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Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Nucléaire, l’énergie la plus vertueuse pour le climat
Yves Egal et Bruno Comby
conseil en écologie et développement durable et président de l'AEPN, cofondateur de Sauvons le Climathttp://www.ecolo.org
Il y a un an, nous avons répondu indirectement à cette question en affirmant : « La transition énergétique, c’est plus de nucléaire ! »
Tout simplement parce que le nucléaire émet très peu de CO2 par kWh, du berceau (mine d’uranium, fabrication du béton et de l’acier des centrales) à la tombe (stockage des déchets et démantèlement des centrales).
Pour faire simple et selon l’ensemble des études indépendantes, notamment universitaires, le nucléaire émet à peu près au même niveau que l’éolien terrestre, autour de 6 g de CO2 par kWh. Seul l’hydraulique fait moins, à 4 gCO2/kWh, ce qui tombe bien, puisque l’hydroélectrique est le complément idéal du nucléaire aux heures de pointe. Le photovoltaïque tourne autour de 100, le gaz à cycle combiné vers 400 et le charbon à presque 1000 gCO2/kWh !
Cela peut paraitre bizarre à ceux qui croient que le vent et le soleil sont gratuits et sans impact sur notre planète. Mais cela n’est le cas – et encore ! il faut aussi de la maintenance – qu’une fois que l’appareillage pour capter ces énergies a été fabriqué, car les éoliennes et les panneaux solaires ne tombent pas du ciel, même par grand vent !
Par exemple, il faut du béton pour arrimer les éoliennes, un millier de m3, ce qui parait peu à côté d’une enceinte de centrale nucléaire avec, parfois, de gigantesques tours de refroidissement. Mais comme ces machines produisent peu de kWh (moins de 25 % du temps), cela fait beaucoup de béton par kWh : à peu près autant que par kWh nucléaire, qui est produit, lui, pendant 90 % du temps.
Pour le photovoltaïque, il faut du silicium très pur, ce qui nécessite de le chauffer à 950°, puis de le cristalliser à 1500°, en général à l’aide d’hydrocarbures et dans des pays où l’électricité aussi est produite avec des hydrocarbures (dans un monde climatiquement idéal, il faudrait fabriquer en France, avec notre électricité nucléaire sans carbone, les panneaux solaires à installer… en Chine !).
Puisque le kWh nucléaire n’émet pas beaucoup de CO2, il est tout à fait logique que cela se voit dans les émissions des pays très nucléarisés, ou ayant un mix électrique combinant nucléaire et hydraulique, comme la France, la Suisse ou la Suède.
Selon la Banque Mondiale, avec 5,2 t/habitant, la France émet plus de trois fois moins de CO2 par habitant que les grands émetteurs de la planète (Etats-Unis, Canada, Australie, Pays pétroliers du Golfe, des Antilles et de Bornéo, Luxembourg…), bien en dessous de la moyenne de l’Union Européenne (7,3 t/hab.) et notamment de l’Allemagne (8,9 t/hab.).
Le nucléaire est donc parfait pour produire de l’électricité propre, sûre et stable (voir notre débat de 2014), qui permettra de décarboner la mobilité urbaine : il faudra plusieurs centrales pour fournir métros, trams, voitures et bus électriques. Avec l’aide, dans la mesure de leurs faibles moyens, des éoliennes, hydroliennes et du photovoltaïque quand il sera moins polluant. Même si on arrive à limiter la consommation.
Donc OUI, le nucléaire est un excellent moyen de limiter le
réchauffement climatique !
Le nucléaire ne sauvera pas le climat !
À l’occasion de la COP21, EDF prétend que l’électricité nucléaire représenterait une solution au changement climatique. Pourtant, tel n’est pas le cas.
En premier lieu, les risques liés au nucléaire devraient interdire de le considérer comme une « solution ».
Le recours au nucléaire va de pair avec la pollution de territoires par les mines d’uranium, le rejet de substances radioactives et chimiques dans l’environnement et la production de déchets radioactifs ingérables, qui resteront dangereux pendant des périodes dépassant le temps humain.
Comme le rappelle le président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) lui-même, le risque d’accident ne peut être écarté. Par ailleurs, la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes (tempêtes, canicules, inondations) renforce la vulnérabilité des installations nucléaires.
Ensuite, la capacité du nucléaire à réduire les émissions de gaz à effet de serre reste extrêmement marginale (d’autant plus qu’elle concerne uniquement les émissions liées à l’électricité).
Tordons d’abord le cou à une idée reçue : contrairement à ce que prétend EDF, le nucléaire n’est pas « décarboné ».
L’extraction de l’uranium et la fabrication du combustible nucléaire émettent des quantités non négligeables de gaz à effet de serre. Ces émissions sont certes moins élevées que celles du charbon, mais plus importantes que celles de certaines énergies renouvelables.
Face à l’urgence climatique, pour réduire nos émissions liées aux consommations d’énergie, il est de loin plus efficace de recourir aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables, qui sont bien plus rapides et moins coûteuses à développer.
À l’inverse, le réacteur EPR en construction à Flamanville depuis 8 ans maintenant, qui coûtera au moins 10,5 milliards d’euros, fournit un bon exemple d’une technologie totalement inappropriée et qui n’est d’ailleurs plus compétitive face aux énergies renouvelables.
EDF prétend qu’il faut utiliser toutes les énergies disponibles. Mais un euro ne peut être dépensé qu’une fois, surtout en période d’austérité !
Les sommes englouties pour prolonger les centrales existantes ou construire de nouveaux réacteurs manqueront donc au financement des alternatives énergétiques, seules solutions pour lutter contre l’effet de serre.
La France, qui a surinvesti le nucléaire, continue d’émettre quatre fois trop de gaz à effet de serre. Les seuls scénarios existants qui lui permettront d’atteindre ses objectifs climatiques sont ceux qui passent par la réduction des consommations d’énergie, le développement des énergies renouvelables… et la sortie du nucléaire.