LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU
Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…
Mais au fait… Y a-t-il plus de naissances lors de la pleine lune ?
Voici peut-être une phrase que vous avez déjà entendue : “il est né hier ? Normal, c’était la pleine lune !”. En effet, de nombreuses personnes disent que la pleine lune favorise les accouchements. Mais au fait, est-ce vraiment le cas ? Vérifions.
Que disent les chiffres ?
C’est la base de tout raisonnement scientifique : vérifier sans parti pris. La question “y a-t-il plus de naissances lors de la pleine lune ?” est-ce qu’on appelle une hypothèse, une question que l’on peut légitimement se poser. Pour la vérifier, faisons appel aux chiffres.
En France, l’INSEE recense le nombre de naissances par jour. Voici le graphique pour l’année 2019.
On constate une forte variation qui est due aux week-ends et jours fériés. En effet, une partie des naissances est programmée (accouchements déclenchés, césariennes), d’où la présence de la courbe verte : la moyenne mobile. On constate une variabilité saisonnière dans les naissances, mais pas de périodicité. Premier indice.
Deux études sur ce sujet
Pour en avoir le cœur net, deux études ont recensé toutes les naissances en fonction de leur écart par rapport à la pleine lune.
La première a été faite par Staboulidou, Soergel, Vaske et Hillemans, chercheurs au Department of Obstetrics and Gynaecology of the University Medical School of Hannover en 2010. Ils ont étudié 11 400 naissances (courbe grise), dont 6 700 naissances spontanées (courbe noire). La courbe ne montre pas de différence le jour de la pleine lune ou à son approche.
Une autre étude encore plus complète a été réalisée par le CLEA, le Comité de liaison enseignants et astronomes, qui a compilé la totalité des naissances en France entre 1968 et 2013, soit 35 082 333 naissances.
Elles ont été représentées en fonction de leur écart à la pleine lune (0 = pleine lune sur le graphique ci-dessous). Le résultat est sans appel : la lune n’a aucune influence sur les naissances.
Des études complémentaires ont étudié la corrélation entre les naissances compliquées, prématurées, ou encore les fausses-couches avec la pleine lune, et le résultat est le même : aucune influence.
Alors pourquoi cette croyance est-elle tout de même répandue ?
Deux mécanismes sont à l’origine de cette croyance (et de beaucoup d’autres).
Premier mécanisme : la preuve par l’exemple.
Vous rencontrerez certainement des gens qui avancent une vérité générale basée sur une expérience personnelle. Le problème est que, bien souvent, nos expériences personnelles se basent sur un nombre limité d’événements ; ils ne sont donc pas statistiquement significatifs. Prenons un exemple pour bien comprendre.
- La semaine dernière, j’ai bu une chicorée, et la reine d’Angleterre est morte. Or, la dernière fois que j’ai bu une chicorée, c’était en 2019 : le jour même, le Grand-duc du Luxembourg mourait. Ma conclusion ? Quand je bois de la chicorée, je fais mourir un monarque européen.
Ça vous semble absurde ? Ça l’est ! Pourtant, ce raisonnement est fréquemment appliqué. Cela signifie que même s’il peut exister une corrélation statistique entre deux événements, l’un ne provoque pas forcément l’autre. En sciences, on dit que corrélation ne veut pas dire causalité !
Second mécanisme : le biais de confirmation.
Le biais de confirmation est un penchant que nous avons tous, qui nous incite à être plus attentifs et plus sensibles aux faits qui nous confortent dans notre opinion. En l’occurrence, si je travaille dans une maternité et que je constate beaucoup de naissances une nuit de pleine lune, je vais avoir tendance à l’attribuer à la pleine lune, alors que j’oublierai plus rapidement une nuit avec de nombreuses naissances hors pleine lune.
Ce mécanisme fonctionne également dans d’autres domaines : nous allons tous accorder plus d’attention aux faits divers qui nous confortent dans nos opinions politiques et rapidement oublier les autres.
L’importance du symbole et du contexte
Une dernière raison à cette croyance est culturelle : depuis longtemps, la femme est symboliquement associée à la lune dans les imaginaires. La dualité homme-femme est souvent comparée à la dualité soleil-lune, jour-nuit, etc. La lune est associée au mysticisme et on lui prête énormément d’influences… qu’elle n’a en réalité presque jamais.
On compare également souvent le cycle lunaire et le cycle menstruel féminin, alors qu’encore une fois, ils ne sont pas corrélés : le cycle lunaire varie entre 29,3 et 29,8 jours, alors que le cycle menstruel dure entre 21 et 40 jours (lorsqu’il est régulier), avec une moyenne à 28 jours.