📋 Le contexte 📋
Dans l’Église catholique, le prêtre est un homme qui, ordonné par l’évêque, est missionné pour rendre le Christ présent dans la vie des fidèles. Il a trois fonctions majeures : enseigner, sanctifier, conduire.
La messe, la confession, le baptême, l’eucharistie, le mariage, l’onction des malades… tous ces rituels sont effectués par le prêtre et permettent à la communauté d’entrer en communion avec le Christ.
En 2017, la France comptait environ 14700 prêtres.
Source : La Croix
Si l’Église catholique romaine valorise très tôt la chasteté et la virginité dans les discours, jusqu’au Moyen-Âge, la plupart des prêtres sont mariés.
Mais en 1139, après avoir affirmé que l’invalidité de mariages de prêtres avec des laïcs (le premier concile de Latran, 1123), le second concile de Latran durcit le ton en énonçant que seuls les célibataires peuvent devenir prêtres. Plus tard, face à l’opposition protestante initiée par Martin Luther (qui autorise les pasteurs à se marier), le concile de Trente (1545-1563) inaugure sa Contre-Réforme par laquelle elle réaffirme la primauté du célibat.
Depuis, le célibat est resté obligatoire pour les prêtres catholiques. S’il permet à l’ordonné de se consacrer pleinement au Christ, certains le jugent en réalité trop strict et archaïque.
Du 6 au 27 octobre dernier s’est tenu le synode* sur l’Amazonie. Ce dernier avait pour but de discuter de moyens pour remédier à la pénurie de prêtres dans la région. Deux propositions majeures ont donc été soumises au Vatican :
- l’ordination d’hommes mariés
- l’attribution de «ministères» aux femmes.
Si elles sont acceptées, ces mesures seraient une révolution pour l’Eglise catholique et mettraient fin à des principes millénaires. Bien qu’il ne concerne que l’Amazonie, cet événement pourrait bien inspirer d’autres épiscopats internationaux à faire de même.
Le pape François doit rendre sa décision dans les prochains mois.
*assemblée d’évêques
Source : Le Monde
🕵 Le débat des experts 🕵
Le célibat est un appel de Dieu
“Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra. ”1 Dès l’origine, Dieu sort l’homme de sa solitude en lui présentant la femme. Ce passage constitue l’un des fondements de la vision chrétienne du mariage. Dans ce contexte, Jésus annoncera la nouveauté du célibat consacré : “Il y en a qui ont choisi de ne pas se marier à cause du royaume des Cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne. ”2 Chez les chrétiens, la pratique de ce célibat n’est donc pas un mépris du mariage, du corps et de la sexualité. Il est une vocation, un appel de Dieu.
S’abstenir c’est se consacrer entièrement au Seigneur
Aux débuts de l’Église, la règle du célibat sacerdotal n’était pas la norme : des hommes mariés pouvaient devenir prêtres. En revanche la continence leur était imposée : dès qu’ils devenaient prêtres, ils s’abstenaient définitivement de toute relation sexuelle. Le concile d’Elvire, en 305, rappelle “l’interdiction totale faite aux évêques, prêtres et diacres de commercer avec leurs épouses et de procréer des enfants ; celui qui l’aura fait devra être exclu de l’état clérical.” Progressivement s’imposera la coutume de ne choisir comme futurs prêtres que ceux ayant reçu la vocation au célibat, non seulement pour contrer les dérives financières au profit des familles de prêtres, mais surtout par respect pour le mariage qui nécessite les relations conjugales.
Être prêtre est une vocation à temps plein
Et aujourd’hui ? Être prêtre n’est pas un métier, avec des horaires, un salaire, une carrière. C’est une vocation à temps plein. Tout comme un père ou une mère de famille est père ou mère toute sa vie, un prêtre l’est à chaque instant et pour toujours. Ce don de lui-même au peuple de Dieu qui lui est confié requiert une vraie disponibilité du cœur et de l’agenda. S’il avait charge de famille, comment pourrait-il remplir sa mission ? Parce que l’Église n’est pas une entreprise mais une famille, le prêtre n’a pas d’horaires. Il est entièrement donné à Dieu et aux autres. Son célibat rend possible ce don.
Pour que ce célibat soit vécu d’une manière épanouissante et non dans la frustration, il doit respecter trois conditions. Premièrement, puisqu’il reçoit sa vocation de Dieu, le prêtre entretient une intense vie de prière, expression de sa relation d’amour avec Dieu. Ensuite il doit posséder un solide équilibre humain et affectif, nourrit par de vraies amitiés, notamment avec des couples. Enfin le célibat sacerdotal n’étant pas une vocation à la solitude, le concile Vatican II a fortement encouragé la vie commune et fraternelle entre prêtres3. Le prêtre célibataire n’est pas un solitaire : il est un homme de relation et de communion.
1 Genèse 2,18
2 Evangile selon saint Matthieu 19,12
3 Concile Vatican II, décret Presbyterorum Ordinis, 8
Le célibat est un don personnel qui ne peut être imposé
Nulle part dans la Bible, le célibat apparaît comme une condition pour être prêtre ou évêque. Dans l’Évangile selon St Matthieu (19,12), Jésus mentionne ceux qui ont choisi « de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux », mais il s’agit d’un choix personnel sans mention de service particulier.
Saint Paul, qui pourtant dit qu’il voudrait nous voir (tous) comme lui, célibataire, atteste que le célibat est un don personnel (1Co7, 7). Il ne peut donc en aucun cas être imposé.
Il indique encore qu’un responsable de communauté : « doit être irréprochable, époux d’une seule femme, … Il faut qu’il dirige bien les gens de sa propre maison, … Car si quelqu’un ne sait pas diriger sa propre maison, comment pourrait-il prendre en charge une Église de Dieu ? » (1ère lettre à Timothée 3)
On devrait pouvoir être marié ET être prêtre
Le désir d’être prêtre, c’est-à-dire de conduire une communauté, prier pour elle, célébrer les sacrements et l’aider à vivre concrètement l’Evangile, peut conduire des individus à s’engager, sans pour autant ressentir de disposition au célibat. Ils pourraient tout à fait être ordonnés prêtres.
En effet, le texte de référence de l’Eglise Catholique (en dehors de la Bible) est le Concile Vatican II où nous lisons que le célibat « n’est pas exigé par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l’Église primitive et la tradition des Églises orientales » (En effet, les prêtres catholiques des églises d’Orient peuvent se marier). Il est simplement indiqué que le célibat, qui a été tardivement imposé aux prêtres dans l’église latine, a « de multiples convenances avec le sacerdoce ». (Presbyterorum Ordinis n°16 du 7 décembre 1965)
La « disponibilité intérieure » n’est pas réduite au prêtre célibataire
L’argument de la plus grande disponibilité des célibataires fait fi des soucis et responsabilités qui incombent à chacun, il néglige le fait que quasiment toutes les personnes qui travaillent et s’engagent généreusement dans notre société aujourd’hui vivent en couple. L’enjeu concerne bien plus la « disponibilité intérieure », défi équivalent pour une personne célibataire ou mariée.
Il est donc clair qu’aucun texte fondamental, ni la Bible, ni le Concile, n’implique la contrainte du célibat. Etant donné le contexte actuel, sans doute est-il d’autant plus urgent de ne plus imposer le célibat à ceux qui se sentent appelés à être prêtres.