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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Ils sont au pouvoir, elles sont au service
Agnès de Préville et Sabine Sauret
Journaliste et bibliste, autrices de Le Déni, “Ils sont au pouvoir, elles sont au service”, enquête sur l’Église et l’égalité des sexes.http://ledeni.net/le-deni-enquete-sur-leglise-et-legalite-des-sexes/
Qui dit Église catholique, dit pape, assemblée de cardinaux, d’évêques, de prêtres. Quand les médias en parlent, ils donnent à voir et à entendre tant d’hommes et si peu de femmes : elles n’ont aucune responsabilité dans la hiérarchie.
Les femmes sont marginalisées ou culpabilisées
Les paroles du magistère catholique sont exclusivement masculines et assignent un rôle subalterne aux femmes construit à partir de deux archétypes féminins qui les culpabilisent : Ève et Marie. Ève est pensée à partir de son péché, associée au serpent, à la ruse et à la curiosité : des clichés qui alimentent toujours le discours sur les femmes envisagées spontanément comme séductrices et tentatrices. À la figure d’Ève, la religion catholique oppose celle de Marie, vierge et mère. Ce modèle est contradictoire : une vierge n’est pas encore mère et une mère n’est plus vierge. Aucune femme ne sera jamais à la hauteur de Marie, modèle inaccessible et donc secrètement dévalorisant. Coincées entre la sainte et la pécheresse, les femmes se sentent toujours un peu coupables.
La soumission comme modèle
Cette culpabilisation a pour conséquence leur soumission. Oui est la seule parole autorisée, à l’image de Marie répondant à l’ange Gabriel dans la scène de l’Annonciation : « Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ». Sans le consentement à leur destin de servir et d’enfanter, la soumission des femmes ne tiendrait pas. Le consentement de Marie permet de faire de l’obéissance une vertu donnée en modèle pour toutes les femmes. Parce que les femmes ont intériorisé leur infériorité et leur soumission, elles acceptent de se mettre au service et de se taire. Comment pourraient-elles y échapper, puisque ce sont des paroles masculines qui le leur assignent au nom de Dieu ?
La tradition a institué un droit pour affirmer la supériorité masculine
Si la tradition catholique a élaboré des mythes et des récits qui désignent la femme comme aide de l’homme, elle a aussi institué un droit pour affirmer la supériorité masculine et exclure les femmes de tout pouvoir : le sacerdoce, l’enseignement et le gouvernement. L’appropriation de la parole est la clé de la domination masculine qui est ébranlée quand les femmes osent prendre la parole, ce que montre le mouvement MeToo. Ce schéma mental – les hommes au pouvoir, les femmes au service – se retrouve dans la religion comme dans la société. Coupable, soumise, servante et muette, voilà l’idéal féminin selon l’institution catholique qui reste un obstacle à l’égalité des sexes.
Religion : libération et non asservissement
Elisabeth Parmentier et Lauriane Savoy
Professeure et doctorante, co-directrices d’Une bible des femmes (Labor et Fides, 2018) avec Pierrette Daviauhttp://www.unige.ch/theologie
La religion est toujours liée à la culture où elle se développe ; on ne peut pas lui attribuer tous les maux de la terre. Si dans la religion, les humains organisent leur rapport avec le divin, il y a aussi la part humaine avec ses rapports de pouvoir, ses hiérarchies, ses modèles de rôles et ses stéréotypes. Comme partout, les hommes se sont accaparé les positions de pouvoir et d’autorité, par exemple le clergé.
Les religions ont aussi développé leurs propres ouvertures
Mais les religions ont aussi développé leurs propres ouvertures : il y a eu des femmes prophétesses dans le judaïsme ; dans les premières communautés chrétiennes, les femmes participent pleinement à la vie cultuelle, parfois trop librement pour leurs contemporains. C’est à cause de cette liberté nouvelle que l’apôtre Paul, dans des passages de ses épîtres figurant dans le Nouveau Testament, les « recadre », soucieux de ne pas bouleverser l’ordre établi mais désireux de transformer les relations.
S’appuyer sur les textes bibliques pour revendiquer l’égalité
Dans le christianisme, lorsque les femmes ont eu accès à la lecture des textes bibliques, certaines se sont appuyées sur eux pour revendiquer l’égalité, par exemple la féministe et antiesclavagiste étasunienne Sarah Grimké au 19e siècle. On trouve certes dans ces textes des versets pouvant être taxés de misogynes, mais aussi d’autres qui sont des souffles libérateurs : « Il n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme ; car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ. » (Galates 3,28). Les humains sont appelés à avoir des relations non pas de domination mais de fraternité – et de sororité.
Le changement vient de l’interprétation
Tout est question d’interprétation, ce qui est un travail sans cesse à renouveler, que font les spécialistes des sciences bibliques, mais aussi les ministres des Eglises, pour aider les croyant·e·s à sortir de lectures naïves ou fondamentalistes. En lisant au-delà d’un ou deux versets, on réalise que le message essentiel est de libérer l’être humain de tout ce qui l’asservit. Le changement vient de la capacité d’interpréter, et nous sommes confiantes que nos sœurs d’autres religions puisent aussi cette force dans leurs propres traditions. Ce sont les compétences d’interprétation qui permettent de renouveler la connaissance des textes et des pratiques religieuses et d’avancer vers davantage d’égalité. Des femmes rabbins, imams, pasteures, des femmes laïques et religieuses sont déjà investies depuis des décennies pour mettre fin aux préjugés et à l’obscurantisme.
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