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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
L’asile passoire, un puits sans fond…
Roger KAROUTCHI
Sénateur des Hauts-de-Seine, Ancien Ministre, Rapporteur « Asile- Immigration » de la Commission des Finances du Sénathttp://www.senat.fr/senateur/karoutchi_roger99004r.html
Le rapport de la Cour des comptes sur l’asile ne fait que constater une vérité que beaucoup continuent de nier malgré la réalité implacable des chiffres. Dans notre pays, je ne cesse de répéter depuis 3 ans que le système du droit d’asile a été détourné de sa finalité première alors qu’il représente un coût de près de 2 milliards d’euros par an pour la collectivité.
En cinq ans, le nombre de dossiers déposés a doublé pour atteindre le chiffre astronomique de 64 811. Force est de constater que la plupart des dossiers examinés sont voués à l’échec, entraînant là un surcoût intolérable pour nos finances publiques. Le nombre d’acceptations reste stable pour s’établir entre 10 000 et 15 000. Cela signifie que nous sommes passés de 25 000 déboutés à 50 000. Seuls 10 000 déboutés sont raccompagnés à la frontière ce qui m’amène à redire que le système du droit d’asile en France a été détourné au profit de véritables filières d’immigration clandestine et que nous produisons nous-mêmes 40 000 sans-papiers tous les ans.
Notre pays a vocation à accueillir et à intégrer ceux n’ayant pas été déboutés. Pour une intégration réussie, il faut que les moyens soient renforcés. En revanche, je prône une fermeté absolue à l’égard de ceux qui sont déboutés : notre pays n’a pas vocation à continuer de loger, à l’hôtel ou dans des structures spécialisées et coûteuses, les déboutés de leur demande d’asile alors que dans le même temps, ceux qui obtiennent le statut de réfugiés, et ont souvent vocation à devenir français, ne bénéficient que de très peu d’accompagnement et d’assistance. On marche sur la tête et notre pays intègre mal ceux qui le méritent vraiment.
Ces chiffres éclairent sur le détournement de la procédure des demandes d’asile : notre pays est en train d’assister à la mise en place, consacrée par notre droit pour le moment, d’une véritable filière d’immigration clandestine utilisée par les passeurs. C’est pour ces raisons qu’il faut envoyer un message fort en expulsant les déboutés au risque de provoquer des appels d’air sans fin…
Droit d'asile, halte à la démagogie
Eva JOLY
Députée européenne, Europe Écologie – Les Verts, Membre de la Commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européenhttp://europeecologie.eu/-Eva-Joly-?lang=fr
Selon un rapport provisoire de la Cour des comptes, la politique française d’asile ne serait pas soutenable financièrement. De cette analyse purement comptable, certains ont eu trop vite fait de conclure que la politique d’asile, trop coûteuse, devait être intégralement remise en cause. Que notre politique d’accueil, forcément trop laxiste, devait être durcie. Quitte à faire fi de la réalité. La France rejette en effet 8 demandes d’asile sur 10. Avec un taux de protection de 18%, elle est loin de la moyenne européenne de 35%. Ou à s’asseoir sur la Convention de Genève sur le statut des réfugiés dont la France est pourtant signataire.
Sans conteste, le contexte économique et financier difficile impose de faire bon usage des fonds publics. Il est indispensable de remettre à plat un système qui n’est visiblement ni efficace, ni humain. La France a en effet été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour son accueil et ses procédures ne respectant pas suffisamment la dignité et les droits des demandeurs d’asile. Pour autant, cela ne peut être prétexte à la stigmatisation des demandeurs d’asile. A l’heure où des milliers d’entre eux ont péri ou sont en danger de mort en Méditerranée, cette nécessaire réforme ne peut être l’excuse commode pour fouler au pied les fondements humanistes et humanitaires de la politique d’asile. Oui, protéger ceux qui, par crainte pour leur vie ou celle de leur famille, ont dû fuir leur pays a un coût.
Mais sauver des vies ne peut faire l’objet d’une vision strictement et cyniquement comptable. Ce coût ne doit pas non plus être uniquement imputable aux demandeurs d’asiles. Le système d’asile français pêche de plusieurs manières, structurelles d’abord, financières ensuite. Il est saturé par des pratiques administratives longues et coûteuses qui pour autant n’offrent pas le temps nécessaire à un examen approfondi des cas, crée de l’échec et de l’arbitraire. L’interdiction faite aux demandeurs d’asile de travailler, les rend dépendants de l’État quand ils pourraient au contraire mettre à profit leurs compétences. Autant de points auxquels la réforme en cours d’adoption ne répond pas.
Réformer la politique d’asile française implique non seulement – et avant tout – une réforme de la politique européenne en la matière. Elle implique également de trouver un équilibre satisfaisant entre la réduction de la longueur des procédures et des coûts et le respect des droits des demandeurs d’asile.
Limiter les flux d’entrées sur le territoire ne peut tenir lieu de politique d’asile quand tant de tensions et d’instabilité agitent le monde. Toujours, la France a su accueillir ceux qui, frappés par le chaos, étaient contraints de quitter leur pays. Il ne pourrait en être autrement aujourd’hui. Accueillir a un coût. Ignorer la souffrance humaine également.