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Faut-il interdire la publicité dans l’espace public ?

📋  Le contexte  📋

La Convention citoyenne pour le climat proposait de réguler les publicités dans l’espace public pour les produits polluants. Elles sont critiquées pour pousser à la consommation via des incitations quotidiennes non-choisies. En moyenne, nous sommes exposés à plus de 2 000 publicités par jour et par individu si on compte les outils numériques et la diversification des supports publicitaires. 

Source : Convention citoyenne pour le climat

La publicité représente aujourd’hui une source de revenus non négligeable pour les municipalités. A Grenoble, la ville a dû renoncer à plus de 600 000 euros en mettant fin à son contrat avec JCDecaux. Pour la ville de Paris, les revenus publicitaires représentent 40 millions d’euros de recettes par an. De plus, d’après l’article L581-1 du Code de l’environnement, les affichages publicitaires ne peuvent être entièrement interdits car cela porterait préjudice au principe de liberté d’expression qui protège les affichages des biens commerciaux, politiques et associatifs.

En 2014, la ville de Grenoble décide de ne pas renouveler son contrat avec le groupe d’affichage urbain JCDecaux en enlevant ainsi 326 panneaux publicitaires de l’espace public pour les remplacer par des arbres. La ville de Paris a également décidé en octobre 2020 de verbaliser des régies publicitaires pour l’installation de panneaux numériques dans les vitrines des magasins. Barbara Pompili, actuelle Ministre de la transition écologique, s’est engagée en 2020 à bannir les écrans vidéo publicitaires. L’encadrement de la publicité s’est retrouvé au cœur de nombreuses campagnes municipales au cours de l’année 2020.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »

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Eric Piolle
Maire de Grenoble
Aller vers plus de sobriété et de liberté

Smartphones, télévisions, journaux, magazines, radio, réseaux sociaux, espace public, écrans derrière les vitrines des commerces… Les publicitaires utilisent chaque canal à leur disposition, chaque faille dans la règlementation pour promouvoir leur produit, leur service, pour capter la moindre fraction de notre attention.

La publicité reflète un monde passé auquel la société n’aspire plus

Ces messages sont imposés, ils génèrent une pollution visuelle dans les villes. La publicité reflète aussi un monde passé auquel la société n’aspire plus : consommation de masse, malbouffe, produits polluants, venant du bout du monde… Nos enfants n’ont pas le recul pour prendre la distance nécessaire avec le message transmis, engendrant parfois des troubles alimentaires et l’intériorisation de valeurs désuètes ou rétrogrades. Selon l’Observatoire de la publicité sexiste publié en janvier, dans 89% des campagnes publicitaires, les expert-es sont des hommes, les publicités destinées aux femmes ont massivement recours aux injonctions à la beauté, à la jeunesse et à la minceur, le code couleur rose pour les filles, bleu pour les garçons, est encore largement utilisé.

A Grenoble, nous avons fait le choix de libérer notre espace public de ces injonctions permanentes à consommer. En 2014, le contrat avec JC Decaux n’a pas été renouvelé. Nous avons donc retiré la totalité des 326 panneaux publicitaires, soit plus de 2 000 m² de publicité en moins. Cette ambition a été portée ensuite à l’échelle intercommunale, sur les abribus avec plus de 320 encarts retirés, sur les parcelles privées, avec un règlement local qui banni du territoire les 4 par 3 ou encore les publicités en toiture qui abîment nos paysages.

La publicité, c’est comme une rage de dent qui s’arrête, on l’oublie très vite ! Et dès lors que l’on se rend dans d’autres villes, on se sent agressé par ces panneaux à chaque coin de rue.

Beaucoup d’entre nous aspirent à plus de sobriété

Beaucoup d’entre nous aspirent à plus de sobriété. Aux panneaux publicitaires géants, nous préférons planter des arbres et nous réapproprier l’espace public. Aux publicités pour des multinationales privées, nous préférons promouvoir la culture, l’art, le sport, le service public grâce à un mobilier public d’information 100% locale et culturelle. Nous pensons qu’il est temps de rétablir l’équilibre avec la nature, la proximité, le vivant et la qualité de vie.

Cette réduction de l’emprise de la pub dans l’espace public fait son chemin, les villes révisent leurs règlements pour supprimer ou réduire la place de la publicité. Mais le prochain grand défi concerne désormais « l’espace public numérique », où nous flânons également chaque jour. La régulation publique face aux GAFAM est quasi-inexistante, les espaces sont saturés de publicités intrusives. Nul doute que l’arrivée de la 5G va encore renforcer cette trajectoire inquiétante. Il est important ici aussi d’agir dès maintenant, de reprendre le contrôle et d’aller vers plus de sobriété et de liberté.


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Loïc Prud’homme
Député insoumis – 3ème circonscription de la Gironde
Libérons nos rues et nos cerveaux de la publicité ! 

L’espace publicitaire public est aujourd’hui dominé par les multinationales. Leurs publicités constituent un véritable encouragement de la société de surconsommation dans laquelle nous vivons. Ces publicités font la part belle à la promotion de la malbouffe mais également des secteurs automobile, aérien et fossile. De fait, l’invasion de ces publicités dans notre quotidien ne peut qu’influencer nos choix de vie et de consommation. Le monopole des multinationales au sein de l’espace publicitaire est flagrant. En effet, alors que trois millions d’entreprises exercent en France, moins de 1% accède au marché publicitaire. Cette extrême minorité n’est évidemment pas composée des TPE ou de PME qui font la richesse du tissu productif français mais des entreprises qui promeuvent les excès de la société de surconsommation dans laquelle nous vivons actuellement.

Par ailleurs, la publicité rejette en permanence la responsabilité sur le consommateur, quand bien même celui-ci n’est qu’une victime des plus de 2000 stimuli publicitaires qu’il reçoit par jour. Le Haut Conseil de la Santé Publique a dénoncé, dès 2017, l’insuffisance des engagements volontaires des professionnels quant à leur production de publicité alimentaire. Tant que la législation restera permissive avec les multinationales, elles continueront de servir leurs intérêts : il est nécessaire de mettre en place de véritables contraintes pour les publicités dans l’espace public. C’est dans ce but que j’ai déposé à l’Assemblée nationale la proposition de loi visant à libérer l’espace public de la manipulation publicitaire.

Les effets dévastateurs de ces publicités ont d’ores et déjà été avérés. Les enfants exposés à des stimuli publicitaires concernant des produits d’alimentation ultra-transformés se révèlent plus enclins à développer de l’obésité. Cette information est d’autant plus incriminante pour l’industrie de la malbouffe que 72% des investissements publicitaires alimentaires portent sur des aliments gras, salés ou sucrés. Ainsi, il est désormais indispensable de réguler véritablement la publicité alimentaire.  

Outre la mise en danger des jeunes générations, exposées aux publicités dès leur plus jeune âge, c’est également l’environnement qui se retrouve menacé. La consommation électrique des panneaux d’affichage publicitaires constitue un véritable gouffre énergétique. Ironie du sort, les publicités qui y figurent vantent bien souvent les prouesses écologiques d’une myriade de nouveaux produits. Les nombreux milliards dépensés par les multinationales pour mettre en valeur leurs produits climaticides sont autant de moyens qu’ils n’alloueront pas à leur recherche et développement en faveur de la transition écologique. Effectuons dès aujourd’hui un virage radical et libérons nos rues et nos cerveaux de la publicité ! 

Le « Contre »

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Laurent Allias
Président de Josiane / Fondateur
Dans publicité, il y a public et cité

Depuis toujours, l’espace public est le cœur des cités, lieu de rassemblement social, politique et mercantile.

Il appartient à tout le monde et à personne à la fois. Où la culture artistique, culinaire, architecturale, populaire, publicitaire et tant d’autres s’expriment. C’est le seul lieu qui dans notre société reste un tant soit peu gratuit d’accès pour les citoyens : prenez un musée, il faut payer son droit d’accès à la culture… alors qu’une exposition urbaine, tout le monde peut s’en délecter ! C’est là qu’est toute la beauté de l’espace public, un lieu où l’expression culturelle n’a pas de prix.

C’est une expression comme une autre qui permet d’interroger, de faire naître le débat

Alors à la question « Faut-il interdire la publicité dans l’espace public » je répondrai que non puisqu’elle fait partie intégrante de notre culture. C’est une expression comme une autre qui permet d’interroger, de faire naître le débat… Enlevez-nous la culture et je vous demanderai ce qu’il nous reste !

Alors, oui, évidemment, la publicité bête et méchante, autrement dit dénuée de sens et de bon sens, nous agace tous… et moi le premier. J’entends par là la mauvaise publicité. Mais les choses s’améliorent et le secteur a entamé une vraie remise en question depuis plusieurs années, et est régulé depuis très longtemps grâce à l’ARPP, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité.

La publicité est un moteur économique et est l’un des moyens qui permet de payer les salaires, de créer du pouvoir d’achat, de financer des retraites ou des services publics

Il est très important de rappeler le rôle initial de la publicité : faire connaître un produit ou un service. Et ce sont ces produits ou ces services qui permettent de faire vivre des entreprises, qui elle-même permettent de faire vivre des millions de personnes. La publicité est un moteur économique et est l’un des moyens qui permet de payer des salaires, de créer du pouvoir d’achat, de financer des retraites ou des services publics. C’est aussi la publicité qui permet de financer d’autres espaces culturels. Seriez-vous prêts à payer pour regarder votre journal de 20h ou The Voice ?

Au-delà de cela, c’est aussi la publicité qui contribue à faire baisser la mortalité sur les routes grâce aux campagnes de prévention, c’est elle qui réussit à sensibiliser à l’importance du dépistage du cancer du sein ou qui réussit à créer de nouveaux récits pour entamer une transition écologique plus que nécessaire. La publicité ne fait pas seulement rire ou pleurer. Elle peut aussi faire passer un message, créer un moment de communication et faire grandir.

Lorsque dans publicité je vois « public » (« rendre public ») et « cité » (l’espace culturel), dans communication je vois « commun », c’est-à-dire « faire société ».


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Jacques Séguéla
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Advertising makes the planet great again

« Si la matière grise était plus rose le monde aurai moins d’idée noires » disait hier Pierre Dac. Il est plus que jamais le punch liner d’aujourd’hui.

Ne nous trompons pas de combat, ce sont les écologistes qui ont besoin de la pub pour faire aimer leur cause et non l’inverse. La pub, elle, est aux premières loges du match d’Après : Consommer moins, consommer mieux, consommer plus écologique, plus social, plus sociétal.

80% des marques XXe siècle ont disparu avec lui. 80% de celles que nous connaissons aujourd’hui disparaitront avec le nôtre. Ne survivront que celles qui sauront incarner les valeurs émergentes que cette pandémie nous a laissé en partage. La générosité, la solidarité, l’humanité, la créativité. 1 Français sur 3 attend des marques qu’elles prônent un engagement sociétal, le plus souvent axé sur l’écologie. En majorité les Millenials pensent, et ils ont raison, que les Reckit, Nestlé, Tetra Pak, Danone ou Coca-Cola qui se sont déjà engagés, contribuent à sauver la planète.  Coke soutient les Restos du Cœur, Coluche l’en remercie tout en buvant une bonne bière.

Quel bonheur : un quart des investissements marketing en France sont destinés à rendre le monde meilleur (1). Unilever lave plus vert et réduit de moitié ses emballages plastiques soit 350 000 tonnes par an. Le « Good Washing » made in USA conquiert l’Europe. Il se veut durable dans les deux sens du terme et dénonce l’hypocrisie du green watching. Au diable les lazzis, les politiciens, la réalité prouve que les marques sont entrées en guerre contre la détérioration de la planète et les Français les choisissent pour ça. Nous les voulons coach de notre quotidien, aides personnelles au vivre mieux et acteurs à part entière du changement.

Et le changement c’est ici et maintenant. A nouvelle conso nouveau produit, à nouveau mode de vie nouveaux services, à nouveaux mode d’être nouvelle créativité. Certains prétendent que le nouveau média c’est la data. Faux, le nouveau média c’est l’idée. Une data sans idée est comme un révolver sans cartouche. Tu appuies sur la détente et rien ne sort. Certes, les idées changent d’horizon. Les idées efficaces aujourd’hui sont les idées circulaires, les « buzz ideas », capables d’auto diffuser et tout autant d’inventer. Et que cet ensemble débouche sur une création plus heureuse et plus respectueuse, plus sincère et plus simple, plus ludique et plus stratégique, plus affective et plus humaine. Après le tout fric, place au tout cœur. Après le marketing passe partout le meaningfull brand. Aux marques de la perpétrer. L’avenir sera d’être hybride. Tech sans affect n’est que ruine de l’homme, pub sans humain n’est que ruine de la publicité et publicité sans idée, ruine de l’économie.

(1) : « Ne dites pas à mes filles que je suis devenu écolo elles me croient publicitaire » – Jacques Séguéla – aux éditions Coup de coeur.

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