La publicité peut-elle être responsable ?

📋  Le contexte  📋

Faire de la publicité, c’est exercer une action psychologique sur une personne dans un but commercial, en général pour lui vendre un produit. C’est un secteur économique très important, puisque le marché de la communication représentait plus de 33,81 milliards d’euros en France en 2019. On retrouve de la publicité sur de nombreux supports: dans l’espace public (transports, affichages extérieurs…), dans les médias (journaux, télévision, radio) et sur internet, en particulier sur les réseaux sociaux. Les annonceurs les plus présents en 2019 sont ceux de la distribution, de l’automobile, le tourisme, la banque, l’assurance, le secteur de l’alimentation et enfin de la beauté (Les Echos Planète). 

Le secteur de la communication est aujourd’hui pointé du doigt, et la Convention citoyenne pour le climat a publié une proposition en 2020 relative à la limitation de ce marché afin de lutter pour la protection de la planète. Elle évoquait surtout le fait que la publicité incite à la surconsommation, qui a un impact très important sur l’environnement. Les messages publicitaires, très nombreux, contribuent en effet à créer toujours plus de besoin, et donc poussent à l’achat. Ce n’est pas tout: la publicité est aussi très polluante, notamment dans le numérique, entre les annonces que l’on retrouve partout sur internet et les écrans publicitaires allumés en continu dans les espaces publics. (The Conversation)

Face aux enjeux posés par la publicité aujourd’hui, de nouvelles réflexions voient le jour. Si le projet de loi inspiré des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, dévoilé le 8 janvier, n’est pas allé aussi loin qu’attendu en matière de régulation de la publicité, la critique se développe envers ce marché controversé. Certains sont partisans de la mise en place d’une publicité plus responsable, qui respecterait la volonté des personnes et qui ne feraient pas la promotion de produits polluants. Cette nouvelle façon de repenser la communication peut aussi être critiquée, les arguments étant que la publicité n’est pas nécessaire et qu’elle est une intrusion injustifiée dans la vie des personnes (Les Echos).

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Le « Pour »
Laurent Terrisse
Président et fondateur de l’Agence LIMITE, co-fondateur du collectif de l’association pour une communication plus responsable, administrateur de la Fonda (think-tank du secteur associatif)
La publicité responsable est l’avenir de la publicité

Nous, professionnels de la communication, n’avons pas d’autre avenir que de changer notre modèle culturel et économique pour continuer d’accompagner les transformations de la société. Pour cela, nous devons assumer notre responsabilité, qui va de pair avec notre mission, influer sur les représentations et les comportements du public. Lorsque, à la suite du Grenelle de l’environnement en 2007, nous avions formulé au sein du Collectif des publicitaires éco-socio-innovants (devenu ensuite l’association pour une communication plus responsable) des propositions pour réformer nos logiques, nos pratiques et nos règles, nous avions été jugés « extrémistes ».

Aujourd’hui, plusieurs de ces idées se concrétisent dans un projet de loi issu des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Les réactions de nos organisations sectorielles à ces propositions ont d’abord été très défensives, mais les positions évoluent rapidement. Agences comme annonceurs comprennent que les logiques et les pratiques des professionnels doivent radicalement changer pour accompagner les grandes transitions sociétales et environnementales que nous vivons tous et que la crise pandémique accélère. 

Sur le fond, nous devons cesser d’être des serviteurs de la croissance éternelle pour devenir des facilitateurs du vivre pleinement, promouvoir de nouvelles manières de consommer plutôt que susciter des addictions à l’achat. Dans nos approches stratégiques et créatives, nous devons mettre en question les promesses des marques et des entreprises pour les aider à construire une confiance avec leurs clients, à travers un récit qui les aide à résoudre leurs dilemmes. Dans les pratiques, nous devons modifier notre vision opportuniste (séduire, frapper fort et vite, traiter les publics en tant que cibles, se considérer comme des mercenaires des marques), en mettant les marques au service de chaque personne qui peut évoluer avec elles : convaincre, apprivoiser par des preuves, écouter et dialoguer, apporter, plus que des offres, des solutions pour s’adapter au monde de demain.

Cette approche repose sur 4 piliers de la copie stratégie responsable (https://agence-limite.fr/blog/2015/11/loutil-pour-changer-la-donne-par-la-com-la-copie-strategie-responsable/) : l’imaginaire vrai, la personne multitimenssionnelle, l’empreinte immatérielle positive et l’éco-conception par défaut.

Certaines marques et agences sont en train de devenir des communicants responsables, grâce à la volonté de leurs dirigeants et avec l’aide de plusieurs « insiders » de la profession comme l’ARPP, ou partenaires comme l’Ademe. Elles ont une longueur d’avance, suscitant moins de défiance et plus de relation. Elles sont l’avenir de la publicité. Un avenir qui s’accélère.

Le « Contre »
Résistance à l'agression publicitaire
Association française contre les effets négatifs de la publicité
La pub peut-elle être responsable ?

Contre toute attente, nous commencerons par répondre que oui, la publicité peut être « responsable ». En effet, la publicité, considérée comme le fait de rendre publique une information, qu’elle soit commerciale ou non, n’est pas bonne ou mauvaise en soi. 

La question serait donc plutôt de savoir si le système publicitaire qui organise la diffusion de l’information rend possible une publicité « responsable ». Pour ce faire, le système publicitaire devrait remplir certaines conditions. 

Tout d’abord, il faudrait s’assurer du consentement à la réception des messages par les récepteurs et réceptrices. Si chacun et chacune doit être en capacité d’exprimer librement idées et opinions (voire, promotions sur le poulet), personne ne devrait pouvoir imposer ses messages sans s’assurer au préalable de l’accord à le recevoir.

Dans un souci de sobriété, un système publicitaire responsable interdirait l’utilisation de supports particulièrement polluants et énergivores. Nous pensons en priorité aux écrans numériques publicitaires qui se multiplient depuis dix ans en contradiction flagrante avec toutes les injonctions qui invitent les citoyens et citoyennes à éteindre leur lumière en sortant de leur salon…

Il faudrait aussi s’assurer que l’accès à la parole publique ne soit pas réservé aux plus gros portefeuilles, ni au seul secteur commercial. Si la liberté d’expression est accordée au commerce, elle est d’abord à protéger pour l’expression des idées et des opinions. Un système publicitaire responsable garantirait donc l’égalité d’accès à l’expression publique, que les acteurs soit commerciaux, associatifs, politiques ou culturels. Et ce, qu’ils soient riches ou pauvres.

Une publicité commerciale, pour être responsable, devrait revenir à son rôle purement informatif. Et donc parler du produit ou service vendu sans l’accoler à des valeurs (un soda qui rime avec bonheur et partage, un jean qui rime avec liberté…) ou des émotions qui créent des sentiments positifs sans fondements.

Enfin, pour être responsable écologiquement et socialement, le système publicitaire devrait arrêter de promouvoir les produits les plus problématiques : voyages en avions, automobiles, gadgets électroniques à remplacer tous les six mois, produits trop gras, trop sucrés, trop salés, alimentation rapide vendue dans des emballages à usages unique, fast-fashion, etc.

Toutes ces conditions posées, on voit que le chemin sera donc long avant que le système publicitaire puisse être considéré comme « responsable ». Et à lire les différentes tribunes des acteurs du secteur depuis six mois, ce dernier semble peu enclin à réellement changer, si ce n’est ajouter du « vert », du « éco-responsable » ou du « durable » dans la communication des annonceurs. Il se voit comme « le bras armé de la transition écologique », mais en fait, renforce des stéréotypes et ralentit la prise de conscience collective que nous vivons dans un monde dont les ressources sont finies en nous imposant entre 1000 à 2000 messages par jour, vantant un monde d’abondance qui n’existe pas.

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