photo d'un village avec des vignes en premier plan

Municipales 2020 : Y a-t-il trop de communes en France ?

📋  Le contexte  📋

La commune est la plus petite division administrative du territoire français. Pour exister, une commune doit être constituée d’un territoire administré par une municipalité, c’est-à-dire un ou une maire, ses adjoints, et un conseil municipal.

Les communes ont été créées sous leur forme actuelle à la Révolution, le 11 novembre 1789. S’inspirant beaucoup de l’administration des villes autonomes du Moyen Âge, l’Assemblée nationale révolutionnaire remplace toutes les villes, communalités ou paroisses par des communes. Elle instaure également le rôle du conseil municipal, qui doit être élu, et celui du maire. À cette époque sont construites (ou aménagées dans des bâtiments existants) de nombreuses mairies, appelées « maisons communes ». En 1790, environ 800 communes sont créées par département, eux aussi nouvellement créés.

Avoir autant de communes est une spécificité française. À l’heure de l’harmonisation des pratiques en Europe, et sur fond de réduction des dépenses publiques, cette spécificité interroge. Pourtant, à une époque où seuls 9% des Français déclarent avoir confiance dans « les politiques », deux tiers d’entre eux font confiance à leur maire (CEVIPOF 2019). Alors faut-il conserver cette spécificité française ? Ou diminuer le nombre de communes comme ailleurs en Europe ? On en débat.

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Françoise Gatel
Sénatrice d’Ille-et-Vilaine
Un principe de liberté pour un territoire d’avenir

L’organisation territoriale française se caractérise par un grand nombre de communes, avec le seuil psychologique de 36000 communes.

Mais au 1er mars 2020, nous sommes passés, sous l’effet d’une révolution silencieuse qu’est la commune nouvelle (commune issue de la fusion de plusieurs communes), à 34968 communes.

La commune a été conçue comme le lieu le plus approprié de l’expression des citoyens, au plus près de leur vie quotidienne. Elle a une fonction de proximité plus que jamais nécessaire dans une société fracturée, car c’est là, que se tisse chaque jour le lien social. Le Grand débat national organisé l’année dernière aura d’ailleurs révélé au grand jour la vertu de la commune et de ses élus. Elle joue indéniablement un rôle fondamental dans l’organisation de la République mais aussi un rôle d’amortisseur social.

Toutefois, les maires sont confrontés à de plus en plus de difficultés (baisse des moyens financiers, complexités administratives…) qui les incitent parfois à se regrouper avec d’autres communes.

En effet, les attentes de nos concitoyens évoluent. Que l’on vive en ville ou à la campagne, l’exigence de services est la même. Aujourd’hui, la commune doit assumer une double mission : celle de la proximité mais aussi celle de l’efficacité.

Dès lors, les élus doivent pouvoir inventer des perspectives d’avenir pour leur territoire.

Conçu par et pour le terrain, le mouvement de communes nouvelles a été initié par les élus eux-mêmes, sur la base du seul volontariat. Il est une réponse librement décidée par les élus locaux afin de mieux répondre aux attentes de leurs concitoyens.

2500 communes représentants 2.4 millions d’habitants ont fait ce choix.

Parce que, précisément, elle est faite par des hommes et des femmes, pour des territoires d’avenir, elle ne doit ni brusquer, ni forcer, ni contraindre, mais convaincre. Sa réussite s’appuie sur un projet de territoire partagé.

Les communes nouvelles offrent ainsi aux territoires qui le souhaitent, aux élus qui s’engagent sur un projet de long terme pour leur territoire, une réponse d’avenir fondée sur un principe de liberté et d’autonomie.

Le « Contre »
Cédric Szabo
Directeur de l’Association des Maires Ruraux de France
Communes nouvelles : 8 raisons de se poser des questions

Notre vie démocratique se meurt de débats simplistes. Il faudrait être pour ou contre. Nous préférons introduire quelques nuances et sujets simples.

  1. D’abord fusionner est une idée qui vient d’en haut. Traitée idéologiquement par une loi, dans le sillage de la doctrine ultralibérale qui vise à réduire la sphère publique. L’idée d’un trop grand nombre de collectivités est battue en brèche par la pertinence de la proximité, nouvel étendard depuis la crise des gilets jaunes ;
  2. Pendant que l’on fusionne, l’énergie est moins mobilisée sur la résolution des enjeux de la vie quotidienne (santé, école, emploi, culture…) ;
  3.  La fusion s’affranchit de l’avis des populations sans que cela ait été « promis » par la liste. L’Association des maires ruraux de France propose que la consultation des populations des villages soit obligatoire. Refus systématique de toutes les majorités au Parlement.
  4. C’est un outil d’affaiblissement de l’engagement associatif et du bénévolat. Notre pays est marqué par les « fusions forcées » en 1971, avec plus de 3000 communes supprimées et avec l’observation que s’est réduite l’implication ciotyenne au profit d’une administration de bonne volonté mais moins portée vers le lien social (1) ;
  5. Ce n’est pas systématiquement une source d’économie. L’AMRF a mené une étude et les « carottes » financières ne suffisent pas à absorber le surcoût lié à toute fusion (voir les rapports de la Cour des comptes). C’est un levier de hausse de la dépense publique. Or, plus la commune est rurale, plus l’endettement est faible. Supprimer des communes rurales, c’est affaiblir l’outil de réduction de la dépense publique.
  6. Elle est le plus souvent le fait de quelques individus plutôt qu’un projet collectif, soutenu pour ne pas dire imposé dans l’urgence dans bien des cas par les préfets ou quelques élus plus influents que d’autres. Avec pour effet la politisation des territoires (2) induite par la création de grandes communes qui n’auront servi qu’à l’ambition politique d’un élu ;
  7. La plus-value de service reste à démontrer et bien souvent la première perception est que la population des communes déléguées vit cela comme une détérioration et un éloignement ou une concentration des services dans le village centre.
  8. Une vieille idée derrière un mot moderne : la nouveauté. Elle n’en a que la couleur. Une commune nouvelle est une commune. Point. Elle souligne les faiblesses d’un autre outil, l’intercommunalité qui a mis sous le boisseau, nombre de maires, tentés de se fédérer pour peser davantage ; chose qu’ils peuvent faire sans fusion.

 

Sources :

(1) Frédéric Ville, Communes nouvelles : Atouts… et dangers, Salientes Editions, avril 2019 ; pp. 184-187

(2), Ibid, pp. 63-66

 

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