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La non-violence est-elle efficace ?

📋  Le contexte  📋

La non-violence est une notion retrouvée dans de nombreux textes religieux. Toutefois, c’est Gandhi qui transforme cette notion en stratégie activiste dans la lutte contre les injustices. Selon lui, il ne faut pas répondre à la violence des injustices par de la violence, car la violence subie injustement sans riposte violente est en elle-même un outil de conversion des consciences. Ce mode d’action a été popularisé par de nombreux mouvements des années 1960, telles que les marches contre la ségrégation raciale aux Etats-Unis, portées par Martin Luther King. Aujourd’hui, la non-violence connaît un nouvel essor chez les activistes de mouvements de désobéissance civile, comme Extinction Rebellion.

Ces dernières années, des voix s’élèvent contre l’injonction quasi-dogmatique à la non-violence dans les manifestations. Provenant en grande partie des milieux anarchistes, la non-violence est parfois critiquée pour son manque d’impact sur les décisions de nos dirigeants politiques. Certains auteurs, comme Peter Gelderloos, voient même la non-violence comme protectrice de l’Etat. Ce débat questionne la notion de monopole de la violence physique légitime du sociologue Max Weber, qui définit l’Etat comme étant le seul détenteur de celle-ci. La violence physique peut-elle être légitime lorsqu’elle vient du peuple ?

Récemment, de nombreux mouvements sociaux ont pris les rues, en France ou ailleurs. Des Gilets Jaunes au mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis, des actes violents ont souvent eu lieu au sein des manifestations. Ces actes ont parfois été utilisés par les pouvoirs publics pour décrédibiliser les militants et leurs revendications, souvent avec succès. En réaction à cette décrédibilisation, certains mouvements revendiqués non-violents ont pu se désolidariser des “casseurs” ou “Black Blocs” dans le cas des Gilets Jaunes, une source de tension militante : est-ce que la non-violence et la violence activiste peuvent coexister dans les rues ?

 

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Akwa
Extinction Rebellion Global Support (Culture Régénératrice)
La non-violence est efficace

En engageant notre responsabilité humaine et citoyenne dans la lutte pour la justice environnementale et sociale, l’utilisation de la non-violence offre la possibilité de conserver nos valeurs éthiques et responsables. En refusant de considérer la violence comme « légitime » ou nécessaire, cette démarche permet de briser cette spirale destructrice infernale dans laquelle le monde s’est engagé ; où nous répétons inlassablement les mêmes systèmes de domination et d’oppression qui nous ont été inculqué·e·s dès notre plus jeune âge dans : la famille, l’école, le monde du travail, ou la société de consommation basée sur la réussite et l’accumulation de biens…

Si nous souhaitons un monde durable et plus juste ; Gandhi nous invitait à incarner « le changement que nous souhaitons voir dans ce monde ».

Par l’action directe non-violente, nous avons la possibilité de faire pression sur les gouvernements, afin qu’ils prennent les mesures radicales attendues, pour faire face à l’urgence planétaire. C’est une stratégie pour mettre en lumière l’injustice dont trop de gens souffrent chaque jour. 

Les recherches des universitaires d’Erica Chenoweth et Maria Stephan démontrent que la non-violence est un outil efficace dans les mobilisations de masse ; voir leur livre publié en 2011, Why Civil Resistance Works: The Strategic Logic of Nonviolent Conflict (« Pourquoi la résistance civile fonctionne : la logique stratégique du conflit non-violent »). À partir d’une analyse exhaustive de 323 conflits violents ou nonviolents passés dans le monde entre 1900 et 2006, les conflits ayant utilisé la non-violence, ont un taux de réussite deux fois plus élevé́ que ceux qui ont été menés avec des moyens violents.

Dans un premier temps, il faut commencer par accepter ses propres limites et contradictions, ou ses peurs, ses blocages émotionnels à l’origine de bien des maux physiques, et concevoir, imaginer, deviner qu’ils existent chez l’autre également. Prendre conscience de la souffrance de l’autre et apprendre à s’écouter, juste prendre le temps de s’écouter tout simplement. 

Révéler notre empathie et la diffuser à l’autre. « Nous devons nous écouter les un·e·s les autres, même lorsque nous ne sommes pas d’accord, même lorsque nous pensons que nous nous détestons. Nous devons écouter ce que les autres ont à raconter. Ne pas s’interrompre, ne pas être sur la défensive ou parler avec hostilité, mais essayer vraiment d’ouvrir notre coeur et d’écouter avec empathie », Jane Fonda.

“We are not defending nature, we are nature defending itself”

Le « Contre »
Francis Dupuis-Déri
Professeur de science politique à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et auteur de Les Black Blocs (Lux, 3e éd. 2019)
La non-violence est inefficace

Dans le contexte actuel en Occident, la violence politique est le fait de la police ou de militants néo-nazis, islamistes ou antiféministes, qui tuent par armes à feu ou par véhicules béliers. Depuis la fin de la Guerre froide, il n’y a plus de groupes clandestins d’extrême gauche qui s’entrainent en Algérie ou à Cuba pour revenir au pays perpétrer des attentats contre des chefs d’entreprises, des diplomates ou des officiers supérieurs.

Ceci n’empêche pas les autorités, les médias et des polémistes de parler d’« ultra-violence » (quel terme ridicule) au sujet des anarchistes des Black Blocs, par exemple, qui ne font pourtant que fracasser quelques vitrines et lancer des projectiles à une police en armures postmodernes. Cette « violence » spectaculaire et symbolique est-elle plus ou moins « efficace » que la non-violence d’une manifestation bon enfant ou d’un rassemblement à la chandelle ?

Cette question, très simple en apparence, cache une question politique fondamentale : qui est légitime de juger de l’efficacité d’une action directe ? Que vaut ici l’avis d’un éditorialiste, d’une sociologue ou d’un polémiste, qui bien souvent ne milite pas ? Celles et ceux qui ont recours à la force, en manifestation par exemple, jugent de l’efficacité politique selon bien d’autres critères.

Parmi des militantes et militants avec qui j’ai manifesté ou simplement discuté, voici en quoi la non-violence peut paraître inefficace : elle traduit par défaut un conformisme certain et une certaine soumission ; elle ne perturbe pas l’ordre des choses et attire donc bien peu l’attention ; elle peut se prétendre moralement supérieure, même en n’ayant aucun effet ; elle ne permet pas d’exprimer toute la colère et la rage du désespoir contre le système et les injustices ; elle ne protège pas contre les violences policières ; elle n’incarne pas un esprit combatif ou un sentiment d’urgence ; elle brime la spontanéité. 

Cela dit, mes camarades antiautoritaires sont pour le respect de la diversité des tactiques. Il ne s’agit donc pas de critiquer les actions non-violentes menées par d’autres, mais de multiplier les actions de diverses formes. À l’inverse, malheureusement, des adeptes dogmatiques et autoritaires de la non-violence veulent imposer leur préférence à tout un mouvement. Ce désir disciplinaire d’homogénéité brime l’autonomie, nie la solidarité et nuit donc aux mouvements sociaux et populaires.

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