Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Une Eglise démocratique
Jean Combe
Co-fondateur de la Fédération Européenne des Prêtres Mariés et de leurs épouses.http://www.pretresmaries.eu/
La question posée ne concerne que l’Église Catholique Romaine (ECR) et non l’Église protestante unie ou l’Église Anglicane ou Épiscopalienne qui ont déjà des femmes pasteures dans l’une et même évêques dans l’autre après une décision prise très démocratiquement.
Seconde remarque : dans cette ECR, prêtre, évêque, c’est une fonction liée à un Ministère, donc à un service de la Communauté. Or ce Ministère de service est devenu un Pouvoir ? Un prêtre c’est d’abord l’accompagnateur d’une communauté sur la « Voie » de Jésus. N’est-il pas surprenant de constater cette exclusion des femmes de ce service alors que le « fondateur » de cet organisme n’a cessé d’œuvrer pour la libération des femmes et des hommes d’un judaïsme fait alors d’obligations et de contraintes, et donc réducteur d’épanouissement des personnes ?
Troisième remarque : les sociétés démocratiques ont fait un long chemin pour l’émancipation de la femme et la marche vers l’égalité. Dans ce domaine disons que l’ «Église » a besoin de se faire évangéliser par la société !
Comme toutes les religions, l’ECR a opprimé les femmes tout en se servant d’elles. Elle n’a fait historiquement que copier la société dans sa violence institutionnelle par rapport à elles en les écartant de toutes les taches d’organisation et d’animation des communautés. Pourtant, très concrètement, si les paroisses tiennent aujourd’hui debout, elles le doivent essentiellement aux femmes qui jouent les rôles de services de la Communauté, mais non authentifiés, donc laissées au « bon vouloir » de M. le curé ! Pour compenser, on a cherché à magnifier leur être de femme mais en les cantonnant à des rôles de compagne de l’homme et de mère.
La théologie est encore une affaire d’hommes. De ce fait, peut-on y chercher des arguments décisifs en faveur de ce changement ? On trouvera toujours un autre texte pour contrer le précédent. Citons ce seul texte, la parole de Paul aux Galates : « Il n’y plus ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus ni homme ni femme, car vous tous vous êtes un en Jésus Christ.» Gal 3/28. Alors pourquoi cette discrimination envers les femmes ?
Mais ordonner des femmes n’est pas un but ultime. Cette perspective suppose une révision en profondeur de la vision théologique aujourd’hui patriarcale et mono-sexiste des responsables (non élus) de la Communauté des croyants. Pourquoi aucune femme ne peut-elle encore accéder à ce seul palier du diaconat ? Pourtant les arguments tirés de la Bible, de la psychologie, de la sociologie, de l’histoire de l’église… ont été étudiés depuis des années. A-t-on encore besoin d’une nouvelle commission de travail ? On sait que le diaconat n’a pu être envisagé dans les communautés protestantes et anglicanes que comme un palier vers la pleine responsabilité d’une communauté en tant que prêtre. Pour mesurer l’ampleur de la tâche, observons qu’aujourd’hui encore une femme, même théologienne, n’est même pas habilitée à prendre la parole dans une assemblée, à faire l’homélie par exemple. Nous avons pourtant besoin de cette parole Autre. La hiérarchie toute masculine de l’Église catholique serait-elle prête à renoncer à sa position dominante?
D’autre part cela suppose une révision en profondeur de la manière de constituer les communautés de base et leur organisation. Faisons advenir une église plus participative, d’aucuns disent plus démocratique, car si la démocratie n’est pas inscrite dans les gènes de cette église, les chrétiens, eux, la vivent au quotidien comme citoyens.
Les femmes prêtres : pourquoi c’est non
Abbé Pierre AMAR
Curé de paroisse (diocèse de Versailles), co-fondateur du Padrebloghttp://www.padreblog.fr
Soyons clairs : si le prêtre était une personne embauchée par son évêque pour animer une paroisse, présider des cérémonies, être théologien, catéchiste, permanent pastoral, visiteur de malades, homme de prière ou confident des âmes, une femme pourrait tout à fait remplir cette fonction.
Osons le dire, elle le ferait aussi bien et peut-être même mieux qu’un homme !
Mais voilà : être prêtre, ça n’est pas (que) ça.
Rien à voir, non plus, avec une affaire de mérite ou de dignité : si c’était le cas, Jésus – qui dans les évangiles se révèle très libre par rapport aux usages ou aux interdits de son époque – aurait demandé à sa propre mère, Marie, d’être prêtre.
On nous dit qu’il existe des femmes pasteurs chez les protestants, certes.
Mais justement, le pasteur n’est pas prêtre. Il ne reçoit aucun sacrement qui le rend différent et le met à part des autres.
En fait, le prêtre ne se définit pas d’abord par ses tâches ou sa fonction. Il se définit par ce qu’il est : une représentation du Christ.
L’incompréhension sur ce sujet vient surtout du fait que beaucoup voient l’Eglise comme une association humanitaire dont le siège social est à Rome.
Le pape François dénonçait lui-même cette vison des choses le premier jour de son pontificat en disant que le pire qui pourrait arriver à l’Eglise serait qu’elle devienne une ONG. « Elle s’écroulerait sans consistance », disait-il.
En réclamant la parité, on en reste au niveau psychologique ou sociologique.
Or, l’explication est d’ordre spirituel : l’Eglise est l’épouse, le Christ est l’époux.
Ceux qui tiennent sa place à la messe et ailleurs doivent être comme Jésus : des hommes.
Cela ne veut pas dire que la femme n’a pas sa place dans l’Eglise.
Et encore moins que les prêtres devraient se marier, une possibilité tout à fait envisageable et qui existe déjà, même si je trouve que notre célibat a une signification et une fécondité irremplaçables.
L’occasion d’un autre débat sur le Drenche ?