5 lycéens se tiennent devant un tableau. Sur ce dernier, nous piuvons lire les différentes spécialités mise en place à la réforme du bac : maths, histoire, écologie, langues, humanités, arts, numériques, sciences...

La réforme des filières a-t-elle porté ses fruits ?

📋  Le contexte  📋

La réforme des filières a été promulguée le 16 juillet 2018. Sous le gouvernement d’Édouard Philippe et la présidence d’Emmanuel Macron, c’est une réforme proposée par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale. Elle a pour objectif de réduire la hiérarchisation des filières générales, Littéraire, Scientifique, Économique et Social, en les supprimant et en les remplaçant par un système de spécialités.

 

Le nouveau système articule des disciplines communes et obligatoires, et des disciplines d’enseignement de spécialités, dont trois au choix en première, puis deux de ces dernières au choix en terminale. Certaines matières qui faisaient partie du tronc commun, comme par exemple les mathématiques, sont devenues une spécialité.

Selon l’historienne Laurence de Cock, la réforme a favorisé de nouvelles inégalités. En effet, à cause des contraintes budgétaires, les spécialités proposées dans les lycées ne sont pas les mêmes, et en fonction du lieu d’habitation, les élèves ne peuvent donc pas forcément choisir ce qui leur convient. Sur les 12 cours existants, 7 doivent obligatoirement être proposés. Ainsi, en fonction de leurs budgets, les lycées ont une palette plus ou moins large de choix à proposer à leurs élèves.

 

Par ailleurs, depuis le mois de février, les critiques de cette réforme pleuvent sur les réseaux sociaux. Des experts ont constaté que le pourcentage de filles qui choisissent d’étudier les mathématiques était en large baisse. Alors que ces dernières étaient déjà minoritaires en filière S, la mesure de 2018 aurait encore plus creusé ces inégalités de genres, aggravant le problème de la féminisation de certains métiers. Selon Les Échos, “Les assureurs, les banques et les acteurs du numérique et de l’ingénierie suggèrent par exemple la mise en place d’objectif de mixité dans les enseignements de spécialité.”

 

Ainsi, si d’un côté les élus LREM se félicitent du bon fonctionnement de la réforme des filières, certains analystes dénoncent un renforcement des inégalités.

À l’aube du second tour des élections présidentielles, nombreux sont ceux qui cherchent à dresser le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron. Mesure controversée et étroitement liée à la plateforme Parcoursup, la réforme des filières a été critiquée pendant la campagne par différents candidats, tel que Jean-Luc Mélenchon. En 2018, Jean-Michel Blanquer revendiquait cette réforme comme un moyen de “casser les filières”.

 

Quatre ans plus tard, qu’en est-il des résultats de cette réforme ? A-t-elle porté ses fruits, ou au contraire, a-t-elle augmenté les inégalités ?

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
La réforme des filières a-t-elle porté ses fruits ?
Le « Pour »
Amina Hassan Mohamed
Doctorante, auto-entrepreneuse et formatrice FLE
La réforme des filières : un changement positif pour un nouveau système éducatif

Depuis un grand nombre d’années, juste avant la nouvelle réforme de Michel Blanquer en 2019, il y avait le phénomène de « hiérarchies de prestige » entre les filières S, ES et L. Cela enclenchait une frustration des élèves qui n’avaient pas obtenu la moyenne suffisante pour choisir ces formations. Aujourd’hui, grâce à cette réforme, ces derniers peuvent accéder à toutes les filières. De plus, cette réforme montre la flexibilité de choix de matière car avant il n’était impossible de composer nos propres modules. Il est vrai que cette réforme a fortement changé le schéma classique du lycée que nous avons connu il y a très longtemps. Toutefois, ce changement n’est-il pas le début d’une nouvelle aventure ?

On peut supposer que cette réforme est un défi qui a porté ses fruits dans l’avancé du système scolaire-éducatif et le développement d’une nouvelle méthode. Dans cette réforme, il s’agit d’une part d’accompagner chaque élève vers un chemin innovant du futur pour mieux maitriser chaque domaine. Elle offre à chaque élève la possibilité de se spécialiser sur un enseignement en particulier et d’approfondir ses compétences. En quelques sortes, elle permet aux élèves de se préparer aux exigences de l’enseignement supérieur.

Nous pouvons également constater que cette réforme est une ambition de fédérer les acteurs éducatifs. Elle est un rebord qui a permis de voir une nouvelle méthode de prise en compte des motivations des élèves. D’ailleurs, la réforme de Blanquer a aidé les élèves à comprendre que nous pouvons réussir sans être obligé de choisir la mathématique. On voit bien l’intérêt porté à toutes les matières sans juger prioritaire les matières scientifiques. L’orientation est alors un choix dicté par les élèves et nous pouvons aujourd’hui remarquer qu’ils sont épanouis dans leur choix. Ils sont d’autant plus accompagner efficacement dans leur orientation et dans la préparation à l’étude supérieure.

Certes, tout n’est pas parfait dans cette réforme, néanmoins, il ne faut pas négliger les apports considérables sur l’assouplissement des programmes et des épreuves du baccalauréat. Le changement de modalité de l’épreuve du bac en est la preuve car elle permet à chaque lycéen de participer et de construire son savoir et de réussir son apprentissage. Ceci dit, le fait de compter à 40% le contrôle continu, d’ajouter à 10% le résultat de bulletin scolaire et à 60% l’évaluation finale motive chaque élève à vouloir réussir son épreuve. Cela montre également que l’élève est impliqué tout au long de sa scolarité, de la seconde à la terminale, pour obtenir son baccalauréat. En somme, nous ne pouvons pas tout reprocher à la nouvelle réforme, cela fait quelques années que nous observons une baisse considérable de décrochage scolaire. Grâce à cette réforme, tous élèves ont la possiblité et le moyen d’explorer toutes les matières qui leur paraissent important à leurs yeux. Elle facilite l’intégration et l’inclusion des élèves à toutes les filières. Autrement dit, elle est basée sur le respect de choix des élèves.

Nous ne pouvons pas attendre que la solution soit uniquement dans la méthode mais il faut que les acteurs éducatifs s’impliquent davantage dans la façon de revoir cette réforme et d’en tirer profil.

Le « Contre »
Doha Lougteb
Doctorante en didactique des langues
Nouveau bac : entre intentions louables et inégalités

Plusieurs enseignements de spécialité tels que les arts, mathématiques, biologie, numérique, physiques et langues etc. ne sont plus proposés dans chacun des lycées de France à partir de la rentrée 2021. D’après l’historienne et essayiste Laurence De Cock (2021), cette réforme a induit de nouvelles inégalités.

Au nombre des inégalités causées et renforcées par cette absurde réforme, se trouvent les langues régionales dont l’avenir est jugé peu radieux par les spécialistes. L’anglais est promu de manière exclusive au détriment d’autres langues, alors qu’une complémentarité harmonieuse pourrait être envisagée. En revanche, admettre une troisième option aurait permis de conserver les mathématiques, physiques et biologie car les filles, étant majoritairement dans les études médicosociales, seront pénalisées ce qui peut créer une pénurie de personnel qualifié dans ces domaines. Aussi, le retrait des mathématiques hors du tronc commun au lycée est très problématique pour le recrutement en classes préopératoires du commerce, par exemple. Certains lycéens ne peuvent plus y accéder car ils n’ont pas fait la spécialité mathématique à partir de la première (chose qu’ils ne peuvent plus changer en terminale). Le paradoxe réside, donc, dans le fait que cette situation renforce encore le poids des mathématiques dans le recrutement de cette filière. Ces résultats révèleront une crise profonde de la société et de l’éducation. Cette réforme n’est pas cohérente et fait des mathématiques une matière optionnelle trop tôt. Vu l’importance des maths dans notre société, c’est du sabordage.

 

Néanmoins, il y aurait aussi un gros problème en termes de pédagogie des mathématiques qui en fait une matière qui rebute beaucoup d’élèves. Les mathématiques aident à apprendre la logique et la rigueur, et seraient donc essentielles dans tous les cursus. Le deuxième problème de cette réforme est justement le fait que les élèves doivent obligatoirement abandonner une des options en terminales, car beaucoup de filières scientifiques nécessitent un vrai équilibre entre les mathématiques, la physique-chimie et la biologie, sans parler de la technologie. Comme cette réforme a été faite sans aucune
concertation avec le supérieur, évidemment à charge pour ces cursus de s’adapter en proposant des enseignements complémentaires pour compenser les lacunes accumulées ou revoir à la baisse le niveau d’exigence et réduire le programme. On sait que l’avenir va mobiliser énormément de compétences scientifiques, communicatives et d’ingénierie pour faire face aux défis qui nous attendent, et on sait aussi que les filières scientifiques sont de plus en plus boudées par les étudiants. En effet, l’enseignement doit avant tout ouvrir les portes de la vie active. Trouver une personne qui sait et aime appliquer la science, à tous niveaux, est devenu un vœu pieu la plupart du temps. Enfin, refuser d’écouter les spécialistes du domaine éducatif, y compris nos
didacticiens et pédagogues, pour anticiper les conséquences d’une réforme qui va impacter la scolarité, voire l’avenir de milliers de lycéens quand le motif économique est la seule motivation d’une réforme, cela mènera inexorablement à la faillite de toute la structure éducative.

Alors, la parole des jeunes, des parents et des professeurs va -t -t-il enfin changer de discours ? Il est temps car il y a beaucoup de choses à revoir.


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