S’informer
Se positionner
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Il est urgent de mettre en place un paquet cher neutre et traçable
Michèle Delaunay
Députée de la Gironde et Ancien-Ministre aux Personnes âgées et à l’Autonomiehttp://www.michele-delaunay.net/delaunay/category/blog
Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire que le tabac est un fléau sanitaire et financier. Personne ne peut nier les 78.000 décès par an en France (220 par jour) ; les 680.000 personnes vivant avec la maladie tabac (BPCO (Broncho Pneumopathie Chronique Obstructive), AVC (accident vasculaire cérébral) précoce, cancer…).
Personne ne peut nier non plus le coût exorbitant de la prise en charge de la maladie tabac : 25,9 milliards d’Euros par an pour les seules dépenses sanitaires.
Alors oui la lutte contre le tabagisme doit être féroce. Pour cela elle doit être protéiforme et constante.
Récemment la mise en place du paquet neutre est une bonne mesure. Insuffisante, certes, mais cela participe à la débanalisation d’un produit mortel. Vendrait-on de la mort aux rats dans de beaux paquets ?
Mais le plus important, et toutes les études convergent en ce sens, c’est l’augmentation forte des prix du tabac.
De toute les mesures c’est celle qui a le plus contribué à réduire la consommation de tabac en France. L’augmentation de 40% des prix par Jacques Chirac en 2002 a permis une réduction de 30% du tabagisme.
Mais depuis notre politique de santé publique en la matière a été trop timide. Et les chiffres sont là : depuis la consommation de tabac stagne.
Cependant, l’augmentation du prix doit être accompagnée d’autres mesures importantes :
- la mise en place d’une traçabilité libre et indépendante, pour réduire le commerce parallèle (évalué à 6% environ par les douanes françaises) ;
- la mise en place d’une action de groupe pour les victimes et les familles des victimes du tabac ;
- et enfin un engagement plus volontariste des professionnels de santé (médecin, pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmiers…) pour accompagner leur patient dans l’arrêt du tabac.
Comme députée et Présidente de l’Alliance contre le tabac, j’essaie de faire avancer ces sujets majeurs, trop pétris de lobbies et d’intérêts divers, mais dont il est urgent d’adopter pour parvenir à une France sans tabac d’ici 2025.
Le paquet de cigarettes à 10 €, symbole de l’échec d’une politique française
Le paquet neutre à 10 euros, soit l’efficacité supposée du prix venant masquer celle d’une mesure symbolique, c’est l’échec annoncé du Programme National de Réduction du Tabagisme de Marisol Touraine. C’est le triste bilan, de résultats qui s’annoncent médiocres en termes de réduction du nombre de fumeurs, de la multiplication des achats de tabac aux frontières, sur Internet ou dans la rue.
Cet échec, c’est celui de la politique française de lutte contre le tabagisme. Malgré les accumulations de mesures, notre pays reste l’un de ceux où l’on fume le plus en Europe.
Les mesures se sont accumulées oui. Elles n’ont cependant pas constitué une vraie politique inscrite dans le réel et le temps, guidée par une vision et un objectif clair. A la place, des mesures « bling-bling » spectaculaires mais inutiles. Où une fois les projecteurs des médias éloignés, il ne reste qu’une coquille vide et toujours autant de fumeurs.
Notre expérience de buralistes, comme notre responsabilité de citoyens, nous poussent à la dénoncer, cette politique qui nous mène droit dans le mur :
Les augmentations de prix ne font que faire progresser un marché parallèle de plus en florissant. De 3 % en 2003, il atteint les 26,3 % de la consommation nationale de tabac en France aujourd’hui.
Pendant ce temps-là, aucun programme ambitieux de prévention n’a été développé là où le jeune commence à connaître les premières tentations, dans les écoles, contrairement en Allemagne. Là-bas, ils ont mis en place des groupes de soutien auprès des adolescents pour les accompagner et les aider à refuser leur première cigarette. Ici, rien n’a été fait.
Pendant ce temps-là, où sont les plans d’accompagnement individuel des fumeurs adultes qui veulent arrêter ?
Ces constats amènent plusieurs demandes de la part des buralistes. Qu’on arrête cette surenchère, cette accumulation de mesures de Santé spectacle, en mettant en place un moratoire sur les prix, tant que des progrès sérieux n’ont pas été réalisés, vers une harmonisation européenne des prix. Qu’on mette le holà sur le développement du marché parallèle, par un plan national ambitieux et chiffré. Notamment avec une mesure simple : si le tabac est dangereux, que la France refuse son importation massive sur notre territoire. Qu’on s’appuie d’avantage sur les buralistes, au contact quotidien avec les fumeurs, en les plaçant comme des relais des politiques de Santé publique.
Surtout enfin, qu’on n’oublie pas de s’attaquer aux maux qui traversent notre société et favorisent les addictions. En premier lieu : le chômage. Ils sont 49 % à fumer parmi ceux qui cherchent un emploi. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.