📋 Le contexte 📋
L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est une organisation politico-militaire réunissant 30 pays. Constituée en avril 1949, elle réunissait à l’origine la Belgique, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas et le Portugal. L’Alliance avait été créée pendant la Guerre froide pour faire face à la menace du bloc soviétique, empêcher le retour du militarisme nationaliste en Europe et encourager l’intégration politique européenne.
Aujourd’hui, la fonction principale de l’OTAN est de maintenir la sauvegarde de la liberté et de la sécurité de tous ses membres par des moyens politiques et militaires. L’OTAN incarne également le lien transatlantique qui unit la sécurité de l’Amérique du Nord à celle de l’Europe. Selon l’article 5 du traité, si un pays de l’OTAN est victime d’une attaque armée, chaque membre de l’Alliance doit considérer cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il juge nécessaires pour venir en aide au pays attaqué.
Alors que l’OTAN fêtait son 70e anniversaire en avril 2019, le chef de l’État français avait déclaré dans un entretien pour l’hebdomadaire The Economist que l’OTAN était en état de « mort cérébrale ». Le retrait sans concertation des troupes américaines du Nord de la Syrie et l’offensive turque qui s’en est suivie étaient selon lui, révélateur d’une organisation en grande difficulté. Ce vendredi 2 octobre encore, Emmanuel Macron a appelé l’OTAN à « regarder en face » les actions de la Turquie, dans le conflit qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
🕵 Le débat des experts 🕵
Dans un interview à The Economist en novembre 2019, Emmanuel Macron a lancé un pavé dans la mare en déclarant que l’OTAN était en état de mort cérébral. Il visait le fait que l’armée turque, sous les ordres du président Erdogan, combattait les troupes kurdes en Syrie, qui avaient participé à la lutte contre Daech pourtant ennemi désigné de l’OTAN. Donald Trump, de son côté, ne cessait de rudoyer les alliés européens et manifestait le plus grand désintérêt pour l’alliance dont les États-Unis sont pourtant les patrons. Mais l’OTAN est-elle vraiment obsolète ?
Oui, parce que la mission historique de cette alliance était de défendre les pays européens contre la menace soviétique. Or celle-ci n’existe plus et logiquement une alliance ne devrait pas survivre à la menace qui a justifié sa création. Bien sûr, la Russie reste un défi stratégique, mais elle n’est plus en mesure de lancer ses chars à l’assaut de l’Europe occidentale, comme on pouvait le craindre du temps de l’Union soviétique. Les dépenses militaires russes sont aujourd’hui de 60 milliards de dollars, contre 260 milliards pour les seuls pays européens de l’OTAN.
Donc il n’y a pas de réelle menace militaire russe du simple fait de la disproportion des moyens. L’OTAN a surtout permis aux États-Unis de continuer à exercer une influence politique en Europe. Et les pays européens, 30 ans après la fin de la guerre froide, ont toujours le sentiment que la protection américaine est indispensable face à la Russie. Aussi, malgré les rodomontades de Trump, il n’y a aucune chance que les États-Unis se retirent de l’Alliance. Les menaces du président américain exprimées en ce sens servent surtout à susciter une peur chez les alliés européens afin de les inciter à augmenter leurs dépenses militaires et d’acheter plus d’armes aux États-Unis.
La France plaide en ce sens depuis De Gaulle et Mitterrand. Mais la Pologne et les pays baltes, du fait de l’histoire, vivent toujours dans la crainte existentielle de Moscou. Et les autres pays européens hésitent à franchir le pas et à se lancer dans l’inconnu. Il y a une dépendance stratégique à l’égard des États-Unis qui est entrée dans les habitudes, et il est très difficile de mettre fin à une dépendance, quelle qu’elle soit. L’OTAN n’est donc plus vraiment utile, mais elle reste solide, car la plupart des pays européens ne sont pas encore prêts à tenter l’aventure de l’autonomie stratégique.
La relation transatlantique établie à la fin des années 1940 et au début des années 1950 entre les États-Unis et les États européens ne doit pas être considérée comme acquise. L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est la manifestation physique de cette relation, et si elle était dissoute, elle serait cruellement regrettée.
Dans un monde défini par de multiples grandes puissances, il est plus important que jamais que les États-Unis, le Canada et l’Europe maintiennent des liens de défense étroits, ouvrent des lignes de communication et s’engagent ensemble dans la consultation et la planification via l’OTAN. Tout au long de la guerre froide, l’OTAN a eu un triple impact sur la paix et la stabilité en Europe. La présence de troupes américaines a eu un effet dissuasif contre une invasion soviétique parce que toute attaque soviétique était vouée à entraîner les États-Unis dans la guerre. La présence de ces troupes a également permis à l’Europe de tracer une voie différente de celle des années 1920 dans les années 1950. Après la guerre, l’Allemagne a pu être intégrée à l’Europe et a même été réarmée, car les troupes américaines étaient là pour apaiser les inquiétudes des États voisins.
Enfin, elle a permis de lier les États-Unis à la politique européenne et renforcer un ordre mondial libéral dont le monde entier a largement bénéficié. Après quatre années de Donald Trump, dire que les relations transatlantiques sont tendues serait un euphémisme. Mais l’alliance de l’OTAN est déjà passée par là et les États-Unis et l’Europe doivent travailler ensemble pour faire progresser la sécurité internationale. À une époque où des États peu libéraux comme la Chine et la Russie sont en train de mettre en place un ordre fondé sur des règles, le front uni que présente l’OTAN, fondé sur le consensus et le compromis, est inestimable.
Pendant la guerre froide, c’est l’aspect militaire de cette alliance qui prônait, mais pour les jeunes défenseurs de l’OTAN comme moi, c’est aujourd’hui l’aspect politique qui l’emporte. Naturellement, l’OTAN continuera à entreprendre la planification d’entraînements militaires. Cette coopération a fait des militaires de l’OTAN une force de combat puissante et l’étalon-or des relations civilo-militaires.
Mais à une époque où les cyber-menaces sapent l’article 5 et où nombre des défis les plus importants ne sont pas des menaces militaires conventionnelles, la plus grande utilité de l’OTAN vient des réunions des chefs d’État et des ministres des affaires étrangères où les alliés peuvent s’exprimer dans un cadre formel et informel.
Cette coopération transatlantique est au cœur de l’OTAN et c’est pourquoi l’OTAN reste plus précieuse aujourd’hui qu’à tout autre moment dans le passé.