L’œil de l’experte
Ce contenu vous est proposé par Le Drenche avec le soutien de MSC.
Entretien avec
Margaux Favret
Ingénieure halieutique (science des ressources de la mer) et dirigeante du programme MSC France
Créé en 1997 par WWF et Unilever, le Marine Stewardship Council (MSC) est une ONG internationale à but non lucratif qui lutte contre la surpêche et pour la préservation des océans, notamment grâce à un programme d’écocertification. Le MSC encourage aussi les initiatives écologiques dans les pêcheries de toute taille, notamment dans les pays en voie de développement, grâce à un fonds d’appui. Par le biais de campagnes et d’actions éco-citoyennes, elle sensibilise les citoyens, les acteurs du marché, les gouvernements, les pêcheurs désireux de s’engager dans une économie soutenable.
Qu’est ce qu’on entend exactement par « pêche durable » et « poisson durable » ?
L’étymologie du mot durable, c’est quelque chose que l’on peut faire sur le long terme, indéfiniment. La pêche durable, d’un point de vue environnemental, c’est s’assurer que lorsqu’on pêche du poisson, on le fait de manière assez raisonnée pour que la population de poissons se reproduise suffisamment pour pouvoir prélever la même quantité de poisson indéfiniment. Cela demande de s’assurer que la population de poissons est en bon état, et que l’engin de pêche utilisé ne menace pas le reste de l’écosystème. Le troisième aspect, c’est la création d’un cadre réglementaire et d’un système de gouvernance clair et transparent, qui inclut une surveillance pour s’assurer du respect des normes et qui s’appuie sur l’avis des scientifiques.
Pourquoi il est nécessaire aujourd’hui de parler de pêche durable ?
Aujourd’hui, d’après l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO en anglais), plus de 30% des stocks de poissons sont surexploités. C’était 10% il y a 20 ans !
En tenant compte du fait que nous serons 10 milliards sur Terre en 2050, si une réglementation internationale n’est pas mise en œuvre dès maintenant, nous aurons rapidement un problème environnemental, humanitaire et social. Or, le poisson est une source de protéine doublement précieuse pour la sécurité alimentaire, car facilement accessible et à très faible impact carbone.
Selon la FAO, une exploitation plus durable des populations de poissons pourrait permettre de produire 16 millions de tonnes en plus par an, qui permettraient de nourrir 72 millions de personnes supplémentaires.
Quel bilan tirez-vous du label depuis sa création ?
Les systèmes de certification, lorsqu’ils sont rigoureux et indépendants, poussent à l’amélioration : c’est-à-dire inciter les producteurs et les chaînes d’approvisionnement à améliorer leurs pratiques. Lorsqu’un pêcheur obtient le label MSC, on lui demande dans 90% des cas de continuer à s’améliorer sur au moins un point après l’obtention de la certification. C’est une condition sine qua non du maintien de la certification.
Ce principe d’amélioration continue a mené à plus de 1900 programmes d’améliorations dans les pêcheries (collecte de données accrue sur le milieu marin, réduction des captures accidentelles, etc.). Dans ce cadre, une pêcherie de légine à La Réunion a réduit de 99% la capture accidentelle d’oiseaux marins !
Pourquoi travailler de cette manière ?
Les progrès les plus spectaculaires en matière de pêche durable ont lieu lorsque tous les acteurs (pêcheurs, scientifiques et ONG) sont réunis ; c’est beaucoup plus efficace, et les avancées obtenues jusqu’ici sont porteuses d’espoir.
Il faut être conscient que si on cherchait d’emblée à obtenir la perfection, nous ne pourrions travailler qu’avec une part infime des pêcheurs dans le monde. Il me paraît plus pragmatique de créer une définition qui est à la fois ambitieuse scientifiquement, mais suffisamment accessible pour que les pêcheries qui ne sont pas encore à ce niveau ne soient pas découragées. Tout l’enjeu est de trouver ce point d’équilibre qui évolue avec le temps et les découvertes scientifiques.
Avez-vous vu un changement chez les consommateurs ?
Il y a 10 ans, la durabilité n’était pas la priorité numéro une. En 2018 en France, la durabilité était le 9ème critère d’achat pour le poisson, derrière le prix, le goût, la fraîcheur… En 2020, c’est devenu le 5ème critère, devant le prix ! C’est très encourageant, car les citoyens font partie de la solution !
Jouer sur le pouvoir de la demande a un impact fort sur les pêcheurs et leurs techniques, et influence fortement les chaînes d’approvisionnement. Le consommateur français est de plus en plus averti, et je pense qu’on peut s’en réjouir.
Une pensée à méditer pour nos lecteurs ?
Un penseur américain disait “pour tout problème compliqué, il y a toujours une solution qui est claire, simple, mais fausse”. Cela s’applique très bien au domaine de la pêche et au domaine scientifique en général ! Les infos ingurgitées en trois secondes, je n’y crois pas. Je conseillerais donc de croiser les infos, lire différentes sources d’informations, des opinions opposées. Cela vous donnera une meilleure idée de l’ampleur du problème et de ses différentes dimensions.
D’autres actions de MSC…
Le Fonds Mondial pour la Pêche Durable soutient depuis 2015 la recherche en sciences halieutiques et aide les pêcheries de toutes tailles, notamment dans des pays en voie de développement dans leurs parcours vers l’obtention de la certification MSC.
MedFish, lancé avec le WWF, vise à analyser en profondeur la durabilité des pêcheries méditerranéennes françaises et espagnoles pour proposer des plans d’améliorations.
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site d’MSC