Un été patrimonial

LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

Chaque été, les Français et Françaises sont amenés à découvrir ou redécouvrir le patrimoine français. Et nous sommes bien gâtés, la France compte 45 285 monuments historiques protégés dont 13 517 classés et 31 768 inscrits. Et c’est sans compter le petit patrimoine non protégé lié à la vie populaire et locale, qui parcourt nos campagnes. Mais depuis longtemps, les amoureux et protecteurs de ce patrimoine alertent sur son état de conservation et le manque de budget alloué à sa restauration. On estime par exemple en 2020 « que 23% des immeubles protégés au titre de monuments historiques sont en mauvais état ou en péril ». 

Comment définir le patrimoine ?

Le patrimoine est défini comme l’ensemble des richesses culturelles, qu’elles soient matérielles ou immatérielles, transmises par nos ancêtres. Véritable héritage du passé ou témoin de l’époque actuelle, ce patrimoine fait de la France la première destination touristique au monde. Sa diversité et l’inscription de certains lieux au patrimoine mondial de l’UNESCO attirent chaque année près de 80 millions de touristes étrangers. 

Le 15 avril 2019, un des grands monuments de notre patrimoine prend feu. Les images de la cathédrale Notre-Dame de Paris emprise aux flammes font le tour du monde. Très vite des promesses de dons affluent et atteignent les 850 millions d’euros pour reconstruire celle que l’on surnomme « La vieille Dame ». Le président du Centre des monuments nationaux Philippe Bélaval avait alors souligné que l’entretien des bâtiments « était trop souvent négligé » ce qui amenait à faire de grande et coûteuse campagne de restauration. Avec le début des travaux, la flèche qui avait péri dans l’incendie avait fait ressurgir le débat : faut-il reconstruire à l’identique ? Doit-on laisser visibles les travaux modernes ? 

Ce qui est sûr c’est que cet événement a mis en lumière la vétusté du patrimoine français et l’incendie l’importance de ces sites pour les Français et Françaises.

Comment un bien devient-il un monument historique ?

Pour qu’un édifice soit considéré comme un monument historique, il doit répondre à un certain cahier des charges. Il y a d’abord des critères historiques, artistiques, scientifiques, techniques. Puis des notions de rareté, d’exemplarité, d’authenticité et d’intégrité. Chaque année, on compte environ 300 monuments et 1 500 objets mobiliers qui reçoivent le titre de monuments historiques. 

panneau certifiant que le bâtiment est un monument historique
En France, plus de 45 000 monuments bénéficient du titre, et donc de la plaque, « monument historique »

Pour qu’un bien immobilier soit considéré comme un monument historique, un dossier de protection doit être rédigé puis présenté à la DRAC (directions régionales des affaires culturelles). Ses membres, après une visite du lieu et des recherches, présentent ou non ce dossier à la CRPS (commission régionale du patrimoine et des sites), qui est présidée par le préfet de région. Ce dernier décide de proposer son inscription ou son classement au ministre chargé de la culture. L’inscription est le premier niveau de protection et concerne les monuments qui présentent un intérêt remarquable à l’échelle régionale. Quant au classement, c’est le niveau de protection le plus élevé qui désigne ceux qui ont un intérêt à l’échelle nationale. Cela soulève des différences de financements et de préservation. La décision finale revient à la CNMH (la commission nationale des monuments historiques) et doit être signée par le ministre. 

Ce titre apporte des aides financières qui prennent la forme de subventions pour la réalisation de travaux d’entretiens, de réparations ou de restauration. Les propriétaires peuvent également avoir droit à un régime fiscal particulier, surtout si leur bâtiment est ouvert au public . Pour les bâtiments inscrits le montant des subventions ne peut excéder 30%  du coût des travaux. Si en revanche ils sont classés, ces subventions peuvent atteindre les 50%. Si ces aides sont cumulables avec les aides de collectivités territoriales, le propriétaire est dans l’obligation de financer au minimum 20% des travaux. 

Au-delà de l’aspect financier, l’édifice classé ou inscrit ne peut être détruit ou faire l’objet de restauration, réparation ou modification sans l’accord des autorités administratives. Tout projet dépend alors du ministre chargé des affaires culturelles et de la DRAC.

On ne laisse pas le petit patrimoine dans un coin

Le petit patrimoine ou le patrimoine de proximité n’est pas protégé au même titre que les monuments historiques. Généralement ce patrimoine régional est sous la responsabilité des communes, qui peinent à le maintenir en état. En France, il existe des milliers d’édifices non classés, qui se retrouvent dans une situation de vulnérabilité encore plus importante que le reste du patrimoine français. 

Pour tenter de le préserver, la Fondation du Patrimoine contribue depuis bientôt 20 ans à la restauration de ce petit patrimoine non classé et laissé à l’abandon. Grâce à son réseau de mécènes et à ses bénévoles (presque 700 bénévoles dans 22 régions), elle soutient tous les propriétaires qu’ils soient privés ou publics. Son président, Guillaume Poitrinal, rappelle dans une interview donnée à Le Point, que tous les 5 km en France il y a un site, tel un moulin, un théâtre ou encore une église et un viaduc. Montrant à quel point la France est riche en petits patrimoines.

Il rappelle également l’importance de ce dernier pour l’économie d’une ville ou d’un village. Selon une étude réalisée en 2020 par le cabinet Pluricité, « 1€ apporté par la Fondation en faveur d’un projet de restauration permet de générer 21€ de retombées économiques ». Avoir un patrimoine attractif c’est bénéfique tant pour les commerces, les transporteurs locaux et l’hôtellerie que pour les emplois. Les restaurations de la Fondation ont en effet permis de créer 15 824 emplois. En règle générale, l’ensemble du patrimoine compte 35 000 travailleurs et travailleuses. 

Qui finance la restauration ?

En dehors de la Fondation du patrimoine, il existe d’autres organismes qui s’occupent et financent les campagnes de restauration et de valorisation du patrimoine français. Les aides au financement dépendent du propriétaire. Depuis la déconcentration des années 2000, une majorité des monuments historiques n ‘est plus détenue par l’Etat. Il possède en effet 4% des édifices alors que les collectivités territoriales en détiennent 41% et les propriétaires privés 44%. 

Les aides gouvernementales

Le budget alloué à la culture représente 0.5% du budget global de l’Etat soit 4.2 milliards d’euros. À l’intérieur, les patrimoines détiennent près de 25% du budget soit 1 milliard qui est divisé entre les musées de France, l’architecture des sites patrimoniaux, le patrimoine archéologique ou encore les Monuments historiques et le patrimoine monumental. C’est le programme 175 en faveur du patrimoine et de l’architecture qui répartit les sommes dans cette dernière catégorie.

Pour l’année 2021-2022, on compte: 

  • 160 millions d’euros pour les monuments historiques dont 80 millions pour les cathédrales
  • 40 millions d’euros en soutien aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques qui n’appartiennent pas à l’Etat
  • 40 millions d’euros pour les monuments nationaux donc ceux appartenant à l’État 

Pour Didier Rykner, créateur du journal Tribune de l’Art, il faudrait pourtant 750 millions par an versés par l’Etat pour « rattraper le retard et mettre en œuvre une vraie politique de préservation et de mise en valeur ». Alors en parallèle des initiatives se mettent en place. 

La mission Bern

En 2017, le président Emmanuel Macron confie à Stéphane Bern la « Mission Patrimoine ». Son objectif est clair. Avec l’aide de la Fondation du patrimoine, la mission éponyme du célèbre présentateur de Secret d’histoire doit identifier  « les biens patrimoniaux en péril et proposer des sources de financements innovants afin de les sauvegarder ».

Cinq ans après son lancement, 181 millions € ont été mobilisés et 356 sites sur 627 sélectionnés ont été sauvés. Pour arriver à ce résultat, la mission Bern a associé une collecte de dons, le mécénat, un partenariat avec Axa, du parrainage et le fameux loto du patrimoine. Ce dernier, mis en place avec la FDJ prend la forme d’un jeu à gratter.

En mars dernier, 18 nouveaux sites en péril ont été sélectionnés pour bénéficier d’une dotation tirée des sommes récoltées par le loto. Parmi les heureux élus, on retrouve le parc des Sources de Vichy, une ancienne colonie pénitentiaire à Belle-Ile-en-Mer en Bretagne ou encore deux anciennes usines sucrières sur l’Île de la Réunion et à Mayotte. 

Adopte un château, les Maisons paysannes de France et autres initiatives

Aux côtés de ces missions à fort impact médiatique, des associations et collectifs mettent en place eux aussi des campagnes de préservation du patrimoine. Adopte un château par exemple est une association créée en 2015 pour proposer une « nouvelle façon de voir le patrimoine ». En partant du constat que la France compte 30 000 châteaux, dont beaucoup sont en péril ou en passe de la devenir dans les dix prochaines années, l’association propose de voir cet édifice comme un moyen de revaloriser les territoires.

A titre d’exemple, en 2017 l’association en collaboration avec le site de financement participatif Dartagnans a sauvé le château de La Mothe-Chandeniers. Situé dans la commune des Trois-Moutiers, au sud-ouest de Tours, l’édifice tombait en ruine et suffoquait sous la végétation. Ils ont alors mis en vente des parts du monument pour un minimum de 50 euros. A ce stade, 27 910 personnes de 115 pays ont participé à la collecte pour un total de plus de 2 millions €. Sauvé de la ruine, le château peut désormais accueillir des visiteurs grâce à ces nouveaux châtelains. 

Le château de La Mothe Chandeniers
Passé proche de la disparition, le château de La Mothe Chandeniers a réouvert ses portes au public en 2019

Mais en dehors des grands édifices et autres châteaux, des associations vont s’intéresser à des bâtis de moins grande envergure mais tout aussi importants. Ce sont en tout des milliers d’associations qui œuvrent pour sauvegarder le patrimoine monumental. Elles prennent plusieurs formes comme des regroupements de propriétaires de monuments historiques ou  d’admirateurs d’un monument en particulier. Certaines sont également reconnues d’utilité publique par l’Etat comme l’association  Maisons paysannes de France qui s’est associé en 2005 avec huit autres associations pour former le G8 du patrimoine. « Un groupe national d’information et de concertation sur le patrimoine […] œuvrant pour la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti et paysager ». 

Un patrimoine accessible à tous

Alors oui, l’été est un des moments les plus propices pour partir à la découverte de notre patrimoine. Mais au cours de l’année, il existe plusieurs occasions dédiées à ce dernier. Les 16, 17 et 18 septembre prochain aura lieu la 39ème édition des journées européennes du patrimoine. Inspirée des journées portes ouvertes des monuments historiques de Jack Lang dans les années 1980, ces journées ont pour objectif de promouvoir la culture française.  Chaque année près de 12 millions de visiteurs poussent les portes de 17 000 monuments et profitent des 26 000 animations. Et si cette année vous partiez à la rencontre de ce patrimoine ? 

Sources : .

 

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