’est achevée en 2007.

La série de sept romans raconte les aventures d’un jeune sorcier nommé Harry Potter et de ses amis Ron Weasley et Hermione Granger à l’école de sorcellerie Poudlard, dirigée par Albus Dumbledore. L’intrigue principale de la série met en scène le combat de Harry contre Lord Voldemort, un mage noir à la recherche de l’immortalité ayant autrefois assassiné les parents du garçon. À la tête de ses fidèles adeptes, les Mangemorts, Voldemort cherche depuis des décennies à acquérir le pouvoir absolu sur le monde des sorciers et des Moldus (les humains sans pouvoirs magiques).

Depuis la sortie du premier roman, Harry Potter à l’école des sorciers, le , les livres ont gagné une immense popularité, ont généré un succès commercial planétaire et ont été acclamés par la critique. En , ils ont été vendus à plus de 500 millions d’exemplaires et traduits en 80 langues, faisant de cette série la plus vendue de l’histoire de la littérature. J. K. Rowling figure désormais parmi les auteurs britanniques les plus lus de la planète avec William Shakespeare et Agatha Christie.

Huit films à succès (le dernier roman ayant été scindé au cinéma en deux parties), rapportent au total plus de 8 milliards de dollars et accèdent, entre 2011 et 2017, à la seconde place des franchises les plus rentables de tous les temps (après celle de l’univers Marvel).

Alors que certaines personnes ont reconnu sous la plume de J. K. Rowling des valeurs progressistes (avec notamment l’annonce de l’homosexualité de son personnage Dumbledore), d’autres ont jugé la série sexiste et misogyne . La critique Christine Schoefer de Salon.com a notamment affirmé que les livres présentaient un monde patriarcal rempli de stéréotypes et adhérant au « postulat classique que les hommes gouvernent le monde et qu’il doit en être ainsi».

Alors, la saga Harry Potter est-elle sexiste ou au contraire, tente-t-elle de contrer les stéréotypes de genre ? On en débat !

 

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Le « Pour »
Lucía Rodríguez Olay
Professeur agrégé au département des sciences de l'éducation, domaine de la didactique de la langue et de la littérature, Université d'Oviedo
Des stéréotypes qui génèrent et accentuent les inégalités

La littérature de jeunesse offre de multiples possibilités d’aborder, sous différents angles, la construction culturelle et la création de modèles qui peuvent façonner la vision du monde des futurs adultes. L’une des sagas les plus importantes de cette littérature, au cours des dernières décennies, est incontestablement Harry Potter de J.K. Rowling. Son succès, accru par les adaptations au cinéma, en fait une œuvre à fort impact pour les enfants et les jeunes, devenu un phénomène de masse – générant des files d’attente interminables pour se procurer les nouveaux volumes au moment de leur sortie, mais aussi colloques et sujets de recherche.

Stéréotypes de genre

L’analyse, dans une perspective de genre, des éventuels stéréotypes de genre qui apparaissent dans l’œuvre, tant dans ses dialogues que dans ses descriptions, peut fournir des données intéressantes. En gardant à l’esprit qu’il s’agit du volume dans lequel les personnages principaux sont présentés, c’est le premier tome de la saga qui retient notre attention ici : Harry Potter à l’école des sorciers.

Le dialogue, dans cette œuvre, est employé constamment pour donner plus de réalisme à l’histoire tout en impliquant plus directement le lecteur dans l’action. C’est par le dialogue et les descriptions que l’auteur présente les protagonistes de l’histoire.

Il n’existe pas d’opinion unique sur la caractérisation d’Hermione et de Harry. Certaines études considèrent que Rowling a su créer des personnages qui, selon les circonstances, assument des rôles actifs ou courageux, ce qui fait qu’Hermione possède des caractéristiques qui vont au-delà des rôles de genre traditionnels.

Cependant, il existe beaucoup plus de recherches suggérant qu’avec le personnage d’Hermione, l’auteur a créé une fille qui, au fond, a besoin d’être sauvée, ou des enseignantes à Poudlard qui ne seront jamais aussi « sages » que Dumbledore.

En parlant d’Hermione

Hermione ne peut pas être considérée comme un stéréotype féminin positif parce qu’elle n’apparaît pas comme une jeune fille forte et sûre d’elle, ce qui, de plus, est imputé à son caractère et à son manque de contrôle émotionnel, présentés comme des signes de faiblesse par rapport à la force ou au contrôle supposés de Harry ou Ron. Ce trait est noté comme récurrent dans l’œuvre de Rowling, qui utilise un discours et une terminologie plus étroitement liés au rationnel pour les personnages masculins, tandis que les personnages féminins sont plutôt associés à l’émotionnel et à l’irrationnel.

Dans Harry Potter et la pierre philosophale, J. K. Rowling indique clairement dès le début qu’Hermione est beaucoup plus studieuse et intelligente que Harry et Ron, ce qui lui vaut d’être rejetée par ses camarades de classe, qui ne l’incluent que lorsqu’elle doit être sauvée. C’est alors qu’une fois la faiblesse de la jeune fille montrée et démontrée, elle fait partie du groupe : « […] À partir de ce moment, Hermione Granger est devenue leur amie » (Rowling, 2000 : 151).

Cette action reproduit ce que Marta Roqueta appelle le trope de la « demoiselle en détresse », qui explique comment la jeune femme qui semblait si confiante et intelligente a besoin de la protection et des soins du personnage masculin de l’histoire qui, de cette façon, récupère le premier rôle, réduisant Hermione au rôle de compagne du « véritable héros », Harry Potter.

Ce type de caractérisation est également lié à ce que d’autres auteurs appellent le « syndrome de la trinité » et qui montre comment, dans la littérature d’enfance et de jeunesse actuelle, il existe des personnages féminins très compétents, intelligents et courageux qui masquent des préjugés de genre : dans ces récits, ces jeunes femmes, lorsqu’elles font des erreurs, ont besoin de l’intervention d’un personnage masculin et cela les positionne, une fois de plus, en infériorité par rapport à eux.

Imaginaire collectif

Malgré cette caractérisation du personnage d’Hermione par rapport à celui de Harry, on peut observer que cette œuvre témoigne de certaines avancées dans la littérature de jeunesse en ce qui concerne « le dépassement du genre et la recherche de l’égalité ». On n’y trouve pratiquement aucune référence aux stéréotypes physiques, et Hermione est caractérisée comme une fille intelligente et déterminée, bien qu’elle apparaisse finalement dépendante de Harry par la suite.

Harry Potter fait déjà partie de l’imaginaire collectif de celles et ceux qui l’ont découvert à la fin des années 1990. Par conséquent, l’aborder dans une perspective de genre est essentiel pour détruire les stéréotypes qui génèrent et accentuent les inégalités.

 

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Le « Contre »
Isabelle Smadja
Professeur Agrégée de Philosophie
Rowling s’évertue à contrer les stéréotypes sexistes

Un jeune garçon qui, sous la protection du directeur de Poudlard, parvient à triompher d’un redoutable adversaire, également de sexe masculin… et des personnages féminins qui sont de simples collaboratrices. Les Harry Potter seraient-ils sexistes ?

Imposer progressivement la présence des femmes

Pour éviter toute critique, la facilité aurait été de donner artificiellement aux personnages centraux un prénom féminin. Mais Rowling a fait le choix d’inscrire son roman dans la réalité sociale, dominée par les hommes, pour imposer progressivement la présence des femmes dans les institutions dirigeantes.

Si, au départ, femmes et filles ont peu de responsabilité et sont investies de stéréotypes féminins, elles se libèrent peu à peu du carcan des préjugés et se hissent au rang des hommes : Mac Gonagall remplace Dumbledore à la tête de Poudlard, elle qui n’était qu’adjointe ; Ginny, de petite fille timide et maladroite, se transforme en jeune fille responsable.

Hermione, enfin, d’élève studieuse et appliquée, devient une battante qui surprend par sa lucidité et sa détermination. Résolument tournée vers l’engagement humanitaire, elle est la seule à œuvrer en marge de l’intrigue principale en vue d’une prise de conscience politique pour la libération des elfes de maison, la seule aussi à pouvoir se lier d’amitié avec Krum, un élève venu d’une autre contrée. Son intellignece et sa sensibilité ne l’empêchent pas de développer des qualités maternelles, prenant sous son aile le maladroit Neville ou l’immature Hagrid.

À l’opposé, le pauvre Ron devient totalement obnubilé par son aventure amoureuse, un sort qui, dans les contes, est réservé aux filles.

Des filles dont l’apparence physique n’est pas parfaite

À cela s’ajoute un souci très net de ne pas exclure du cadre littéraire des filles dont l’apparence physique n’est pas parfaite. Chez Rowling, les filles n’ont plus le mariage et leur belle apparence comme seul souci, mais deviennent capables d’une pluralité de fonctions. Ginny Weasley, Luna Lovegood, Mac Gonagall, Tonks… ont des personnalités complexes, qui laissent la voie à de multiples possibilités d’existence.

Une remise en question des représentations sexuées

Rowling s’évertue donc à contrer les stéréotypes sexistes et/ou misogynes des contes et des romans de fantasy, afin d’aboutir à un brouillage des genres. Vêtu d’une cape de sorcière et volant sur un balai, Harry est un Cendrillon masculin : c’est à lui de préparer le petit déjeuner de l’antipathique Dursley, à lui de vivre enfermé dans un placard, à lui de pleurer la perte de ses parents, épreuves qui étaient, dans les contes, destinées aux filles, comme pour les prévenir que leur rôle leur place est au foyer, et non à l’extérieur.

Quand les filles devaient être belles et bonnes ménagères, les garçons des contes traversaient des épreuves valorisantes, à la conquête d’un monde inconnu. En décloisonnant les rôles, en dotant certaines femmes de caractères spontanément attribués aux hommes (l’autorité sans faille de Mac Gonagall contraste avec la faiblesse de Dumbledore face à Harry), les Harry Potter contribuent à une remise en question des représentations sexuées.

Harry Potter n’a rien du garçon viril des ouvrages auxquels on reproche leur misogynie

Lorsque Harry ne parvient pas à s’arracher à la contemplation d’un miroir magique et pleure devant l’image de ses parents morts, Rowling suggère que les garçons, tout autant que les filles, sont sujets aux émotions et à la contemplation narcissique et que l’attitude héroïque n’est pas nécessairement dépendante d’un rejet de l’émotivité. Souvent craintif, prenant peu d’initiative, peu combatif, Harry n’a rien du garçon viril que l’on s’attend à trouver dans des ouvrages auxquels on reproche leur misogynie.

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