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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le respect du droit de chacun à disposer de son corps et de ses organes
Jean-Louis TOURAINE
Professeur de médecine - Député du Rhônehttp://www2.assemblee-nationale.fr/deputes/fiche/OMC_PA334768
De quoi s’agit-il ? Après le décès, lorsque le défunt n’avait pas exprimé de son vivant sa volonté sur la destinée de ses organes (comme c’est le plus souvent le cas), devons-nous postuler qu’il était favorable au don ou défavorable ? Comme la totalité des Français est pour la transplantation quand il s’agit de recevoir un organe et la très grande majorité (80 à 90%) quand il est question de donner, il est raisonnable d’appliquer ce raisonnement majoritaire, faute d’information sur l’opinion du défunt.
L’amendement ajoute que ce consentement doit être éclairé et que toutes les chances doivent être données aux personnes opposées au don, de s’inscrire sur le registre des refus ou sur un autre moyen qui sera défini avant le 1er janvier 2017 dans un décret en Conseil d’Etat.
Ainsi une large information des Français offrira à chacun la possibilité de connaître le dispositif existant depuis 1976 et celle de savoir que chaque personne n’ayant pas exprimé son refus est considérée comme favorable au don. Pourquoi ne pas prévoir également un registre des acceptations ? Parce que l’expérience montre que presque personne ne s’inscrit sur un tel registre, quelles qu’en soient les raisons : négligence, superstition, etc. La Belgique et d’autres pays ont fait la tentative du registre du « oui », moins de 2% de la population est inscrite en dépit d’une très forte médiatisation.
La loi renforce l’obligation d’information préalable et approfondie de la famille. Elle confirme que le droit au respect de la volonté propre du défunt, exprimée de son vivant, explicitement ou tacitement, et non altérée ni par l’Etat, ni par les proches, ni par les professionnels de la santé. Elle respecte le droit à la quiétude de la famille dans un moment de deuil et de recueillement.
On est bien loin, on le voit, des craintes des détracteurs dénonçant une « nationalisation des corps » ; au contraire l’Etat met tout en mesure et fait tous les efforts pour que les personnes opposées puissent exprimer leur refus et le faire respecter.
Certains pays considèrent que les personnes contre le don ne devraient pas être acceptées comme receveuses en priorité lorsqu’elles ont besoin d’être traitées par une transplantation. Ce n’est pas le cas de la France qui, ainsi, ne sanctionne pas l’égoïsme. Notre pays fait le postulat de la solidarité, le pari que la générosité l’emporte sur l’égoïsme parmi nos concitoyens.
Lorsque le don devient obligation
Carole GENTY
Présidente de l’AFCH (Association Française des Coordonnateurs Hospitaliers)http://www.afch.fr/
« L’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. »
Cet article de la Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine éclaire de toute sa justesse les motifs de contestations des professionnels de santé quant à l’utilisation du Registre National de Refus (RNR) comme seule modalité d’expression d’opposition au don d’organe. .
Les équipes de Coordination effectuent leur travail dans le cadre de la loi en respectant le principe du consentement présumé appliqué en France depuis 1976. Lorsque l’interrogation du RNR ne permet pas de détecter l’expression d’un refus, les proches sont consultés afin de rechercher la non opposition du défunt à un don d’organes et de tissus, et non dans le but de solliciter une autorisation.
Ce dialogue est un acte de soins, et, à ce titre, s’inscrit comme un acte de bienfaisance qui se réfère aux valeurs de tous soignants.
Il nous paraît inconcevable d’aller à l’encontre de la volonté d’une famille, alors même que le défunt ne s’est pas inscrit sur le RNR, au risque de voir les attitudes conflictuelles se multiplier, ou pire, infliger un acte de maltraitance en imposant à des proches endeuillés une décision allant à l’encontre de leur souhait.
Justifier l’application de cet amendement en prétendant que les proches ne respectent pas toujours la volonté du défunt, que l’abord du don provoque une douleur supplémentaire à la famille ou alourdit le travail des coordinations, est une contre-vérité qui témoigne de la méconnaissance de la réalité des entretiens. Le nombre de proches exprimant un avis contraire à celui du défunt est infime, et la question du don est bien souvent vécue comme légitime par les proches. Enfin, le dialogue mené par une équipe experte, apporte humanité et sensibilité soignante à un moment que d’aucun qualifie d’inopportun.
La vive controverse dans le milieu des professionnels de santé suscitée par cet amendement a provoqué une réécriture de l’article 46 ter. Cette version corrigée a été adoptée par l’Assemblée nationale ce 14 avril et vise à renforcer la qualité du dialogue avec les proches et à clarifier les modalités d’expression du refus.
Aujourd’hui, les coordinations sont impatientes de participer à la concertation qui ne manquera pas d’en précéder l’application.