Le contexte
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Oui au revenu de base universel !
Arthur Mignon
Membre du membre du Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB)
Benoît Hamon, candidat à l’élection présidentielle, s’est prononcé en faveur de l’instauration d’un revenu universel. Sa victoire aux primaires socialistes (ainsi que l’implication d’autres candidats ou organisations de la société civile) a rendu réaliste ce qui, il n’y a pas si longtemps encore, pouvait être qualifié d’utopique : le droit de chaque être humain à devenir maître de son existence, grâce à la mise en place d’un revenu de base inconditionnel, universel et individuel.
Mais des inquiétudes subsistent : comment ne pas aboutir à une société duale, certains profitant de leur revenu d’existence pour « vivoter », quand d’autres seraient au travail ? Comment financer un revenu pour tous sans détruire la Sécurité sociale ?
À ces deux préoccupations, tout à fait légitimes, voici quelques réponses : le travail doit être repensé pour permettre une plus grande mobilité en toute sécurité afin que chacun puisse alterner entre formation, emploi, bénévolat sans avoir à subir les inconvénients actuels du chômage et de la précarité.
Un revenu sans condition remplaçant avantageusement certaines prestations de l’assistance sociale (RSA, aide au retour à l’emploi, allocation de solidarité aux personnes âgées…), sans toucher au système de chômage et de retraite, serait une garantie de sortie de la trappe à pauvreté engendrée par des dispositifs d’aide stigmatisants et excluants. Pour le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB), le revenu universel doit améliorer la protection sociale et non pas la détruire. Il permettrait de reconnaître la contribution de tous les membres de la société à la création de la richesse commune.
Du côté du financement, il y a une diversité de propositions. Il ne faut pas en effet s’arrêter au coût brut mais bien voir que le revenu de base viendrait améliorer le système existant. De plus, des systèmes alternatifs de monnaies libres, d’assouplissement quantitatif pour le peuple ou de revenu de base versé en monnaie locale complémentaire ouvrent de nouvelles perspectives en matière de création et de distribution monétaires.
« Un revenu parce qu’on existe, pas pour exister » : telle pourrait être la définition du revenu d’existence. Un revenu qui permettrait de sortir du travail subi pour aller vers le travail choisi « de chacun (volontairement) selon ses capacités, à chacun (inconditionnellement) selon ses besoins » selon Philippe van Parijs, co-fondateur du BIEN (réseau mondial pour le revenu de base).
Alors oui, mille fois oui, à un revenu universel d’existence émancipateur !
Le revenu universel, l’extension du domaine de la lutte inapropriée
Stéphanie Villers
Chef économiste
Le revenu universel est indispensable pour parer à la « raréfaction du travail ». Les emplois vont se comprimer à cause de la révolution technologique. Les robots vont remplacer les hommes. Le travail va devenir une denrée de plus en plus rare . Voilà le postulat du programme économique de Benoît Hamon. Pour partie, cette hypothèse de base tient la route, mais elle reste pour l’heure une utopie.La substitution de l’homme par la machine peut être considérée comme l’ultime avancée d’un modèle économique efficient. Supprimer les tâches laborieuses, répétitives, sans valeur ajoutée, les robotiser pour que les individus puissent se consacrer uniquement au développement de la connaissance, de la culture et du bien-être est, sans doute, vers quoi l’humanité aspire.
Mais, nous sommes encore à des dizaines, voire des centaines d’années, de l’ère de la croissance générée sans capital humain. Aujourd’hui, l’économie traditionnelle fait face à une détérioration de sa rentabilité qui se traduit par des pertes d’emplois. En contrepartie, les start-up du numérique et des nouvelles technologies recèlent des besoins nouveaux. La confrontation de ces deux mondes créée de nouvelles tensions assorties de fortes frustrations.Mais,comme le rappelle Keynes, « la difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’échapper aux idées anciennes ». Il faut donc accepter que les emplois d’hier soient détruits. Ils seront peu à peu remplacés par de nouveaux jobs reposant sur de nouvelles compétences. Jusqu’à présent, il n’y a jamais eu de progrès technique sans création d’emplois.
Alors, doit-on accompagner cette nouvelle révolution industrielle en distribuant à chaque jeune un revenu compensatoire ou ne vaudrait-il pas mieux consacrer cette somme à des formations d’avenir ?
Benoît Hamon propose de verser aux 18 – 25 ans une rémunération de 750 euros par mois. Il y a en France près de 8 millions de jeunes concernés, ce qui induirait un coût annuel de 72 milliards d’euros pour le financement de leur revenu universel. Orienter cette somme vers des formations pertinentes ne serait-il pas plus efficace ? On sait que ce sont les jeunes sans qualification qui sont les plus touchés par le chômage.
D’après l’INSEE, seulement 31% d’entre eux sont en emploi, contre plus de 80% de diplômés de l’enseignement supérieur. A l’heure où de nouvelles opportunités émergent grâce au numérique notamment, il faut mesurer le gâchis que représenterait la mise sur le banc de touche de cette jeune génération qui a grandi à l’ombre des nouvelles technologies et qui en a une compréhension intuitive, contre tous les bénéfices à attendre de la formation des jeunes sans qualification pour les amener à créer leurs emplois de demain.