La critique cinéma : Raging Bull #filmculte

Ce débat a été réalisé en partenariat avec les rédacteurs de Ciné Maccro : un site qui propose une vision hétéroclite du cinéma.

bannière CineMaccro

1. Le contexte

Raging Bull est un film biographique qui retrace la vie du célèbre boxeur Jake LaMotta.

Jake LaMotta était un boxeur américain d’origine italienne surnommé « le taureau du Bronx ». Issu d’un milieu modeste, il atteignit les sommets grâce à des combats mythiques, notamment contre Sugar Ray Robinson et Marcel Cerdan, qui le mèneront au titre de champion du monde des poids moyens. Mais rongé par la paranoïa et la colère, il connut ensuite une série d’échecs, notamment dans sa vie privée.

Genre : Drame biographique

Réalisateur : Martin Scorsese

Avec (entre autre) : Robert De Niro (Jake LaMotta), Cathy Moriarty (Vickie LaMotta), Joe Pesci (Joey LaMotta), Franck Vincent (Salvy Batts)

Durée : 2h09

Sortie : 25 mars 1981 en France

Budget : 18 000 000$

Lorsque Jake LaMotta a vu le film, il s’est rendu compte de la personne horrible qu’il avait été. Il a demandé à son ex-femme Vickie s’il avait vraiment été comme ça. Elle lui a répondu « Tu étais pire »

Source : imdb.com

2. Le débat des experts

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le « Pour »
Thomas Graindorge
Critique pour Ciné Maccro
Scorsese et la boxe sophistiquée

Au commencement, il y avait le vide. Puis vint en 1976 Rocky, devenu depuis visage de l’american dream et icône de l’abnégation et du dépassement de soi. Quatre ans plus tard, arriva ce qui s’avérera être la face d’une même pièce, le penchant sophistiqué de la boxe : Raging Bull. Un film à la réputation tardive dont l’originalité l’a depuis installé parmi les meilleurs films des années 80.

Si Raging Bull s’est imposé au Panthéon du 7ème Art, c’est avant tout pour le travail de mise en scène de son réalisateur

Oeuvre de l’italo-américain Martin Scorsese, c’est avant tout un projet personnel de Robert de Niro, qui a vu en Jake LaMotta, boxeur au tempérament sulfureux et à l’existence mouvementée, un rôle à la hauteur de son incommensurable talent. Sans glorification, sans strass ni paillettes, Jake LaMotta doit autant au talent d’écriture de Paul Schrader qu’à celui d’acteur de De Niro, dont la performance physique et spirituelle, saisissante, lui rapportera très justement l’Oscar du Meilleur Acteur en 1981.

Quelle décision audacieuse que cette image en noir et blanc !

Mais si Raging Bull s’est imposé au Panthéon du 7ème Art, c’est avant tout pour le travail de mise en scène de son réalisateur. Quelle décision audacieuse que cette image en noir et blanc ! Choix de Scorsese et de son directeur de la photographie Michael Chapman, le pari, aussi risqué que réussi, donne au film son aspect classieux et sa singularité. Et Martin Scorsese de sublimer cette idée en confirmant qu’il reste l’un des plus grands réalisateurs de notre temps, notamment dans des scènes de combat saluées, filmées à l’intérieur et non à l’extérieur du ring comme cela se faisait d’ordinaire, mettant ainsi le spectateur au coeur de l’action et de la psyché du personnage principal (psyché ô combien tumultueuse), et ce durant tout le film.

Raging Bull est plus qu’un film, c’est une symbiose, la preuve de la magie inégalable du cinéma

Et que serait Martin Scorsese sans sa monteuse fétiche, Thelma Schoonmaker ? Comme pour endiguer la frénésie de son cinéaste, elle empêche au film l’écueil de la répétitivité malvenue, et dynamise un film à la cadence déjà effrénée, porté par le bagout du duo De Niro-Joe Pesci, duo à l’alchimie mordante.

Raging Bull est plus qu’un film, c’est une symbiose, la preuve de la magie inégalable du cinéma. Un chef-d’oeuvre dont les composantes s’assemblent pour offrir le meilleur d’elles-mêmes et où Martin Scorsese rend à la boxe toute sa noblesse, prouvant aux plus réfractaires son talent de conteur et de réalisateur. Une oeuvre mémorable à tous points de vue, dont la maestria continue, presque quarante
ans plus tard, de marquer au vif le coeur et la rétine de générations de cinéphiles.

Le « Contre »
Antoine Cassé
Critique pour Ciné Maccro
Scorsese face au revers du génial

Dédouaner Scorsese, c’est prendre le risque de souiller des années de grandeur cinématographique, tant le réalisateur new-yorkais a marqué le cinéma de son empreinte. Une empreinte qui lui joue des tours sur Raging Bull, où le sublime côtoie l’indifférence. C’est là tout le paradoxe qui anime Raging Bull pendant plus de 2 heures : la perfection absolue des scènes de combat de l’oeuvre met un peu plus en lumière les difficultés du film à exister.

Si la grâce touche le film sur le ring, les scènes entre donnent l’impression d’un comblement sans âme

Si la grâce touche le film sur le ring, les scènes entre donnent l’impression d’un comblement sans âme. Les dialogues fusent au point d’en être assourdissants, voulant nous introduire un Jake LaMotta colérique, instable, une idée ancrée en nous dès le début sans véritable évolution. L’ennui caractéristique des embrouilles à répétition entre Robert De Niro et Joe Pesci nous donne finalement la sensation que Scorsese ne sait pas quoi faire pour combler (malheureusement sans réussite) le vide qui sépare le véritable exercice esthétique des combats, que l’on attend avec impatience.

Le parti pris d’opter pour le noir et blanc […] creuse le fossé de l’indifférence lorsqu’on voit par exemple De Niro hurler pour son steak

Outre les dialogues, c’est bien le travail visuel qui impacte le plus, avec le parti pris de Michael Chapman, directeur de la photographie, et de Scorsese d’opter pour le noir et blanc ; en composant certains plans (de combat) comme de véritables oeuvres picturales dignes des grands maîtres, Scorsese réédite la prouesse visuelle de Taxi Driver ; pourtant, ce choix visuel, couplé par un montage efficace, sous la houlette de Thelma Schoonmaker, monteuse attitrée de Scorsese, de bout en bout et oscarisé à raison, ne peut se justifier dans le reste du film, et creuse le fossé de l’indifférence lorsque l’on voit par exemple De Niro hurler pour son steak.

C’est l’ennui et la déception qui nous guette dans l’attente de la prochaine exaltation

C’est là qui explique toute la déception face à Raging Bull : confronté au revers du génial, Scorsese semble se tétaniser à construire autour de celui-ci ; en voulant dresser le portrait d’un homme torturé, il souffle le chaud et le froid, incapable de tenir tout du long l’incroyable qu’il propose par bride. C’est là tout le risque d’un film aux moments de bravoure inégalable ; la grandeur de ces moments ne fait qu’amplifier les défauts du reste, et c’est l’ennui et la déception qui nous guette dans l’attente de la prochaine exaltation.

Quel est votre avis sur le film ?

3. Le débat des lecteurs

4. Pour aller plus loin

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !

Si vous avez lu jusqu’ici

… c’est probablement que vous êtes sensibles au concept du Drenche, et à nos valeurs. En effet, nous souhaitons que tout le monde puisse se forger une opinion gratuitement pour que chacun ait les moyens de devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant.

 

Vous avez également sans douté remarqué qu’il n’y avait pas de publicité sur le site ; principalement parce qu’on trouve ça chiant d’avoir des pop-ups et des vidéos partout. Par conséquent, si vous souhaitez nous aider à garder ce site gratuit, vous pouvez nous soutenir via un don régulier !

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".