Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Prix des médicaments: la France reste un mauvais élève
Michèle Rivasi
Députée écologiste (EELV) au Parlement européen et spécialiste des questions de santé publique.
Candidate à la primaire EELV pour la présidentielle de 2017
On constate que le coût global du médicament en France revient 80% plus cher qu’en Italie (34 milliards d’euros contre 18 en Italie).
De même, parmi les médicaments les plus prescrits des deux côtés des Alpes, le Lucentis coûte 690 euros TTC en Italie contre 817 euros en France ; l’insuline Lantus vaut 53 euros en Italie contre 63 en France et le Gardasil coûte 70 euros en Italie et 122 euros en France.
A cela s’ajoute le fait que la prescription des médicaments et de la consommation des médicaments en France est largement supérieure à celle des autres pays européens.
Déjà en 2007 dans son rapport sur la Sécurité sociale, la Cour des Comptes affirmait que « La France se caractérise par un niveau de prescription et de consommation de médicaments supérieur à celui de ses voisins européens sans que cela se justifie par des indicateurs de morbidité ou de mortalité différents ».
La sur-prescription médicamenteuse en France
Les français sont les plus gros consommateurs de médicaments en Europe et ce depuis plusieurs décennies. Chaque année, les Français consacrent 2 % du PNB à la consommation de médicaments. C’est entre 50 % et 100 % de plus que nos voisins les plus proches.
En 2011, la consommation de soins et de biens médicaux, en France, a culminé à 180 milliards d’euros, soit 2 762 euros par habitant en progression de 2,7 % par rapport à 2010.
La consommation de médicaments et des autres produits pharmaceutiques a atteint 532 euros par habitant en 2011. Ceci est une moyenne avec de très fortes disparités : ce sont en effet surtout les personnes âgées et celles atteintes de maladies graves qui consomment le plus.
Une étude de l’OCDE publiée en 2006 montrait que nous nous situons en terme de dépenses pharmaceutiques au second rang mondial derrière les Etats-Unis. La dépense moyenne par habitant s’élevant à 792 dollars aux Etats-Unis contre 554 dollars en France (à parité de pouvoir d’achat entre les pays). Les Pays-Bas ne sont qu’à 318 dollars et la Suède à 351 dollars. Du progrès reste à faire pour lutter contre cette sur-consommation de produits pharmaceutiques.
Si nous regardons l’évolution de la consommation de médicament par habitant chaque année, l’évolution est en hausse linéaire depuis les années 80 que nous considérons comme le tournant dans l’évolution de la politique du médicament en France.
Ainsi, nous sommes passés d’une dépense annuelle en médicament par habitant de 95 euros en 1980, à 258 euros en 1990, 414 euros en l’an 2000 et 520 euros en 2010.
En juillet 2012, Le LIR (proche des entreprises pharmaceutiques), en collaboration avec la Chaire ESSEC Santé et sous la direction du Professeur Gérard de Pouvourville, a publié les résultats d’une étude, réalisée par deux analystes spécialistes de la consommation de médicaments retraçant sur la décennie des années 2000 l’évolution de la consommation de médicaments en France et dans 6 autres pays européens : Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas et Royaume-Uni. Ce travail a comparé la consommation de médicaments en volume entre 2000 et 2011, dans 8 classes thérapeutiques les plus couramment utilisées : antibiotiques, anxiolytiques, anti-dépresseurs, antiulcéreux, hypolipémiants, anti-hypertenseurs, anti-diabétiques et anti-asthmatiques.
Si sur la période étudiée, la France est le pays qui aurait connu le taux d’évolution de la consommation de médicaments le plus faible d’Europe, il faut toutefois noter une très forte consommation de certains types de médicaments, comme les antibiotiques ou les anxiolytiques, 7 fois plus consommés en France qu’au Royaume-Uni par exemple. Si selon cette étude la France n’occupe désormais plus seule la place de leader de la consommation de médicaments, il faut nuancer ces résultats.
En effet, on constate une hausse de la consommation dans les autres pays européens plus forte qu’en France et d’autre part cette étude ne prend malheureusement pas en compte les médicaments non remboursés par la sécurité sociale (70 % du volume).
Or, c’est sur cette catégorie que nous construisons notre leadership malheureusement.
Le rapport Lemorton de 2008 préconisait de faire évoluer les comportements des prescripteurs et des consommateurs par une meilleure information sur le médicament et le développement de l’éducation thérapeutique tout en s’appuyant sur le réseau des pharmacies d’officine pour promouvoir les génériques et développer une automédication responsable.
Force est de constater que ce rapport a vite été enterré.
Une campagne de propagande mensongère
Les Entreprises du Médicament
Association professionnelle qui regroupe les entreprises du médicament en France
Le Leem a pris connaissance de la campagne publicitaire de Médecins du Monde sur la thématique du prix des médicaments (voir le contexte, NDLR).
Il tient à réagir avec la plus grande fermeté aux propos caricaturaux et outranciers tenus par Médecins du Monde. Imaginer que les Entreprises du Médicament spéculent sur l’aggravation de certaines maladies comme le cancer du sein n’est pas seulement injurieux pour les industriels, il est également particulièrement choquant et irrespectueux pour les millions de personnes qui se battent quotidiennement contre la maladie.
L’arrivée d’innovations thérapeutiques majeures dans le domaine des maladies infectieuses ou en oncologie est avant tout une bonne nouvelle pour les patients. Ces innovations ouvrent des perspectives de guérison ou d’allongement de l’espérance de vie pour de très nombreux malades.
Elles vont également constituer un défi majeur pour l’organisation de notre système de soins. Celui-ci va devoir se transformer en profondeur pour faire face à la chronicisation de maladies jusqu’ici mortelles à brève échéance. C’est pourquoi, le Leem depuis plusieurs mois réclame une réforme structurelle de notre système de santé passant par une meilleure anticipation de l’arrivée des progrès thérapeutiques, un développement des capacités de pilotage et un déploiement d’une stratégie d’adaptation de notre appareil de soins à l’innovation.
Au regard de ces enjeux majeurs, la question du prix des médicaments innovants ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt.
Le Leem rappelle :
- que les dépenses de médicaments sont aujourd’hui la partie la mieux maîtrisée de l’ONDAM et que le médicament contribue, bien au-delà de ce qu’il représente dans les dépenses de santé, au montant des économies prévues annuellement dans la Loi de financement de la sécurité sociale (50 % des économies pour 15 % seulement des dépenses),
- que le chiffre d’affaires des entreprises du médicament a diminué sur les 5 dernières années et que en 2016 -comme d’ailleurs en 2015-, le taux d’évolution des dépenses de médicaments votées par le Parlement s’établit à -1 %. La France est aujourd’hui le dernier des grands marchés européens à être en récession alors que, du fait de l’innovation, les autres marchés européens ont renoué avec la croissance,
- que la plupart des médicaments ont aujourd’hui des prix particulièrement bas et, qu’en termes économiques, le médicament est la plupart du temps la solution de santé la plus efficiente. A titre d’exemple,
- pour moins de 10€, on guérit d’un ulcère gastrique, évitant les coûts chirurgicaux faramineux du passé,
- pour moins de 20€, on traite les pneumonies aiguës,
- pour moins de 1 000€ sur toute une vie, grâce aux vaccins, on se protège contre 12 maladies graves (comme la poliomyélite, la diphtérie, la rougeole…).
S’agissant du prix des médicaments innovants, le Leem indique que :
1. Le prix de ces médicaments est fixé par le Comité économique des produits de santé à l’issue de négociations avec les industriels. En aucun cas, les industriels ne fixent donc leur prix de façon unilatérale,
2. Le prix de ces médicaments est principalement fonction de l’évaluation des produits par deux commissions administratives indépendantes et repose avant tout sur le bénéfice thérapeutique ajouté par le nouveau médicament,
3. Pour l’industriel, ce prix doit prendre en compte non seulement les coûts de recherche des nouveaux médicaments, mais également leur durée de mise au point (11,5 ans en moyenne) ainsi que les risques qui s’attachent à leur développement (seuls 7 % des médicaments entrant dans un essai clinique de phase 1 accèderont au marché),
4. Ce prix n’est pas le reflet des investissements passés : il permet les investissements futurs pour découvrir de nouveaux traitements dans l’intérêt des patients. Le Leem rappelle à cette occasion que le secteur pharmaceutique est l’un de ceux qui investit le plus dans les activités de R&D, avec un taux moyen de 15 % du chiffre d’affaires. Ce taux s’élève souvent au-delà de 30 % pour les entreprises les plus innovantes.
Enfin, concernant le prix des nouveaux traitements, le Leem propose, indépendamment des négociations en cours entre les entreprises et le CEPS, d’aligner la progression de l’enveloppe des médicaments remboursés au niveau de celui de l’ONDAM (+1,75 %). Cette proposition est de nature à garantir l’accès aux nouveaux traitements à tous les patients qui en ont besoin sans grever les comptes de la branche maladie.
Loin de servir l’intérêt des patients, les campagnes outrancières de stigmatisation ne contribuent qu’à entretenir des clivages artificiels et idéologiques. Les entreprises du médicament et leurs 100.000 collaborateurs appellent Médecins du Monde à ne pas se tromper de combat.