📋 Le contexte 📋
La contraception est gratuite depuis 2013 pour les mineures de 15 à 18 ans et depuis janvier 2020 pour celles de moins de 15 ans. Le 9 septembre 2021, le ministre de la Santé, Olivier Véran, annonce la prise en charge intégrale des frais liés à la contraception dès le 1er janvier 2022 pour toutes jusqu’à 25 ans. 3 millions de jeunes femmes sont concernées. Pour l’instant, sont remboursées à 100% pour les mineures : les pilules contraceptives de 1ère et 2ème génération, les implants, stérilets et diaphragmes. La “pilule du lendemain” est remboursée à 100% pour les mineures et à 65% pour les majeures sur prescription. La gratuité sera à présent étendue jusqu’à 25 ans pour ces dispositifs. L’Assurance-maladie prendra en charge les soins liés à la contraception (consultations, interventions et examens nécessaires), ainsi qu’une consultation annuelle avec un médecin ou une sage-femme. Certaines méthodes ne seront en revanche pas prises en charge : pilules de 3ème et 4ème génération, patchs contraceptifs, anneaux vaginaux, capes cervicales, spermicides et préservatifs féminins.
Sources : gouvernement.fr, BFM TV
Le remboursement de la contraception pour les femmes jusqu’à 25 ans a été décrété en réaction à un recul de la contraception chez un certain nombre de femmes, principalement pour des raisons financières. Olivier Véran a déclaré à ce sujet : “Ça coûte trop cher ! C’est insupportable que des femmes ne puissent pas se protéger, ne puissent pas avoir une contraception”. Le choix du remboursement jusqu’à 25 ans a notamment été justifié parce qu’il correspondrait au début de l’indépendance financière et sociale des femmes, ainsi qu’au moment où l’on quitte officiellement la complémentaire santé du foyer. Selon Santé publique France, on constate en effet une baisse du recours à la pilule chez les femmes de 20 à 24 ans durant les dix dernières années.
Sources : gouvernement.fr, L’Express
Cette mesure peut apparaître comme positive car elle permet de réguler les inégalités sociales et la précarité. De plus, outre le coût, le recul de la contraception est parfois lié aux scandales autour de la pilule, et il est donc important que les jeunes femmes aient accès à d’autres moyens de contraception gratuitement (comme le stérilet par exemple). Mais pour certains professionnels de santé ou concerné(e)s, il y a encore du chemin à faire. On déplore le fait que la contraception soit trop genrée, et que les hommes ne soient pas assez sensibilisés sur ce sujet. Il serait alors judicieux de partager la charge contraceptive et d’investir dans la recherche pour la contraception masculine. Alors, pour ou contre la contraception remboursée uniquement pour les femmes ? On en débat aujourd’hui avec deux professionnelles compétentes !
Sources : 20 Minutes, France Inter
🕵 Le débat des experts 🕵
De la naissance jusqu’à leur décès, les personnes considérées comme femmes font face à des inégalités dans tous les domaines et notamment quant à l’accès aux informations et aux soins de santé, ainsi qu’à la prise en charge médicale. Comme le recommande le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) [1], il est essentiel de prendre en compte « l’influence du genre » dans l’élaboration des politiques de santé publique afin de comprendre comment les différences sociales, économiques et environnementales contribuent aux difficultés des femmes à atteindre une gouvernance totale de leur santé.
Pour cela, il faut tout d’abord rappeler que nous faisons face à un phénomène global de « féminisation de la pauvreté ». Les femmes ont en général accès à moins de ressources individuelles quand on regarde les revenus des ménages séparément [2]. En France, cela se reflète particulièrement par le poids financier d’élever des enfants qui les impactent plus fortement. En effet, les femmes ont souvent de plus longues périodes d’inactivité professionnelle qui diminuent leur salaires et leur retraite. Elles représentent aussi 85% des familles monoparentales dont 1/3 vivent sous le seuil de pauvreté. [3]
“Tout comme pour les protections hygiéniques ou pour l’IVG, le rôle du gouvernement est de réduire les obstacles des femmes devant la contraception”
Malgré ces inégalités, depuis 1967, la contraception a été incontestablement l’outil le plus efficace à l’émancipation économique des femmes, « loin devant l’égalité professionnelle » [4]. Cependant, en 2021, la contraception peut encore être un privilège. Et pourtant les femmes portent souvent seules le fardeau financier de l’achat des contraceptifs ainsi que celui des conséquences financièrement liées au manque de contraception. Devoir élever les enfants issues des grossesses non planifiées peut réenclencher le cercle vicieux des inégalités. N’oublions pas que lorsqu’un service public qui bénéficie principalement à une catégorie de la population, en l’occurrence les femmes, est rendu difficile d’accès, en l’occurrence par son prix, c’est par définition de la discrimination. Tout comme pour les protections hygiéniques ou pour l’IVG, le rôle du gouvernement est de réduire les obstacles des femmes devant la contraception, ce qui peut se faire sous forme de subventions.
“Nous rêvons tou·te·s d’un futur où la contraception est gratuite pour tou·te·s et où la responsabilité de la contraception est partagée égalitairement mais nous devons tout d’abord établir l’équité avant l’égalité.”
Alors oui, il est vrai que la contraception n’est pas et ne devrait pas être un dispositif exclusivement féminin. Ce droit et cette liberté sont d’ailleurs devenus aujourd’hui une « charge mentale » dont les femmes se plaignent et demandent à partager avec les hommes. Mais, soyons réalistes, tant que les conséquences seront essentiellement la responsabilité de celles-ci, il sera difficile de laisser cette charge à d’autres. Cependant, aujourd’hui, il est plus qu’essentiel d’avoir cette discussion pour inclure les hommes dans le future de la contraception. Il faut d’ailleurs continuer à investir dans la recherche de nouvelles méthodes masculines qui manquent cruellement à l’appel. Il faut ensuite démocratiser leur utilisation et faire un travail de sensibilisation pour briser les stigmates auxquels les hommes qui souhaitent les utiliser sont confrontés et impliquer les profesionnel·le·s de santé dans l’éducation des patients. Nous rêvons tou·te·s d’un futur où la contraception est gratuite pour tou·te·s et ou la responsabilité de la contraception est partagée égalitairement mais nous devons tout d’abord établir l’équité avant l’égalité.
[1] Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) – COMMUNIQUE DE PRESSE DU 15 DECEMBRE 2020 – Prendre en compte le sexe et le genre pour mieux soigner : un enjeu de santé publique https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/sante-droits-sexuels-et-reproductifs/travaux-du-hce/article/prendre-en-compte-le-sexe-et-le-genre-pour-mieux-soigner-un-enjeu-de-sante
[2] Observatoires des inégalités. La pauvreté selon le sexe. DONNÉES 31 décembre 2020. https://www.inegalites.fr/La-pauvrete-selon-le-sexe
[3] Sources HAS – Haute Autorité de Santé
[4] Les Echos. 29 juil. 2009.Comment la pilule a changé la vie des femmes. https://www.lesechos.fr/2009/07/comment-la-pilule-a-change-la-vie-des-femmes
Au 1 er janvier 2022 les mesures déjà en place pour les mineures s’étendront aux femmes de moins de 26 ans. Cette annonce faite le 9 septembre 2021 par le ministre de la Santé, Olivier Véran, est motivée par le recul de l’usage de la contraception, souvent lié à des raisons financières. Ainsi toutes les femmes jusqu’à 25 ans révolus bénéficieront de la gratuité des pilules hormonales de 1 ère ou de 2 e génération, de l’implant contraceptif, des DIU (stérilets) au cuivre ou hormonal, de la contraception d’urgence hormonale, des diaphragmes, accès aux consultations de médecin ou de sage-femme, examens ou actes médicaux en lien avec la contraception.
3 millions de jeunes femmes sont concernées pour un coût annuel de 21 Millions d’euros.
Notons que les préservatifs masculins (hormis deux marques remboursées à 60% sur ordonnance depuis 2018) et féminins, les crèmes spermicides, les patchs, les anneaux vaginaux et les pilules de 3 e et 4 e générations ainsi que la stérilisation sont exclus de ces nouvelles dispositions.
“La contraception n’est pas la seule affaire des femmes, les hommes aussi sont concernés.”
La contraception n’est pas la seule affaire des femmes, les hommes aussi sont concernés. Quel sera l’impact réel de cette mesure qui maintient décidément la charge contraceptive (essentiellement hormonale) sur les femmes alors même que leur approche contraceptive a évolué [2] ? Il faut analyser la question contraceptive dans sa globalité pour ne pas rester sur un effet d’annonce plus de cinquante ans après la loi Neuwirth. En dépit de multiples rapports publics, de lois et recommandations sur la contraception, l’élargissement progressif des conditions d’accès et de la reconnaissance d’une obligation légale d’information et d’éducation à la sexualité (2001), une grossesse sur trois est déclarée non prévue, 2/3 de ces grossesses surviennent sous contraception. C’est le paradoxe français [1-6-8].
“Qu’en est-il du développement et de la valorisation de la contraception masculine ?”
L’accès gratuit à la contraception pour toutes les femmes jusqu’à 25 ans est une bonne nouvelle mais on reste dans l’attente de réponses à plusieurs questions : qu’en est-il des besoins après 25 ans ? Pourquoi les préservatifs ne sont pas concernés alors que les données 2016 de Santé publique France [3] montrent un recul de la contraception hormonale avec un report, pour les femmes de 20-24 ans appartenant aux classes sociales les plus précaires et les femmes de 25-29 ans, vers le DIU et l’implant mais aussi vers le préservatif masculin ? Pourquoi les recommandations successives publiées depuis le début des années 2000 ne sont toujours pas suivis par l’ensemble des professionnels qui répondent plus volontiers par des habitudes contraceptives [4-9] plutôt que de respecter et d’accompagner, dans la mesure du possible, les choix et besoins individuels selon le contexte de vie ? Pourquoi les CPEF (centre de planification et d’éducation familiale), un dispositif spécifique d’accès à la contraception mis en place dès 1974, manquent-ils de visibilité [7] ? Qu’en est-il du développement et de la valorisation de la contraception masculine ? Quelle volonté politique pour rendre effective l’obligation d’une éducation à la sexualité à l’école dès le primaire [5] ? L’accès à une contraception adaptée nécessite une approche globale et une application effective des différentes lois et recommandations qui s’accumulent depuis plus de cinquante ans sans réel impact sur le paradoxe français.
[1] Bajos N, Ferrand M. De la contraception à l’avortement. Sociologie des grossesses non prévues. Collection santé publique. Paris: Inserm ; 2002.
[2] Bajos N, Bohet A, Le Guen M, Moreau C. La contraception en France : nouveau contexte, nouvelles pratiques ? Pop Soc 2012 ; (492).
[3] Baromètre santé 2016 santé publique France.
[4] HAS Rapport avril 2013 : état des lieux des pratiques contraceptives et des freins à l’accès et au choix d’une contraception adaptée
[5] HCE Rapport relatif à l’éducation à la sexualité. D Bousquet. Juin 2013
[6] Inspection générale des affaires sociales, Aubin C, Jourdain Menninger D. La prévention des grossesses non désirées : information, éducation et communication. Rapport. Paris: La Documentation Française ; 2009.
[7] Inspection générale des affaires sociales, Aubin C, Branchu C, Vieilleribière JL, Sitruck P. Les organismes de planification, de conseil et d’éducation familiale : un bilan. Paris: La Documentation Française ; 2011.
[8] Moreau C, Bouyer J, Bajos N, Rodriguez G, Trussell J. Frequency of discontinuation of contraceptive use: results from a French population-based cohort. Hum Reprod 2009 ; 24(6) : 1387-92.
[9] Stratégies de choix des méthodes contraceptives chez la femme. Recommandations pour la pratique clinique. Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, Agence de sécurité sanitaire des produits de santé, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé. Saint-Denis La Plaine : Anaes ; 2004.