La politique de droit d’asile de la France est-elle trop coûteuse ?

Un bateau de migrants en Méditerranée

Numéro 1

S’informer

Qu'est-ce que le droit d'asile ?

Le droit d’asile découle de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés. La Convention indique que le droit d’asile doit être accordé à toute personne (…) qui (…) craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ».

Les dispositions établies dans cette convention, dont la France est signataire, a été déclinée dans le droit communautaire européen, et dans le préambule de la Constitution française. Il y est précisé que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».

Par extension, le Conseil constitutionnel a également indiqué dans sa décision du 13 août 1993 que tout individu qui demandait le droit d’asile devait être autorisé à rester sur le territoire français jusqu’à ce que sa demande soit étudiée et qu’une réponse lui soit apportée.

Combien de personnes demandent l'asile chaque année en France ? Combien l'obtiennent ?

En 2014, la France a reçu environ 60 000 demandes d’asile. Ce chiffre est en nette augmentation par rapport à 2007 (environ 30 000), mais à peu près équivalent au niveau de 2004 (environ 58 000). Ces chiffres varient nettement en fonction du contexte international et des zones de conflits dans le monde.

Sur l’ensemble des demandes, environ une personne sur cinq voit sa demande acceptée. Cela représente entre 10 000 et 15 000 demandes acceptées tous les ans.

Pourquoi en parle-t-on en ce moment ?

La politique du droit d’asile en France fait l’objet d’un projet de réforme porté par le ministre de l’Intérieur, Monsieur Bernard Cazeneuve, depuis juillet 2014. C’était une promesse de campagne de François Hollande. Ce projet prévoit notamment des mesures de simplification des démarches et d’accélération du traitement des demandes d’asile.

Alors que le texte est examiné par le Sénat, la Cour des comptes a remis à Bernard Cazeneuve un rapport confidentiel sur les coûts liés au droit d’asile en France. Ce rapport a été révélé par le Figaro, le 13 avril 2015. Il décrit le système comme étant « au bord de l’embolie », et « la principale source d’arrivée d’immigrants clandestins en France ».

Ces assertions, ainsi que les chiffres cités dans le rapport, ont suscité de nombreuses réactions chez les politiques et les associations.

Combien coûte le droit d'asile à la France, et de quelle manière ?

Selon la Cour des comptes, la politique du droit d’asile coûterait environ 2 milliards d’euros à la France chaque année. Ces chiffres incluent :

  • Les dépenses directes, 660 millions d’euros par an, qui couvrent l’allocation de 340€ par mois pour chaque demandeur d’asile en attente, la couverture maladie universelle (CMU), et les fonctionnements des divers organismes traitant les demandes.
  • Les dépenses indirectes, 330 millions d’euros par an pour les dépenses effectuées en faveur des demandeurs d’asile sur d’autres lignes budgétaires, comme la scolarisation des enfants de demandeurs d’asile.
  • Les dépenses liés aux « déboutés » (les personnes à qui l’asile est refusé), qui restent pour la plupart en France. Selon la Cour des comptes, seuls 1 % des déboutés quittent effectivement le territoire malgré l’obligation qui leur est notifiée, le reste demeurant en France en situation irrégulière.

Mais la Cour des comptes indique que les hypothèses utilisées pour ces calculs doivent être confortés, et demande à l’administration de bien vouloir examiner la validité des données utilisées et du calcul. 

Parmi les chiffres contestés, la Cimade estime que le pourcentage des déboutés qui quittent la France oscillerait plutôt entre 10 % et 20 %. De nombreuses associations critiquent également une vision purement comptable d’un problème plus global.

Numéro 2

Se positionner

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LE « POUR »

L’asile passoire, un puits sans fond…

Billet rédigé par :

Roger KAROUTCHI

Sénateur des Hauts-de-Seine, Ancien Ministre, Rapporteur « Asile- Immigration » de la Commission des Finances du Sénat
http://www.senat.fr/senateur/karoutchi_roger99004r.html

Le rapport de la Cour des comptes sur l’asile ne fait que constater une vérité que beaucoup continuent de nier malgré la réalité implacable des chiffres. Dans notre pays, je ne cesse de répéter depuis 3 ans que le système du droit d’asile a été détourné de sa finalité première alors qu’il représente un coût de près de 2 milliards d’euros par an pour la collectivité.

 

En cinq ans, le nombre de dossiers déposés a doublé pour atteindre le chiffre astronomique de 64 811. Force est de constater que la plupart des dossiers examinés sont voués à l’échec, entraînant là un surcoût intolérable pour nos finances publiques. Le nombre d’acceptations reste stable pour s’établir entre 10 000 et 15 000. Cela signifie que nous sommes passés de 25 000 déboutés à 50 000. Seuls 10 000 déboutés sont raccompagnés à la frontière ce qui m’amène à redire que le système du droit d’asile en France a été détourné au profit de véritables filières d’immigration clandestine et que nous produisons nous-mêmes 40 000 sans-papiers tous les ans.

 

Notre pays a vocation à accueillir et à intégrer ceux n’ayant pas été déboutés. Pour une intégration réussie, il faut que les moyens soient renforcés. En revanche, je prône une fermeté absolue à l’égard de ceux qui sont déboutés : notre pays n’a pas vocation à continuer de loger, à l’hôtel ou dans des structures spécialisées et coûteuses, les déboutés de leur demande d’asile alors que dans le même temps, ceux qui obtiennent le statut de réfugiés, et ont souvent vocation à devenir français, ne bénéficient que de très peu d’accompagnement et d’assistance. On marche sur la tête et notre pays intègre mal ceux qui le méritent vraiment.

 

Ces chiffres éclairent sur le détournement de la procédure des demandes d’asile : notre pays est en train d’assister à la mise en place, consacrée par notre droit pour le moment, d’une véritable filière d’immigration clandestine utilisée par les passeurs. C’est pour ces raisons qu’il faut envoyer un message fort en expulsant les déboutés au risque de provoquer des appels d’air sans fin…

 

LE « CONTRE »

Droit d'asile, halte à la démagogie

Billet rédigé par :

Eva JOLY

Députée européenne, Europe Écologie – Les Verts, Membre de la Commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen
http://europeecologie.eu/-Eva-Joly-?lang=fr

Selon un rapport provisoire de la Cour des comptes, la politique française d’asile ne serait pas soutenable financièrement. De cette analyse purement comptable, certains ont eu trop vite fait de conclure que la politique d’asile, trop coûteuse, devait être intégralement remise en cause. Que notre politique d’accueil, forcément trop laxiste, devait être durcie. Quitte à faire fi de la réalité. La France rejette en effet 8 demandes d’asile sur 10. Avec un taux de protection de 18%, elle est loin de la moyenne européenne de 35%. Ou à s’asseoir sur la Convention de Genève sur le statut des réfugiés dont la France est pourtant signataire.

 

Sans conteste, le contexte économique et financier difficile impose de faire bon usage des fonds publics. Il est indispensable de remettre à plat un système qui n’est visiblement ni efficace, ni humain. La France a en effet été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour son accueil et ses procédures ne respectant pas suffisamment la dignité et les droits des demandeurs d’asile. Pour autant, cela ne peut être prétexte à la stigmatisation des demandeurs d’asile. A l’heure où des milliers d’entre eux ont péri ou sont en danger de mort en Méditerranée, cette nécessaire réforme ne peut être l’excuse commode pour fouler au pied les fondements humanistes et humanitaires de la politique d’asile. Oui, protéger ceux qui, par crainte pour leur vie ou celle de leur famille, ont dû fuir leur pays a un coût.

 

Mais sauver des vies ne peut faire l’objet d’une vision strictement et cyniquement comptable. Ce coût ne doit pas non plus être uniquement imputable aux demandeurs d’asiles. Le système d’asile français pêche de plusieurs manières, structurelles d’abord, financières ensuite. Il est saturé par des pratiques administratives longues et coûteuses qui pour autant n’offrent pas le temps nécessaire à un examen approfondi des cas, crée de l’échec et de l’arbitraire. L’interdiction faite aux demandeurs d’asile de travailler, les rend dépendants de l’État quand ils pourraient au contraire mettre à profit leurs compétences. Autant de points auxquels la réforme en cours d’adoption ne répond pas.

 

Réformer la politique d’asile française implique non seulement – et avant tout – une réforme de la politique européenne en la matière. Elle implique également de trouver un équilibre satisfaisant entre la réduction de la longueur des procédures et des coûts et le respect des droits des demandeurs d’asile.

 

Limiter les flux d’entrées sur le territoire ne peut tenir lieu de politique d’asile quand tant de tensions et d’instabilité agitent le monde. Toujours, la France a su accueillir ceux qui, frappés par le chaos, étaient contraints de quitter leur pays. Il ne pourrait en être autrement aujourd’hui. Accueillir a un coût. Ignorer la souffrance humaine également.

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