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(c) Harald Schmidt 2014

L’Écosse devrait-elle devenir indépendante ?

Ce débat a initialement été publié sur The Rift, le site anglophone du Drenche, et il a été traduit en français par la Rédaction.

📋  Le contexte  📋

Aujourd’hui, l’Ecosse fait partie du Royaume-Uni aux côtés de l’Irlande du Nord, du Pays de Galles et de l’Angleterre. L’Ecosse est devenu un de ces royaumes en 1707, par les Actes d’Union qui ont fusionné le Royaume d’Angleterre et le Royaume d’Ecosse pour former un seul Etat.

Jusqu’en 1999, les Ecossais étaient représentés uniquement par le Parlement britannique. Néanmoins, lors d’un référendum tenu en 1997, les habitants du pays ont exprimé le soudait de créer une institution politique séparée – un parlement.

The Scotland Act, promulgué en 1998, a donné naissance au Parlement écossais. Il a également spécifié les pouvoirs réservés au Parlement britannique. Le Parlement écossais a le pouvoir sur tout ce qui n’est pas spécifié, y compris l’éducation, la justice et la police, les transports et le développement économique.

Source : scotlandinfo.eu

Le mouvement indépendantiste écossais est né à la fin du XIXe siècle, et il s’est focalisé en particulier sur le statut d’autonomie et des pouvoirs autonomes d’Ecosse. Le mouvement a grandi avec la découverte du pétrole dans la mer du Nord, sur la côte Est du pays.

Il a mené à un référendum sur la décentralisation en 1979, qui a interrogé les Ecossais sur leur volonté de créer une assemblée parlementaire décentralisée. Les résultats y ont donné feu vert (52% de OUI contre 48% de NON), mais ils ont été invalidés à cause de la faible participation. Le deuxième référendum de décentralisation a été tenu en 1997, et il a donné naissance au Parlement écossais.

Après des années d’efforts du Parti National Ecossais (Scottish National Party, le parti du mouvement indépendantiste), l’Ecosse a tenu un référendum d’indépendance en 2014. Deux campagnes ont été particulièrement actives : Yes Scotland, qui défendait l’indépendance du pays, et Better Together, une campagne unioniste appelant à rester partie intégrante du Royaume-Uni. Lors de ce référendum, 55,3% d’Ecossais ont voté contre l’indépendance.

Source : The Independent

Même si le « NON » l’a remporté au référendum de 2014, cela n’a pas fait disparaître le mouvement indépendantiste en Ecosse. Au contraire, le mouvement a davantage grandi après le référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne, qui a été tenu en 2016. L’Ecosse a été un des pays qui a voté pour rester dans l’Union européenne (avec 62% de voix pour le remain contre 38% pour le Brexit). Une grande partie des Ecossais se sent aujourd’hui en décalage avec Londres et souhaite rester au sein de l’UE.

L’instabilité politique du Royaume-Uni liée au Brexit renforce les appels des indépendantistes pour organiser un deuxième référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Les élections générales britanniques de Décembre 2019, qui ont augmenté la présence du Parti Conservateur au sein du Parlement britannique, ont confirmé cette volonté – la Première Ministre d’Ecosse, Nicola Sturgeon, a déjà appelé à l’organisation d’un deuxième référendum sur l’indépendance.

Sources : The Independent, NBC News

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »
Kirstein Rummery
Professeur de politiques sociales et membre du bureau de Women for Independence
8 raisons pour l'indépendance de l'Ecosse

J’étais neutre lors du référendum d’indépendance de l’Ecosse en 2014. Oui, cela aurait été intéressant, mais à mes yeux et ceux de ma famille, les risques étaient élevés. Depuis, les recherches que j’ai mené en tant qu’universitaire féministe concernée par les politiques sociales et citoyenne préoccupée par les droits des femmes et des personnes handicapées m’ont convaincu que l’Ecosse et son peuple serait mieux en étant indépendant du Royaume-Uni. Voici pourquoi :

1. Depuis la décentralisation, l’Ecosse a démontré qu’elle peut faire des meilleures politiques sociales pour elle-même que le Royaume-Uni. Au niveau des politiques de santé publique, d’éducation, de logement et de protection sociale, l’Ecosse arrive aux meilleurs résultats.

2. Le Parlement écossais est plus coopératif et il travaille mieux en équipe que le Parlement britannique. Il a un système de votation plus juste, et ainsi il construit des meilleurs politiques publiques. Chacun est impliqué dans le développement et dans la mise en oeuvre des politiques publiques, donc elles fonctionnent mieux.

3. L’Ecosse est plus riche et plus juste suite à la décentralisation, mais elle ne peut pas faire tout ce qu’elle doit faire. Pour atteindre les objectifs comme l’égalité de salaires ou l’économie verte et durable, il faut contrôler tous les leviers de pouvoir.

4. L’Ecosse est une nation petite, progressive et focalisée sur l’extérieur. Elle a voté contre le Brexit, mais elle est en train d’être sortie de l’Union européenne. Elle a une population vieillissante, et elle a besoin de l’immigration pour construire et nourrir son économie. Mais elle est liée au Royaume-Uni par les politiques qui agissent contre ses intérêts. 

5. L’indépendance nous donnerait la possibilité de réécrire notre constitution et d’y placer des valeurs importantes, telles que l’égalité des genres, le droit à l’accès au services ou au soutien. Le Royaume-Uni n’a pas de constitution écrite mais un assemblage de règles qui a plusieurs centaines d’années, n’est plus adapté… et on ne peut pas le réécrire. L’Ecosse peut, et mérite, de faire mieux pour ses citoyens.

6. L’Ecosse paie plus de taxes que ce qu’elle ne reçoit de la part du gouvernement britannique, contrairement au mythe persistant que l’Ecosse est ‘subventionnée’ par le Royaume-Uni.

7. L’indépendance donnerait à l’Écosse la possibilité de traiter la question de l’égalité des sexes. Nous pourrions augmenter les investissements dans la garde d’enfants, chaque 1£ investie en rapporterait ainsi 5. Cela ne créerait pas magiquement une économe verte et équitable, mais cela nous donnerait des leviers politiques de la rendre verte et équitable.

8. Un changement constitutionnel en Ecosse mènerait inévitablement à un changement dans le reste du Royaume-Uni, qui mènerait à des meilleures politiques économiques et sociales pour tous.

Le « Contre »
Hugh Pennington
Professeur émérite de bactériologie, Université d'Aberdeen
"Better Together"

Quand on m’a demandé de prendre part à la campagne « Better Together », la campagne de 2012-2014 contre la sécession de l’Ecosse du Royaume-Uni , j’ai accepté sans hésitation. Je suis un scientifique et cela a été central dans ma décision. Un jour, Anton Chekhov a dit « Il n’ya pas de science nationale tout comme il n’y a pas de table de multiplication nationale, ce qui est national n’est plus science ».

Ma vision du nationalisme a été formée par ma vie en Ecosse de ces 50 dernières années. En particulier, elle a été marquée par mon expérience en tant qu’examinateur et évaluateur à l’Université Queens, à Belfast pendant et après « les Troubles » en Irlande du Nord, aussi bien que par mon expérience en tant que membre du groupe de conseil du Programme alimentaire mondial de l’ONU, qui devait s’assurer que la nourriture donné pouvait être consommée sans danger. On ne s’est jamais basé sur des régulations nationales, mais on a utilisé notre expertise scientifique. Les règles que nous avons appliqué étaient utilisées partout, de l’Australie à la Pologne, en passant par l’Autriche et le Pérou.

La mondialisation défie les concepts traditionnels de l’indépendance. Sir Neil MacCormick, fils d’un des fondateurs du promoteur majeur de l’indépendantisme écossais, le Parti National Ecossais (Scottish National Party – SNP, ndlr) et professeur de droit à l’Université d’Edinburgh, s’est penché sur ce sujet. Il a préféré une approche néo-nationaliste d’une post-souveraineté, qui assurerait une position utilitariste à l’Ecosse – l’indépendance dans l’Union européenne – plutôt qu’une vision fondamentaliste, existentielle et autarcique, dans laquelle l’Ecosse abandonnerait une Union pour une autre, et deviendrait un petit poisson dans un gros lac, au lieu de rester un plus gros poisson dans un plus petit lac.

Le techno-nationalisme (une invention – le chauvinisme qui célèbre le citoyen créatif) prospère en Ecosse. Nicola Sturgeon, la dirigeante du SNP, a dit : « Assurons-nous que les pionniers d’inventions, les entrepreneurs et les créateurs qui travaillent aujourd’hui dans notre pays soient aussi connus de nos générations futures que John Logie Baird, Alexander Fleming ou James Watt ont été de nous ». Mais Baird a développé son système de télévision en Angleterre, Fleming a découvert la pénicilline à Londres et Watt est devenu entrepreneur seulement à Birmingham. Donc, l’Union a bien servi aussi bien l’Ecosse que l’Angleterre.

Le Traité d’Union de 1707 a laissé les lois écossaises intactes. Tout comme il a laissé l’éducation, la religion, les prisons, la santé publique, l’agriculture et la pêche entre les mains des Ecossais. Il est raisonnable de dire la manière dont ces choses ont été dirigées fournit une prévision de ce qui se passerait après l’indépendance. L’annonce d’une enquête publique qui sera bientôt menée par le gouvernement écossais (et qui impliquera beaucoup de juristes et qui coûtera des millions d’euros) pour investiguer des problèmes liés à la prévention d’infections au CHU de la reine Elisabeth à Glasgow (ouvert en 2015), et les longs délais d’ouverture du nouvel hôpital pour enfants à Edinburgh n’inspirent pas confiance.

La santé devrait l’emporter sur les questions constitutionnelles. Le Traité d’Union doit rester en vigueur.

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