📋 Le contexte 📋
En 2017, le Ministère de l’Enseignement Supérieur lance un projet de réforme de l’enseignement supérieur, nommé Plan Etudiants : les universités sont saturées, et le taux de réussite en licence faible. En effet, en 2017, seuls 28% des étudiants en licence universitaire l’obtiennent en 3 ans, un taux de réussite qui monte à 41% pour les étudiants qui ont redoublé une année.
Promulguée en 2018, l’objectif principal de la loi ORE est d’augmenter le taux de réussite en licence. Pour ce faire, une des solutions mises en avant par le Ministère est l’abandon du tirage au sort (qui avait lieu dans le cadre d’APB).
Depuis, les universités sont obligées de classer tous les candidats à une filière, même dans les filières dites « non-sélectives ». C’est aussi l’avènement de la plateforme Parcoursup (qui remplace Admission Post-Bac), où chaque candidat saisit 10 voeux.
La conséquence de cette obligation de classement, c’est que des candidats qui sont mis sur liste d’attente par un programme peuvent le demeurer jusqu’à la rentrée…et se retrouver sans option si les candidats acceptés par l’université décident d’y rester (et ne libèrent pas la place pour ceux en liste d’attente).
S’il ne s’agit pas d’un refus d’office, il en demeure que le candidat ne peut pas intégrer cette filière non-sélective. Il existe donc une sélection de facto à l’université, apportée par la loi ORE.
Pour certains qui revendiquent fièrement la possibilité pour chacune et chacun en France de poursuivre des études universitaires quasi-gratuitement, il s’agit d’une trahison au regard de l’égalité des chances.
Si la pandémie freine nos quotidiens, l’orientation des lycéens reste un sujet de première importance. Les candidats ont envoyé leurs voeux le 8 avril 2021, et les premières réponses arriveront dès le 27 mai 2021.
Compte tenu de l’impact de la pandémie sur la qualité de l’éducation et de l’accompagnement des lycéens, les enjeux de la sélectivité des universités sont lourds de conséquences sociales et politiques et risquent de devenir une réelle préoccupation lors de l’arrivée sur le marché du travail des deux générations de « bacheliers covidés » (celles et ceux qui ont obtenu leur bac en 2020 ou qui l’obtiendront en 2021).
🕵 Le débat des experts 🕵
Dans ce très bref texte, je fais un plaidoyer raisonné pour la sélection à l’entrée des études supérieures. Pour éviter toute réaction épidermique, je précise d’emblée que l’objectif n’est pas de diminuer le nombre d’étudiantes et étudiants en France, il n’y en a pas trop ; je souscris au contraire à l’objectif d’augmenter le nombre de diplômés au niveau licence en France.
Partons de trois constats :
- presque la moitié des titulaires du baccalauréat entrent dans une filière sélective à l’entrée, et plus de la moitié si on inclut les filières de santé (qui sont fortement sélectives après un an) : la sélection ne concerne pas que les filières très élitistes ;
- une partie significative de celles et ceux qui commencent des études en licence avaient fait un premier vœu pour une filière sélective ;
- le taux d’échec ou d’abandons en licence est très élevé, ce qui fait que les licences sont sélectives.
Les deux derniers points concernent en grande partie des bachelières et bacheliers technologiques et professionnels dont le cursus ne les a pas préparés à des études générales en licence.
Cette situation est injuste et démoralisante pour tous, ceux qui sont en échec, aussi pour leurs camarades, et pour l’équipe enseignante. Beaucoup de ces échecs sont prévisibles, par manque de préparation ou de motivation. Bien sûr il faut aussi améliorer l’accueil des étudiants, les bourses, la vie sociale, la qualité de l’enseignement, mais la base est que les étudiants aient la préparation et l’envie de réussir.
Il faut donner aux élèves ayant eu un parcours moyen au lycée, ayant été orientés contre leur gré, et/ou injustement vers une filière professionnelle ou technologique, ayant choisi ou ayant été obligés de faire une pause dans leurs études, une chance réelle de réussir des études supérieures.
La bonne solution est de permettre aux équipes enseignantes d’admettre ou non des étudiants en fonction de leur degré de préparation et de leur motivation (ce dernier point est essentiel) – sachant que les capacités d’accueil, elles, déterminées par l’État pour chaque établissement doivent offrir aux primo-bacheliers comme aux étudiants en reprise d’études, des places en nombre suffisant pour assurer l’augmentation du nombre de diplômés.
L’admission dans une filière doit être comprise comme un contrat de réussite, entre une étudiante ou un étudiant qui ont choisi d’être là, et une équipe enseignante qui, estimant qu’elle ou il ont des chances de réussir, les accompagne dans leur parcours.
Voilà le principe, en quatre cents mots. Pour élaborer une vraie politique, il en faudrait quatre mille au minimum.
Jusqu’en 2018, le Code de l’éducation garantit que « le premier cycle universitaire est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat ». Mais les pouvoirs publics n’ont pas voulu augmenter le nombre de places disponibles en licence pour répondre à l’augmentation du nombre de bacheliers. Dès lors, la plateforme Admission Post-Bac (APB) est mise en difficulté. Les recours se multiplient contre le tirage au sort dans les formations aux capacités d’accueil insuffisantes.
Pour sortir de l’ornière, la loi portée par Frédérique Vidal supprime pour tout bachelier le droit d’inscription dans l’université de son choix et remplace APB par la plateforme Parcoursup. Dans APB, les candidats classaient leurs vœux de formation selon leurs préférences. Dans Parcoursup, ce sont les universités qui classent les candidats selon leur parcours au lycée et leur projet.
Les lycéens perdent le dernier mot au profit des universités qui peuvent conditionner l’inscription au suivi d’un cursus aménagé (licence en 4 ans, enseignements complémentaires) ou laisser les candidats en liste d’attente jusqu’à la veille de la rentrée. Qu’on l’admette ou non, ces dispositions généralisent le droit de sélectionner. N’était-ce pas l’intention d’Emmanuel Macron voulant « arrêter de faire croire à tout le monde que l’université est la solution pour tout le monde » ?
Dès la rentrée 2018, la part des bacheliers technologiques et professionnels diminue en première année de licence et les inégalités entre universités s’accentuent : l’université Panthéon Sorbonne augmente de 12 points la part de ses nouveaux étudiants ayant décroché leur bac avec mention tandis que celle de l’université de Paris 8 Vincennes – Saint-Denis en perd 5. Seuls 5 % des nouveaux étudiants admis par Parcoursup ont bénéficié de cursus aménagés (Note d’information n°20.08 du MESRI).
Un rapport d’inspection a par ailleurs montré l’inefficacité de ces dispositifs de remédiation. Non-contraignants pour les établissements, ils sont donc loin « d’accompagner tous les étudiants vers la réussite ». Le Plan Étudiants ne fixe d’ailleurs aucun objectif quantitatif de réduction du taux d’échec en première année. Il ne prévoit pas non plus les moyens supplémentaires quand le taux de passage en L2 augmente.
On ne sortira pas de l’impasse actuelle sans investissement massif dans les universités. Mais on ne combattra pas non plus efficacement l’échec en premier cycle sans conduire tous les lycéens vers un haut niveau de culture commune, à la fois littéraire, scientifique et technologique.