📋 Le contexte 📋
Un logement vacant renvoie communément à une habitation inoccupée, pour de diverses raisons (vétusté, succession en cours, conservation pour un usage futur…). La définition retenue par les Impôts en France est la suivante : des appartements ou des maisons ayant des éléments de confort minimum (installation électrique, eau courante, équipements sanitaires…) et vides de meubles (ou mobiliser insuffisant pour en permettre l’habitation). Ces habitations doivent être vacantes depuis au moins une année, même si ce délai varie selon les institutions et dispositifs (il est d’un mois pour le service “Multiloc” de la Ville de Paris par exemple).
L’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) propose une définition légèrement différente puisque, selon elle, un logement est vacant lorsqu’il est inoccupé et :
- proposé à la vente, à la location,
- déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d’occupation,
- en attente de règlement de succession,
- conservé par un employeur pour un usage futur au profit d’un de ses employés,
- sans affectation précise par le propriétaire (logement vétuste, etc.).
Dans le contexte des logements vacants, la réquisition renvoie à un procédé exceptionnel mis en œuvre par l’administration, qui permet de contraindre une personne physique ou morale à céder temporairement l’usage de biens immobiliers au profit de particuliers, dans un but d’intérêt général. C’est l’ordonnance du 11 octobre 1945 qui, dans un contexte de pénurie de logement de l’après-guerre, permet pour la première fois de réquisitionner des logements vacants en France.
Ce texte dispose que le préfet (le représentant de l’État dans le département) peut exercer un droit de réquisition d’office dans toutes les communes victimes de la crise du logement. Il peut procéder, sur proposition du service municipal du logement et après avis du maire, “à la réquisition totale ou partielle de locaux vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés, au bénéfice de personnes dépourvues de logement, logées dans des conditions manifestement insuffisantes ou expulsées par suite d’une décision de justice devenue définitive”. Le logement réquisitionné doit être vacant depuis plus de huit mois, et la durée de réquisition ne peut excéder cinq ans, sauf exception. Une indemnité est également prévue pour le propriétaire.
La crise du logement, renforcée par l’inflation et l’approche de l’hiver, fait ressurgir la question de la réquisition des logements vacants dans le débat public. De nombreuses associations reprochent à l’administration de ne pas avoir suffisamment recours à l’ordonnance de 1945. En effet, cette dernière a été beaucoup utilisée jusqu’en 1948 (au moins 20 000 réquisitions ont eu lieu en 1946), avant que son utilisation ne se restreigne au fur et à mesure des années, notamment à partir des années 1960. À titre d’exemple, on est passé de près de 1000 attributions annuelles en 1960 à 130 réquisitions en 1980 (exclusivement à Paris).
Aujourd’hui, face au problème de l’hébergement d’urgence, des politiques et des ONG voient en la réquisition des logements vacants une solution afin de loger les personnes sans-abris (ils seraient plus de 300 000 en France) et les demandeurs de logement (environ 2 millions de personnes). Ils rappellent fréquemment que, selon l’Insee, la France compterait près de 3 millions de logements vacants (dont approximativement 120 000 à Paris). Cependant, d’autres arguent que la réquisition est une fausse bonne idée qui nuit aux droits des propriétaires. Ils mettent surtout en avant la faible part des logements vacants susceptibles d’être réquisitionnés (beaucoup seraient en attente de démolition ou bien en battement entre deux locations). Ils soulignent aussi l’argument économique : réquisitionner pénalise financièrement l’État, qui doit dédommager les propriétaires et risque de devoir affronter des contentieux juridiques coûteux.
🕵 Le débat des experts 🕵
Pour, et en réalité la question ne devrait même pas se poser. Alors que notre pays compte 300 000 SDF, plus de 2 millions de demandeurs de logement, et que chaque soir, 6000 personnes, dont 1700 enfants, se voient refuser une place d’hébergement par le 115 comment accepter que des logements demeurent vides quand des gens dorment à la rue ? La réquisition des logements vides n’impose pas de créer une nouvelle loi, il s’agit simplement d’une question de volonté politique. Notre droit permet de le faire comme l’a prouvé la dernière grande vague de réquisition qui a eu lieu en 1995 sous la présidence de Jacques Chirac.
Depuis, et alors que le nombre de logements vides, comme de personnes à la rue, ne cesse d’augmenter, nous sommes passés de 1,913 million en 1984, soit 7,7 % de l’ensemble des logements, à 3,103 millions en 2019, soit 8,5 % du total (source INSEE), les associations qui luttent contre le sans-abrisme et le mal logement se heurtent à un mur politique. Il faut dire les choses, c’est un mur de la honte !
Pourtant, personne n’a oublié les mots du président de la République qui se fixait comme objectif de « n’avoir plus une personne à la rue ». Derrière, les actes ne suivent pas, et la proposition de loi portée par la majorité présidentielle dite « lutte contre l’occupation illicite » entend protéger encore plus les multipropriétaires, notamment ceux disposant de logements vides. La réquisition, si elle ne réglera pas la question de la crise du logement, est une arme qui permet à la fois de mettre à l’abris des gens en grave danger et d’envoyer un signal aux spéculateurs, en rappelant que dans ce pays, le droit au logement est garanti par la constitution, et que si nécessaire nous devons passer outre le droit de propriété quand il met en péril des personnes. Je rappelle un chiffre, l’espérance de vie dans la rue est de 49 ans. Alors je le dis sans hésiter, nous devons réquisitionner massivement les logements vides pour protéger toutes celles et ceux qui n’ont pas de toit sur la tête. C’est une question de dignité humaine.
Mais cette question des réquisitions ne doit pas exonérer l’Etat de mener en parallèle une grande politique publique du logement, ce qui malheureusement n’est pas le cas aujourd’hui. De la loi ELAN, qui fragilise les bailleurs sociaux, à la baisse des aides à la pierre en passant par le non-respect de la loi SRU par des dizaines de communes, sans oublier la ponction des caisses d’action logement, ce gouvernement fragilise le logement social, rempart contre les inégalités et patrimoine de celles et ceux qui n’en n’ont pas.
J’en appelle au président de la République. Dans un pays aussi riche que le nôtre, avoir des gens qui dorment à la rue quand des bureaux et des logements demeurent vides est inacceptable. Alors que l’hiver approche, il faut réquisitionner ces logements pour qu’enfin plus personne ne dorme à la rue.
Oui aux réquisitions, oui à une grande politique publique du logement.
La réquisition des logements vacants est souvent présentée comme la solution à l’insuffisance de logements dans les grandes villes et dans certaines villes moyennes. Ces villes sont toutes caractérisées par un déséquilibre important de l’offre et de la demande, avec une offre très insuffisante, alors qu’il y aurait une part significative de logements vacants dans ces mêmes villes.
En réalité, peu de logements vacants pourraient être réquisitionnés : la plus grande part sont dans des situations transitoires, telles qu’en attente de vente ou de location, de travaux, d’autorisations d’urbanisme ou font l’objet de désaccords et de procédures judiciaires entre des indivisaires. Après élimination de ceux-ci, il resterait par exemple 1,4% de logements vacants à Bordeaux métropole (étude a’urba 06-2021) qui pourraient être véritablement concernés. C’est une très faible part qui ne représente même pas le taux de construction annuel d’une ville comme Bordeaux (1,7%) ou Nantes (1,9%) selon la base de données Sitadel2.
Cependant, même sur un faible nombre, cette idée peut paraître séduisante car les outils juridiques existent en France depuis la fin de la dernière Guerre mondiale. Mais si de nombreux projets visant à mettre en œuvre ces procédures ont été étudiées depuis près de trente ans, il faut constater que les rares qui ont été mis en œuvre n’ont abouti à rien. En effet, ces logements vacants, peu nombreux, ne sont pas en état d’être loués et quasiment tous nécessitent des travaux, parfois importants. Si bien que même si les dispositifs juridiques prévoient le mode opératoire et l’amortissement de ces travaux après réquisition, il faut bien constater que cette idée se heurte au principe de réalité.
Je suis donc opposé à la réquisition des logements vacants car elle ne constitue qu’un moyen de cristalliser les tensions d’une petite partie de la population contre les propriétaires et de creuser encore le fossé qui sépare les plus pauvres de ceux qui ont un toit.
Il existe pourtant des solutions plus simples pour loger ceux qui n’ont pas de toit, par exemple :
- Inciter l’État et les nombreuses sociétés nationales à céder ou à mettre à disposition des promoteurs ou des sociétés de logements publics, les nombreuses réserves foncières dont ils disposent, et cela de façon plus massive et déterminée que ce qui est pratiqué aujourd’hui. Il s’agit là de cession à des prix modestes ou de mise à disposition dans le cadre d’un bail.
Ma préférence va très clairement à la mise à disposition contre un loyer car l’État c’est nous tous !
Il s’agit de loger les plus modestes d’entre nous, alors gardons ces terrains de plus en plus rares et mettons-les à disposition des sociétés de HLM afin qu’elles y construisent rapidement les logements dont notre société a besoin, sans imposer des exigences supérieures à la loi et aux règlements en cours.
Je suis favorable à transférer au préfet la délivrance des permis de construire sur ces terrains qui appartiennent à l’état, ainsi nul ne pourra dire qu’un autre ne fait pas ce qui doit être fait.
- Accélérer la délivrance des permis de construire, aujourd’hui considérablement allongée par les exigences d’élus qui dépassent largement le cadre légal des PLU.
Pour les rares logements vacants : aidons les propriétaires à trouver une solution dans un cadre apaisé.