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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Faire face à la réalité économique
Jérôme B.
La France est une société profondément conservatrice. Dès que l’on cherche à changer ses habitudes, à troubler l’ordre établi, elle se rebiffe, grogne, râle et refuse tout net le moindre changement par principe. Et pourtant elle finit toujours par prendre le chemin du progrès. En 2006, beaucoup prédisaient l’échec de la loi sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Et aujourd’hui, qui ne serait pas choqué de voir son voisin de table allumer une cigarette en plein repas ? Il en va de même pour le travail dominical.
C’est la magie de la France : elle ronchonne beaucoup mais finit toujours par prendre la bonne décision et s’adapte aux changements de notre société. Et aujourd’hui, la bonne décision consiste à dire oui au travail le dimanche. Pourquoi ? Parce que tout nous y pousse et qu’il ne s’agit pas du « cataclysme sociétal » annoncé.
En effet, les opposants au travail dominical prétendent que cela risque de bouleverser nos repères sociétaux et familiaux. Mais ce que beaucoup ignorent, ou occultent, c’est que de nombreux Français travaillent déjà le dimanche. Policiers, pompiers, infirmières, aides-soignants ou encore serveurs et boulangers travaillent tous le weekend. Pensez-vous que les aéroports, les gares, les hôpitaux ou encore les restaurants et les hôtels chôment le dimanche ? Bien sûr que non ! Au total ils sont déjà plus de 8 millions à travailler le dimanche, au moins occasionnellement. Il s’agit donc en réalité d’une pratique déjà parfaitement intégrée dans notre société.
Ensuite, il est désormais clair que le travail le dimanche est une chance pour l’économie française. Tout d’abord dans le secteur du tourisme. 82 millions de touristes visitent la France chaque année, ce qui place notre pays au 1er rang mondial en termes de fréquentation. Pourtant nous ne sommes que 3ème au classement des revenus générés pas l’activité touristique, loin derrière les Etats-Unis et l’Espagne où le travail dominical est la règle. Pourquoi se priver d’une manne financière considérable dont la France a cruellement besoin aujourd’hui ? Il est temps de comprendre que nous évoluons dans une compétition économique mondiale et qu’il nous faut désormais jouer avec les mêmes règles que nos concurrents.
Enfin, le travail dominical permettrait mécaniquement de créer de l’emploi dans de nombreux secteurs, notamment celui du commerce de détail. A ceux qui en doutent, je les invite à visiter au plus vite le Canada où l’ouverture des commerces de détail le dimanche à permis de faire progresser le nombre d’emplois de 3,1% dans cette branche. Cet argument à lui seul, dans le contexte économique morose que la France connait, justifie l’intérêt de cette mesure
Un vrai risque pour la société
Nicole F.
Encore une fois, on avance l’argument économique pour faire passer une réforme de société. Quand cessera-t-on de décider des orientations majeures pour les années à venir en ne considérant que notre PIB ?
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ; des économistes prennent la parole à tour de rôle sur les plateaux télévisés pour affirmer haut et fort que permettre aux entreprises de faire travailler leurs salariés le dimanche permettrait de gagner un demi-point de PIB (les chiffres divergent d’une étude à l’autre) et créer je ne sais combien d’emplois. Et l’on nous matraque d’arguments économiques pour nous faire oublier tout le reste.
Ces chiffres sont discutables et discutés, mais laissons ce débat-là aux économistes. Je ne suis pas économiste, mais une simple citoyenne préoccupée par la manière dont nos gouvernements prennent ce genre de décision. Même si les arguments économiques étaient vrais, l’important n’est pas là.
Le dimanche est un des derniers refuges non financiers de notre société. J’entends par là que c’est un jour consacré aux proches, à la famille, aux amis, au repos. Autant de valeurs indispensables qui n’apportent pas de croissance à la France ; c’est bien là leur unique tort !
Que serait une famille où les enfants seraient à l’école la semaine, et les parents au travail le week-end ? Imaginez, dans la durée, les souvenirs d’enfance que garderont ces enfants-là ?
Et sur le plan social, pensez-vous que ce seront les familles les plus aisées qui iront travailler le week-end ? Bien sûr que non ! Encore une fois, ce seront les personnes les plus défavorisées qui, ayant le choix entre un travail le dimanche et le chômage (peut-on vraiment parler d’un choix ?), accepteront de faire tourner les commerces, pour que les plus aisés puissent aller faire leur shopping le dimanche. Travail le dimanche, travail de nuit, travail à temps partiel non choisi, cumul de plusieurs emplois (un la semaine, un le dimanche) pour joindre les deux bouts ; il reste encore beaucoup de domaines à déréguler si l’on ne voit que l’aspect économique des choses !
Alors, nous aurons réussi à accomplir une des plus tristes avancées de notre temps : avoir une vie de famille sera devenu un luxe réservé aux plus aisés…
Pour un demi-point de PIB, est-ce vraiment ce que l’on souhaite ?