Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Les crèches chrétiennes n’ont pas leur place dans les bâtiments de la République
Le respect de la liberté de conscience des citoyens et citoyennes est le moteur de cette action pour qu’il n’y ait pas de crèche chrétienne, en fait catholique, dans les bâtiments publics, dans le cas présent dans le hall d’entrée de l’Hôtel du département de la Vendée.
L’installation de crèches catholiques (les protestants ne font pas de crèches) dans les bâtiments de la République est récente et ne correspond nullement à une tradition. Les crèches sur des emplacements publics ont été interdites par la Révolution française, elles ont donc trouvé une nouvelle vie au domicile des particuliers.
La crèche trouve son origine dans le paganisme et cette symbolique a été recyclée, comme beaucoup d’éléments païens, dans le christianisme, puis au fil du temps, la crèche s’est sécularisée, surtout en Provence, où par l’addition des personnages des santons de métiers, le caractère central de la Nativité a été complètement édulcoré, voire occulté dans certains cas.
Or, la France est régie par la loi de 1905, de Séparation des Eglises et de l’Etat. Donc, les bâtiments de la République sont des » maisons communes » qui doivent strictement respecter la neutralité qui leur est imposée. C’est en s’appuyant sur l’article 28 de cette loi que la fédération de Vendée de la Libre Pensée a saisi la juridiction administrative.
En 1948, le maire de Château d’Olonne ( Vendée) Séraphin Buton à propos du retrait d’un crucifix précise : « si la présence d’un crucifix satisfait quelques uns, cela peut en blesser d’autres, la mairie est la maison commune ». Nous faisons totalement nôtre cette réponse. C’est ce qu’a également indiqué notre avocat lors de l’audience publique au Conseil d’Etat du 21 octobre » madame le rapporteur public, vous vous êtes située du point de vue de l’institution, mais que perçoit l’usager qui rentre dans une mairie et voit une crèche ? »
Dans la crèche chrétienne, les personnages principaux ne sont pas anodins. C’est ce qui fonde sa nature religieuse.
Après les décisions du Conseil d’Etat du 9 novembre les évêques ont indiqué que L’Eglise n’est pas demandeuse. Force est de constater qu’ il s’agit donc de l’action d’Elus qui outrepassent leurs devoirs de neutralité en matière religieuse Or, les deux arrêts du 9 novembre sont très clairs : les crèches reproduisant une scène de la Nativité contenue dans le Nouveau-Testament sont prohibées dans les bâtiments de la République.
Distinguer le cultuel et le cuturel
Ma position sur la présence de crèches dans les mairies n’a pas varié, depuis l’ouverture de la polémique il y a deux ans par un certain nombre d’associations militantes et assez peu représentatives de la population française, qui regarde ces polémiques avec un certain étonnement.
Le vademecum de l’AMF sur la laïcité avait ravivé cette polémique, quelques jours seulement après les attentats du 13 novembre. Avec Hervé Mariton, nous avions appelé à son retrait, dans une pétition signée par plusieurs dizaines de milliers de Français, dont 140 parlementaires.
Ne faisons pas la confusion entre ce qui relève du cultuel et ce qui relève du culturel.
La laïcité est une valeur fondamentale de la République. En tant qu’élu, je la respecte et la défends. Mais elle doit être comprise comme l’acceptation, sur un pied d’égalité, de tous les cultes, non comme leur interdiction. La laïcité n’est pas l’abandon de nos valeurs, de notre histoire, de notre culture, le reniement de notre identité. Tout en étant riche de sa diversité, la France ne peut oublier ses racines et nier son expression culturelle.
C’est dans cet esprit que la présence de crèches de Noël représente pour nombre de nos concitoyens un instant privilégié, un moment de pause spécifique d’ordre culturel. Dans une église, elles marquent le symbole de Noël dans une dimension cultuelle. Mais, dans une mairie, dans un lieu public, elles sont adoptées par chaque Français, quelle que soit sa religion, comme un élément spécifique d’une période de fête familiale et représentatif d’une culture et d’une tradition partagées.
Les interdire, c’est confondre le culturel, ouvert, et le cultuel, relevant en effet de la loi de 1905.
Le Conseil d’Etat, dans l’arrêt qu’il a rendu le 9 novembre, a rappelé ce sens de la loi de 1905. Elle garantit le libre exercice des cultes, la liberté de conscience et la neutralité des agents publics. Il reprend notre distinction entre cultuel et culturel, et interprète ainsi la laïcité à la lumière de nos traditions : si l’installation d’une crèche présente un caractère d’ordre culturel, artistique ou festif, elle respecte les garanties apportées par la loi de 1905, aussi longtemps qu’elle reste dépourvue de tout élément de prosélytisme.
Sa conclusion résume cette pensée : la crèche « présente un caractère religieux ; mais elle est aussi un élément des décorations et illustrations qui accompagnent traditionnellement les fêtes de fin d’année, sans signification religieuse particulière ».
Gardons donc cette belle distinction. Elle est aussi un gage de bien vivre ensemble, dans la tolérance.