📋 Le contexte 📋
À ses origines, le mot capitalisme vient du mot latin caput qui désigne alors la tête. En effet, au XIIe siècle, pour accroître sa richesse (et donc être capitaliste), il suffisait d’augmenter le nombre de têtes de son bétail.
Désormais, le modèle capitaliste s’est développé et étendu au monde entier. Il s’agit d’un système économique qui se fonde sur la propriété privée, l’accumulation de richesses (recherche de profits), l’entreprise privée mais aussi la libre concurrence des marchés. Concrètement, le capitalisme encourage l’investissement privé et les entreprises. Cet investissement devient par la suite du capital (financier). Ce dernier peut alors être redistribué aux actionnaires, aux employeurs comme aux personnes privées.
Le capitalisme est le système le plus répandu dans le monde. Les économies sont plus ou moins capitalistes en fonction de la régulation de l’État. Par exemple, pendant la Chine sous Mao, le capitalisme était fortement régulé : la propriété privée était limitée, les hommes et femmes travaillaient mais seul l’État capitalisait…
Le capitalisme peut être étatique (la recherche de la croissance), oligarchique (utilisé pour servir l’intérêt d’une petite part de la population), de grandes entreprises (recherche de profits et de réseaux), ou encore entrepreneurial (production d’innovations).
Sur le long terme, le capitalisme a permis la création de richesses et l’augmentation de la croissance. Toutefois, ce système n’est pas infaillible. La crise du covid-19 a permis de mettre en avant ses défaillances : faibles salaires des travailleurs de première ligne, surconsommation, recherche perpétuelle de profits en oubliant la morale…
Face à la crise économique, aux critiques et aux polémiques, le capitalisme semble plus que jamais remis en question tant et si bien, que sa pérennité est parfois contestée.
Sources : Café de la Bourse, Draw my economy, Economie intuitive.
🕵 Le débat des experts 🕵
A partir de la fin des années 1980 s’est imposé un nouveau modèle économique, le capitalisme néo-libéral, avec comme principaux volets la finance libéralisée, le libre-échange, l’austérité salariale et la remise en cause des services publics. La crise en cours va-t-elle se traduire par un changement de modèle ?
Les économistes libéraux ne le souhaitent pas. Pour eux l’intervention publique est à la rigueur nécessaire pour jouer les pompiers, mais la crise passée il faudra revenir à l’austérité.
Pour les économistes keynésiens, dont je suis, il importe au contraire de changer de modèle. L’austérité appliquée à l’hôpital et les délocalisations effrénées de production y compris de biens vitaux (masques, tests…) se paient au prix fort. Il importe bien évidemment de réinvestir dans la santé. Pour ne citer que ce chiffre : les dépenses d’investissement des hôpitaux publics ont baissé de moitié en France depuis 2009 (de 11 % de leurs recettes à 5,3% en 2018)*. Mais au-delà de la santé, c’est l’architecture générale de nos économies qu’il convient de revoir. Le bilan du capitalisme néolibéral est affligeant : hausse des inégalités, sous-emploi de masse (chômage, mini-job…) alors que d’immenses besoins demeurent insatisfaits, hausse des dettes privées et publiques afin de pallier le défaut de demande provoquer par l’austérité salariale, etc.
Comment changer de modèle ?
Il ne s’agit évidemment pas de tout nationaliser – cela a conduit à des catastrophes lorsque cela a été – mais d’assumer pleinement le caractère mixte de nos économies. Avec un pôle privé, qui peut d’ailleurs prendre la forme d’associations et de coopératives, en sachant que l’organisation des grandes entreprises doit être revue, en associant les représentants des travailleurs à leur gestion, afin d’en finir avec la domination de la finance. Mais aussi avec un pôle public car, dès lors que celui-ci est bien géré (et encore faut-il qu’il le soit bien entendu), il permet de prendre en charge de façon moins inégalitaire et moins coûteuse les missions d’intérêt général comme l’éducation, la santé, etc.
La brutale récession que nous connaissons va se traduire par une hausse dramatique du chômage et de la pauvreté. Il faudra bien entendu relancer l’activité. Mais pas n’importe comment : nous devons organiser une relance à la fois verte, en privilégiant certaines activités (rénovation thermique du bâti, transports collectifs, etc.), et sociale, en revalorisant les métiers des « premiers de tranchées ».
*Source : Les dépenses de santé en 2018 – Résultats des comptes de la santé – Édition 2019, DRESS, p. 69
Le capitalisme est un système économique fondé sur la propriété privée des moyens de production et l’accumulation du capital. Ce n’est ni une idéologie, ni une doctrine, contrairement au socialisme par exemple. Il s’agit d’une pratique des affaires.
Avec la crise sanitaire, nous vivons une crise systémique dont la finance n’est qu’une dimension, à côté des dimensions sociale, écologique et géopolitique. Cette crise économique est le résultat des contradictions internes du capitalisme néo-libéral globalisé (réduction du rôle de l’Etat, baisse de la pression fiscale, privatisations d’entreprises, faiblesse de la protection sociale dans certains pays…).
Mais, au-delà des ravages qu’elle provoque, la crise du coronavirus nous signale surtout l’apparition d’un nouvel aspect du capitalisme. Ce n’est pas elle seule, qui va modifier le modèle de production des entreprises mais un autre facteur : l’appréciation du risque revue à la hausse. L’épidémie précipite un changement qui était déjà amorcé. En effet, beaucoup de stratégies d’entreprises (textile, pharmaceutique…) envisageaient déjà une diversification. Elles ne souhaitent plus dépendre d’un seul fournisseur en Chine. Dans certains secteurs, elles entrevoyaient un retour à des chaînes de valeur régionales avec l’avantage d’une fragilité moindre et d’une diversification des risques.
La dynamique du capitalisme, sa capacité à muter et à s’adapter, sont certainement parmi ses caractéristiques les plus fondamentales. C’est pourquoi, le Fonds monétaire international lance aujourd’hui des appels répétés à une mondialisation plus juste, et les leaders mondiaux parlent régulièrement de « capitalisme inclusif » (par opposition au capitalisme traditionnel qui ne le serait pas).
Ainsi, il est erroné d’affirmer que la crise actuelle marque la fin du capitalisme, qu’elle est la « crise du capitalisme » et/ou imputable au libéralisme : l’époque contemporaine n’est ni libérale, ni capitaliste au sens du « capitalisme de libre-marché ». L’économie n’est ni figée, ni immuable, la mondialisation des échanges a créé de nouvelles règles, les entreprises s’adaptent ou disparaissent.
En définitive, cette crise sanitaire apparaîtra peut-être, rétrospectivement, comme un moment d’accélération vers une nouvelle vision du monde, comme le point d’inflexion du passage du capitalisme industriel au capitalisme notamment numérique et de son corollaire : l’effondrement des promesses humanistes de la société post-industrielle.