LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU
Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…
Rapport 2023 d’Oxfam sur les inégalités en France et dans le monde : La loi du plus riche
En marge du forum économique mondial de Davos de 2023, l’association OXFAM, dont le Drenche est partenaire, publie son dernier rapport sur les inégalités mondiales. Il s’intitule “La loi du plus riche”. Les résultats sont édifiants.
Les crises successives que nous traversons depuis 2020 ont été un accélérateur des inégalités en France et dans le monde. Au niveau mondial, les milliardaires se sont enrichis de 2 600 milliards de dollars depuis la pandémie. A première vue ce n’est pas forcément un problème. Sauf que cela se fait au détriment des plus précaires. D’après la Banque mondiale, les inégalités mondiales et la pauvreté connaissent leur plus forte augmentation depuis la Seconde Guerre mondiale.
Les milliardaires ne connaissent pas la crise (ni les crises)
L’intervention publique face au coronavirus a permis un enrichissement sans précédent des milliardaires à travers le monde. Ils ont gagné plus de 2,7 milliards de dollars par jour depuis le début de la crise. D’après les données du Crédit Suisse, si les 1 % les plus riches ont capté 54 % des nouvelles richesses mondiales au cours de la dernière décennie, ce chiffre est passé à 63 % durant les deux dernières années. 42 000 milliards de dollars de nouvelles richesses ont été produites entre décembre 2019 et décembre 2021. 26 000 milliards de dollars (63 %) ont été captés par les 1 % les plus riches. Le reste de l’humanité n’a capté que 16 000 milliards de dollars (37 %).
Depuis 2020, les 1% les plus riches ont capté 63% des richesses produites
La France ne fait pas exception
Les milliardaires français ont gagné plus de 200 milliards d’euros depuis 2020 (+58%). A eux seuls, les 10 premiers milliardaires français ont engrangé 189 milliards d’euros depuis 2020. Suffisamment pour couvrir les factures de gaz, d’électricité et de carburant de tous les ménages français pendant deux ans. Alors que l’intervention publique pour faire face au coronavirus a progressivement pris fin, certains milliardaires ont continué de s’enrichir sur la crise de la vie chère. Rodolphe Saadé, propriétaire de la CMA-CGM, géant du fret maritime qui transporte des aliments du bout du monde jusque dans nos étals, a multiplié sa fortune par cinq en deux ans, en gagnant 28 milliards d’euros. Tout en haut du classement, Bernard Arnault est désormais l’homme le plus riche au monde avec 179 milliards d’euros.
Pour Quentin Parrinello, porte-parole d’Oxfam France ::
« Avec 179 milliards d’euros, Bernard Arnault possède désormais une fortune supérieure à près de 20 millions de Français.es. Difficile de se rendre compte de la magnitude de sa fortune. Pour donner un ordre d’idée, en gagnant au loto tous les jours depuis l’Armistice de 1918 vous ne posséderiez même pas la moitié de sa fortune ».
En gagnant 2 millions d’euros par jour entre la fin de la première guerre mondiale et aujourd’hui, votre gain cumulé représenterait 43% de la fortune de Bernard Arnault.
La crise ne fait pas que des gagnants
L’explosion des prix de l’énergie et des biens de première nécessité a frappé en particulier les plus précaires. Plus de 820 millions de personnes souffrent aujourd’hui de la faim dans le monde. 60% d’entre elles sont des filles et des femmes. Ces prix sont tirés vers le haut par les superprofits réalisés par les entreprises de l’énergie et l’agro-alimentaire. Les profits de ces entreprises représentent la moitié de la hausse des prix dans plusieurs pays.
D’après une étude de la Banque mondiale parue fin 2022, 70 millions de personnes ont basculé dans l’extrême pauvreté en 2020 en plus, soit la plus forte augmentation en un an depuis 1990 et le début du suivi des chiffres de la pauvreté dans le monde. L’institution a annoncé que l’objectif d’élimination de l’extrême pauvreté dans le monde a peu de chances d’être atteint d’ici à 2030 et que le contexte actuel menace d’aggraver encore la situation. La Banque mondiale définit l’extrême pauvreté comme le fait de vivre avec moins de 2,15 dollars par jour.
En France l’impact est visible : la fréquentation des Restos du cœur a augmenté de 12% en 6 mois. Quatre Français.es sur dix ont le sentiment de devoir restreindre leur alimentation tandis que deux Français.es sur dix n’ont pas réussi à payer l’ensemble de leurs factures en 2022.
La fréquentation des Restos du cœur a augmenté de 12% en 6 mois
Qui va payer la facture ?
Le gouvernement a dépensé des dizaines de milliards d’euros pour combattre la crise de la vie chère, les plus riches ont été les principaux bénéficiaires des mesures gouvernementales et les plus précaires n’ont pas été assez protégés. Selon l’Insee, les Français ont perdu 720 euros de revenus disponibles entre janvier 2021 et juin 2022 malgré l’intervention du gouvernement.
Le gouvernement est pourtant en train de faire payer la facture de la crise aux premières victimes plutôt que faire contribuer ceux qui en ont le plus profité : baisse des indemnités chômage, restriction des critères d’allocation, report de l’âge de départ à la retraite à 64 ans, etc.
« La réforme des retraites est profondément injuste : repousser l’âge de départ, c’est priver de retraites les plus précaires : à 62 ans, un quart des hommes les plus pauvres en France sont déjà morts contre 5% des plus riches. Avec cette réforme, le gouvernement fait le choix de faire payer la facture de la crise à des Christian ou des Elodie, qui subissent la crise de la vie chère de plein fouet, plutôt que de mettre un Bernard Arnault à contribution. On pourrait financer nos retraites avec une contribution d’à peine 2% sur la fortune des milliardaires » précise Quentin Parrinello.
1 sur 4 : en France, un quart des hommes les plus pauvres meurent avant 62 ans
La France n’est malheureusement pas une exception. Plus de 75% des gouvernements à travers le monde prévoient des mesures d’austérité en réduisant leurs dépenses de santé, d’éducation, ou de protection sociale afin d’économiser plus de 7 500 milliards d’euros (7 800 milliards de dollars).
Mais alors quoi faire ? Les propositions d’OXFAM
Oxfam appelle le gouvernement à mettre en place des aides plus importantes ciblant celles et ceux qui subissent le plus la crise de la vie chère. Des investissements structurels sont également nécessaires pour renforcer notre résilience face à des prochaines crises. Ces investissements, dans le logement, l’isolation thermique (pour faire baisser nos factures de chauffage), les transports en commun (pour faire baisser notre dépendance à la voiture), les services publics, l’eau, etc. permettraient un double bénéfice : réduire notre dépendance aux énergies fossiles tout en réduisant nos factures.
Quentin Parrinello l’admet : “ces mesures ont un coût, qui vient s’ajouter à la facture du coronavirus, et de la réponse à la vie chère”.
Pour y faire face, Oxfam appelle à une augmentation des impôts sur les ultra-riches, une vraie taxe sur les superprofits et des mesures de lutte contre l’évasion fiscale afin de faire contribuer ceux qui ont profité de la crise.
Un impôt de 5% sur la fortune des multimillionnaires et milliardaires du monde suffirait à sortir 2 milliards de personne de la pauvreté, combler le déficit de financement des appels humanitaires et mettre en œuvre un plan d’éradication de la faim sur 10 ans
D’après une nouvelle analyse publiée par Fight Inequality Alliance, l’Institute for Policy Studies, Oxfam et Patriotic Millionaires, un impôt annuel allant jusqu’à 5 % sur la fortune des multimillionnaires et des milliardaires du monde pourrait rapporter 1 700 milliards de dollars par an. Cette somme suffirait pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté, combler le déficit de financement des appels humanitaires actuels et mettre en œuvre un plan d’éradication de la faim sur dix ans.
Envie d’en savoir plus ?
Pour en savoir plus et lire l’intégralité du rapport, le focus sur la France ou les recommandations d’Oxfam, rendez-vous sur le site d’OXFAM France.