écotaxe

Pour ou contre l’Écotaxe ?

📋  Le contexte  📋

En France, l’écotaxe désigne la taxe poids lourds (TPL), dont l’entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2014. Cette taxe, fonctionnant sur le principe du pollueur-payeur, prévoyait initialement un barème variable applicable aux poids lourds à partir de 3,5 tonnes sur certains tronçons du réseau routier national (hors concessions). Face à la mobilisation des « bonnets rouges » en Bretagne, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait pris la décision en 2014 de suspendre l’entrée en vigueur de l’écotaxe sur tout le territoire national.

Mais en juillet 2021, la loi « Climat et résilience » est adoptée à l’Assemblée nationale. Cette loi reprend quelques-unes des 147 propositions formulées en 2020 à l’issue des débats qui ont animé la convention citoyenne pour le climat. Elle relance, notamment, l’idée d’une écotaxe mais qui serait laissée au libre choix des régions. L’Île-de-France ou le Grand Est se sont alors dit favorables à sa mise en œuvre afin de réduire le fret routier (89% du fret) et lutter contre le réchauffement climatique.

Mardi 16 novembre, le Sénat a donné son feu vert au rétablissement de la taxe poids lourds dans l’Est, sur le réseau autoroutier sans péage de la Collectivité européenne d’Alsace. Cette taxation pourrait voir le jour en 2024. Elle concernerait les véhicules dès 2,5 tonnes. Mais pourquoi donc ce retour, après l’abandon de 2013 ? Il est lié au voisin allemand qui, depuis 2005, impose une écotaxe sur son sol. Conséquence : les routiers préfèrent circuler en Alsace… gratuitement. Selon les comptages, entre 8 000 et 20 000 poids lourds y transitent quotidiennement.

Mais cette taxe n’est pas pour demain. Car il y a encore beaucoup d’inconnues. Qui sera vraiment redevable de cette contribution ? Dépendra-t-elle du nombre de kilomètres, du poids du véhicule ? Et qui récupérera la taxe ? Avec quelle technologie ? Mais avant de répondre à toutes ces questions, débattons du principe même de l’écotaxe !

Cette réintroduction de l’écotaxe, visant donc à limiter le trafic des camions, mais aussi à réduire les émissions polluantes et à financer l’entretien des routes, divise. Elle fait beaucoup parler chez les chefs d’entreprise, les transporteurs et les agriculteurs. Ces derniers ont peur de devoir majorer leurs prix et de pâtir d’une distorsion de concurrence. Et vous qu’en pensez-vous ?

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »
Aurélie KOSMAN et Loïc MINERY
Les co-porte-paroles d’EELV Alsace
L’écotaxe pour repenser le transport de marchandises

Nos autoroutes françaises, et particulièrement celles situées sur l’axe Strasbourg-Perpignan via Lyon, supportent un trafic poids lourds très important provoquant pollution de l’air, saturation et dégradation des routes. Ces sillons correspondent aux itinéraires européens majeurs de marchandises en provenance des grands ports de la Mer du Nord, Anvers, Rotterdam, Hambourg, et, dans une moindre mesure, d’Algésiras, Carthagène ou encore Marseille en Méditerranée. 

Dès la fin des années 1990, la Suisse a engagé un vaste programme (rail 2000) visant à reporter les flux traversant son territoire, de préférence sur le rail. Ceci a été rendu possible par la levée d’une taxe poids lourds. L’objectif est de dégager des fonds pour financer les infrastructures de transport (ferroutage, tunnels, terminaux) et ainsi permettre aux Alpes suisses de respirer tout en levant les points de congestion routière. En 2005, en Allemagne, et en lien avec la Suisse, un dispositif similaire a été instauré, avec la LKW Maut, un péage pour les camions basé sur la distance, les émissions et le nombre d’essieux, simultanément avec le doublement de l’axe ferroviaire Rheintalbahn, alliant à la fois le trafic de marchandises et l’amélioration de l’offre voyageurs. D’autres pays européens ont également adopté un prélèvement type écotaxe sur les poids lourds (la Grande Bretagne, l’Autriche, la Belgique, la Suède).

En France, et tout particulièrement dans les régions frontalières, nous sommes à la traîne et nous subissons les effets d’un trafic poids lourds qui apporte son lot de nuisances. La ligne de ferroutage entre Bettembourg (Luxembourg) et Figueras (Espagne) est certes une avancée mais elle reste insuffisante. Faute de moyens financiers et d’incitations, qu’une écotaxe sur les poids lourds pourrait abonder, le réseau fret ferroviaire est à la peine. 

Un levier majeur pour accélérer ce report modal est donc l’application rapide d’une taxe poids-lourds. En Allemagne cette taxe rapporte chaque année plus de 4 milliards d’euros

La crise sanitaire liée au Covid 19 a rappelé que l’Europe était particulièrement dépendante des productions asiatiques, dont l’essentiel est acheminé en Europe par voie maritime, majoritairement jusqu’aux ports nord-européens puis dispatché par barges ou camions. 

Un levier majeur pour accélérer ce report modal est donc l’application rapide d’une taxe poids-lourds. En Allemagne cette taxe rapporte chaque année plus de 4 milliards d’euros.

Cette taxe a plusieurs vertus :

– en renchérissant le coût du transport routier, elle obligera à optimiser le chargement des camions et à diminuer les rotations,

– elle permettra une meilleure répartition du trafic dans les territoires (surtout frontaliers) où le report des camions se fait particulièrement sentir,

– elle servira à financer la maintenance des infrastructures routières que les poids-lourds dégradent, à développer le ferroutage et à financer les projets de réactivation de lignes ferroviaires pour voyageurs,

– de façon indirecte, elle incitera à la relocalisation des productions,

C’est également une mesure prônée par la convention citoyenne, et validée récemment par le gouvernement, avec l’article 32 de la loi Climat et Résilience. Les régions peuvent actionner ce levier afin de stimuler le report modal. Cette faculté offerte aux Régions permet surtout une différenciation. On comprendra aisément que les régions situées sur le corridor européen principal (Espagne Allemagne) soient plus demandeuses que les régions excentrées de l’arc Atlantique. Peu de Présidents de Région en ont fait clairement la demande.  

C’est pourtant un enjeu majeur de la prochaine élection présidentielle. Les écologistes s’engagent, de leur côté, à pousser pour une application rapide de l‘écotaxe.

Le « Contre »
Yann Viguié
Secrétaire général OTRE Ile-de-France
NON A L’ECOTAXE (même régionale)

L’OTRE, syndicat de PME de transport routier est contre l’écotaxe, tout d’abord parce que l’on a déjà essayé. En 2013 cela s’est soldé par un fiasco qui a coûté un Milliard pour la collectivité. A cause du choix de l’opérateur, mais aussi surtout parce que « écotaxe », suppose un impact environnemental positif pour la collectivité, alors que le résultat en aurait été l’inverse. Ces défauts majeurs perdureraient et seraient aggravés avec des écotaxe régionales, entrainant des distorsions de concurrence entre Régions et des stratégies d’évitement, avec des coûts de collecte encore plus élevés qu’une taxe nationale, pour des recettes (régionales ?) moindres.

Pour avoir un impact écologique, une telle taxe, doit être pour tout le monde ou personne ! Taxer les seuls poids lourds sur certains axes, à savoir le réseau national et autoroutier non concédé, c’est renvoyer vers les autoroutes à péage (que l’on ne peut pas légalement taxer deux fois), un flux important de poids lourds, pour le plus grand bénéfice des concessionnaires autoroutiers. C’est également multiplier les parcours d’évitement sur des réseaux non taxés (au détriment du bilan carbone).

C’est également et surtout multiplier l’usage de petits véhicules Utilitaires Légers (VUL) non taxés et déjà en fort développement pour remplacer des poids lourds, ce qui n’est bon ni pour la congestion, ni pour le bilan carbone. Un poids lourd de 40 tonnes peut transporter 26 palettes en consommant 35 litres aux 100 km. Il faut pour ces mêmes 26 palettes 15 VUL à 15 litres aux 100 km… exonérés de taxes. Le bilan carbone à la tonne transportée et l’encombrement de voirie seraient donc fortement négatif alors que la massification des flux (comme celle des voyageurs en transport de personnes) est pourtant la solution pour la préservation de la planète…

Une taxe payée par tous les transporteurs pénaliserait donc surtout les transporteurs français locaux, alors que les transporteurs étrangers continueraient à traverser notre pays en privilégiant un peu plus les autoroutes

Certains croient que l’écotaxe serait un moyen de faire payer les transporteurs étrangers qui utilisent nos routes sans contribuer au financement de nos infrastructures. Nous sommes d’accord sur l’objectif de les faire payer, mais ce n’est pas la bonne méthode. En effet toute taxe payée par les seuls transporteurs étrangers serait illégale, et serait annulée par Bruxelles et les allemands ont du y renoncer (décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) du 18 juin 2019).

Une taxe payée par tous les transporteurs pénaliserait donc surtout les transporteurs français locaux, alors que les transporteurs étrangers continueraient à traverser notre pays en privilégiant un peu plus les autoroutes, et donc pour le seul bénéfice de leurs concessionnaires et pas ou peu pour l’Etat.

Quant à l’idée de pouvoir répercuter la taxe, les grosses entreprises le peuvent peut-être, mais pas les plus petites qui ont déjà beaucoup de mal à répercuter la surcharge gazole.

Si on veut faire changer les comportements et aller vers des modes de transport plus vertueux, ce n’est pas en taxant le messager ou le serveur au restaurant que l’on y arrive… C’est le donneur d’ordre qu’il faut toucher, le « chargeur », ou le consommateur, le client, qui doit la payer directement dans son produit, ou lors de sa commande. Il s’agit alors d’une taxe sur la consommation ou production de CO2, facteur d’inflation, mais le transporteur, maillon faible de la chaine et à faible marge ne doit pas en être le bouc émissaire.

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