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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
La jeunesse n’est pas le problème, elle est la solution
Geneviève Darrieussecq
Secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Arméeshttps://twitter.com/gdarrieussecq
On entend tout et son contraire sur le Service National Universel (SNU). Parce qu’il faut imaginer un projet de société, global et transversal. Et parce que les commentaires se font avec une référence anachronique, l’ancien service militaire. Non, la vocation du SNU ne sera pas militaire. Oui ses finalités, et ses modalités, répondront à des enjeux du XXIe siècle, pas du siècle passé. Quels sont-ils ?
D’abord, renforcer la cohésion nationale
Dans une société individualiste où les intérêts catégoriels priment souvent, où des frontières invisibles éloignent les gens les uns des autres (centres et périphéries, villes et campagnes, différences sociales etc.), l’expérience de la mixité est indispensable pour se découvrir, faire ressortir nos points communs plutôt que nos différences, faire corps.
Qu’on me comprenne bien : ce n’est pas la jeunesse qui est individualiste, c’est notre société qui l’est devenue. Si le SNU vise la jeunesse, c’est parce qu’elle est la plus grande richesse d’une nation, que le pays doit investir en elle et lui faire confiance : la jeunesse n’est pas le problème, elle est la solution.
Le SNU sera le moment d’un engagement commun, fraternel, qui, en nous sortant de notre zone de confort, sera facteur d’épanouissements personnel – prendre des responsabilités, gagner en autonomie, être utile, s’investir dans des projets concrets –, et par là collectif – intérêt général, sens civique, savoir-être. Il sera universel, donc obligatoire, sans distinction de classe, d’origine, de sexe.
Le SNU sera l’occasion d’accroître nos capacités de résistance, de résilience et de solidarité face aux risques de tout ordre (naturels, criminels, du quotidien) par la diffusion de réflexes citoyens (sécurité du territoire, gestes qui sauvent, cyber protection). Il sera aussi un temps de détection des difficultés (savoirs fondamentaux, santé), et d’orientation.
Une chance pour toutes et tous
Je sais bien que la jeunesse française n’a attendu personne pour s’engager : en Europe, seule la jeunesse islandaise s’engage plus qu’elle. Ils sont des dizaines de milliers à le faire dans des dispositifs divers, sans compter tous les jeunes qui s’investissent au moins quelques jours par an dans une association [1]. J’ai été médecin pendant 25 ans, maire d’une ville pendant 10 ans : je connais la diversité de la jeunesse, ses forces, ses faiblesses, ses aspirations, ses difficultés. Le SNU sera une chance pour toutes et tous. Et sera pensé pour s’insérer dans un parcours professionnel ou étudiant.
Bref, l’objectif du SNU est de contribuer à tirer les Français vers le haut quand tant voudraient les tirer vers le bas.
[1] https://start.lesechos.fr/continuer-etudes/vie-etudiante/et-si-vous-vous-engagiez-dans-une-association-cette-annee-9390.php
Pour un service national universel
Christophe Blanchet
Député de la 4e circonscription du Calvados, Membre de la commission de la défense et des forces armées, membre de la mission d’information sur le service national universel
Promesse de la campagne présidentielle, le service national universel (SNU) trace petit à petit son chemin.
Il ne s’agit pas de rétablir l’ancien service national, la France n’a plus besoin d’appelés et l’armée s’est professionnalisée. Le SNU répond à plusieurs problématiques contemporaines parmi lesquelles, le délitement des rapports sociaux au sein de notre société, l’affaiblissement du lien armée-Nation ainsi que les difficultés d’insertion sociale et professionnelle pour nombre de Français.
Ma vision personnelle s’attache à un SNU en deux temps, suivants une profonde réforme du parcours citoyen au collège et au lycée. Dans l’été des 18 ans du jeune citoyen, le service débuterait par douze jours de préparation militaires (en excluant le maniement d’armes) durant lesquels des modules d’instruction civique, d’activités sportives, d’initiation aux premiers secours ainsi que des bilans de scolarité et santé seraient dispensés. La deuxième phase devrait avoir lieu avant le 26e anniversaire et consisterait en une période de six mois d’engagement « au service de » : une association, une administration, une collectivité, les armées ou d’une entreprise.
Le SNU sera un moment d’apprentissage, une étape charnière qui va au-delà du symbole et gratifie chaque citoyen d’une expérience de vie dans collectivité. Dans un soucis d’inclusion et de mixité sociales, le SNU s’adressera à tous les jeunes Français, au-delà des situations socio-professionnelles et des milieux sociaux.
Il s’agit de se donner les moyens pour que chaque jeune citoyen ressente l’envie de porter un engagement au service de la collectivité. Le SNU doit traduire l’expérience de chacun en une valorisation des compétences acquises, qui seront tout autant utiles pour sa vie professionnelle que pour la société. Ainsi, le bénéficiaire du service sera apte à poursuivre cet engagement ou bien de s’investir ailleurs au bénéfice de tous.
Il est vrai que le projet présenté est ambitieux : son coût représente 610 millions d’euros par an pour la première phase et 1,75 milliard d’euros par an pour la seconde. Mais au regard du coût social causé par l’exclusion sociale et professionnelle en France, évaluée à 22 milliards par an , c’est un investissement sur l’avenir.
Nous portons un véritable projet de société. Une société animée par chacun de ses citoyens qui, porteurs d’un intérêt pour le vivre-ensemble au travers de la Nation, et empreints de l’esprit de défense et des valeurs de la République, se sentent pleinement acteurs de celle-ci.
Sources : Etude BCG/MENJVA, Lutte contre le décrochage scolaire : Coûts et bénéfices associés à la lutte contre le décrochage scolaire, 2012
Une promesse déconnectée de la réalité de l’engagement des jeunes
Quentin Panissod
Co-responsable du Forum Français de la Jeunessehttp://www.forumfrancaisjeunesse.fr/
Le président de la République avait porté l’idée d’un service national universel (SNU) obligatoire s’adressant à tou·te·s les jeunes lors de sa campagne. Ce qui consistait probablement en une manœuvre électorale témoigne d’une méconnaissance de la jeunesse française, de son engagement, et des réalités du terrain.
Les jeunes n’ont pas besoin d’un sas d’enregistrement et de rencontre avec la Nation
Nous sommes déjà massivement engagé·e·s au service de la société : près d’un·e jeune français sur deux est déjà membre d’une association, et prêt·e à s’engager bénévolement [1] ! Si les motifs, lieux et cadres d’engagement évoluent, c’est qu’ils n’ont pas, eux, attendu la transformation de la société pour s’adapter.
En effet, l’engagement est tout ce que le SNU n’est pas : dynamique, gratuit, volontaire, pérenne, empli de sens. L’engagement n’a pas de limites : chez les jeunes, il se renforce massivement dans les associations, les services civiques, mais il se vit aussi dans son parcours professionnel, sa vie quotidienne, par des projets qui ont du sens pour le progrès de notre société.
Au-delà même des questions juridiques qui pourraient être soulevées par ce projet de SNU, nous souhaitons réaffirmer par cette tribune qu’on ne peut créer une société de l’engagement en forçant la jeunesse à s’engager. Offrir comme seul horizon aux jeunes un SNU obligatoire ne permettra pas de créer un cadre propice au volontariat, à l’engagement et à la participation des jeunes en France.
Un outil inefficace
L’évidence est là : aussi louable soit la volonté de s’attaquer aux sujets de citoyenneté, le service national n’est pas l’outil pour y parvenir. Le président Macron en a pleinement conscience : par analogie, a-t-il proposé un service européen pour répondre aux mêmes enjeux de lien à l’Europe ? A l’heure d’une politique de réduction de la dépense publique, est-il pertinent d’engager des frais astronomiques dans un dispositif qui déjà se construit à distance des jeunes ?
Le débat sur le SNU a la vertu de mettre en avant les besoins prioritaires des jeunes. Néanmoins, un tel service, peu en importe l’habit, n’est pas adapté. Dans les prochaines semaines, Emmanuel Macron aura l’occasion de prouver, outre un calendrier de promesses établi en période électorale, qu’il sait adapter ses politiques aux besoins qui se présentent aux Français·e·s, et notamment les jeunes.
Nous jeunes continuerons à diffuser de plus belle notre engagement universel pour notre société et notre Nation.
[1] Étude du Credoc du 8 décembre 2015
Vous ?
Malgré tous nos efforts, nous n’avons pas pu trouver de seconde personne légitime, compétente, et partante pour défendre ce point de vue.
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