Faut-il limiter la vitesse à 80 km/h sur les routes ?

Limitation de vitesse à 80 kmh

Numéro 1

S’informer

Comment sont fixées les limites de vitesse en France ?
Historiquement, les premières limitations de vitesse ont été fixées en 1893 en France. A l’époque, elles étaient de 12 km/h maximum à « Paris et dans les autres lieux habités » et à 20km/h sur les autres routes.

Ces limitations ont ensuite été supprimées en 1922.

Elles furent réintroduites progressivement, d’abord pour les poids lourds, puis pour les jeunes conducteurs.

Face à une forte augmentation du nombre de tués sur les routes (16 000 tués en 1972), elles ont été généralisées en 1969 en agglomération et en 1973 hors agglomération. En 1974, elles sont fixées aux limites actuelles : 130 km/h sur autoroute, 110 km/h sur les routes séparées par un terre-plein central, 90 km/h sur les routes, et 50 km/h en agglomération.

Pourquoi parle-t-on d'abaisser la limite à 80 km/h sur les routes à double sens ?
Le 11 mai 2015, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé une expérimentation qui consistera à abaisser la limite de vitesse de 90 km/h à 80 km/h sur trois tronçons de route représentant un total de 81 kilomètres. L’expérimentation devrait commencer dès l’été 2015 pour une durée de 2 ans.

Le but annoncé est de sauver des vies en réduisant le nombre d’accidents mortels. Cela fait suite à des appels du Conseil National de la Sécurité Routière (CNSR) et de plusieurs associations.

Numéro 2

Se positionner

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

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LE « POUR »

Tout savoir sur l'abaissement de la vitesse à 80 km/h

Billet rédigé par :

Jacques Robin

Ingénieur, expert en accidentologie
http://www.securite-routiere-plus.com/

On entend parfois dire que cela ne sert à rien d’abaisser la vitesse à 80 km/h car en cas de collision frontale ou contre un arbre, de toute façon, on est mort. Une telle affirmation est fausse car d’une part, l’énergie d’un choc est proportionnelle au carré de la vitesse, là on perd déjà 20% de la force du choc. Ensuite, rappelons-nous qu’en cas de collision, la partie avant de la voiture se déforme en accordéon et encaisse une partie du choc. Ce test-choc est réalisé à 60 km/h, donc à 80 km/h on est plus proche qu’à 90 de la vitesse du test-choc. Pour cette raison, le choc est encore réduit d’un tiers. Au total de ces deux constatations, il apparaît que le choc subi par les passagers est deux fois plus faible à 80 qu’à 90. Une des craintes des automobilistes est la perte de temps qu’une telle mesure entraînerait. Il faut savoir qu’en fait, l’abaissement à 80 km/h affecterait très peu la vitesse moyenne. En effet, lorsqu’on roule à 90 km/h, on rencontre de nombreux endroits où l’on doit ralentir, par exemple à 75 km/h dans les virages, ou aux carrefours, ou dans les traversées de lieux-dits, il en ressort qu’à 90, la vitesse moyenne subit une perte et se situe souvent entre 80 et 85 selon les routes. On entend beaucoup d’automobiliste dire qu’ils sont prêts à comprendre que certaines routes pourraient être limitées à 80, mais « tout de même pas les belles routes en ligne droites ». La réponse est que c’est justement dans les lignes droites que se produisent les collisions frontales les plus meurtrières. Comparons enfin la mortalité selon les pays (chiffres 2012) :

  • Dans les pays où la vitesse limite est élevée, la mortalité est forte. Par exemple, 63 tués par millions d’habitants en Autriche où la vitesse limite est 100 km/h et plus de 65 en Belgique, en Grèce, et au Portugal où la limite est 90 km/h.
  • Inversement si l’on regarde certains pays où la vitesse limite est 80 km/h ce taux est très bas : autour de 30 à 45 en Suisse, Danemark, Norvège, Pays-Bas.

Pour réduire les accidents, des aménagements sont réalisés, d’autres sont en cours, comme des doublements de chaussée, avec constitution de terre-plein central, mais cela ne supprimera en aucune manière la nécessité de limiter la vitesse à 80 sur les 400 000 autres kilomètres.

LE « CONTRE »

Abaisser la limitation de vitesse à 80 km/h : un faux débat !

Billet rédigé par :

Pierre Chasseray

Délégué général de l’association « 40 millions d’automobilistes »
http://www.40millionsdautomobilistes.com

« Que l’on nous montre une étude attestant de l’effet incontestable de la baisse de la limitation de vitesse sur les chiffres des accidents ! » Voilà la phrase prononcée par notre association « 40 millions d’automobilistes » qui provoque tant la colère des partisans (peu nombreux) d’un abaissement à tout prix, incapables de produire le moindre argumentaire crédible. Le constat européen est implacable. L’Angleterre connaît une limitation de vitesse supérieure à la France (97 km/h sur les routes) et observe beaucoup moins d’accidents que sur nos routes. Un contre-exemple ? Non ! Même constat en Allemagne. Les routes allemandes sont limitées à 100 km/h avec pour bilan 20 % d’accidents en moins que la France… Le Danemark, souvent cité comme l’un des modèles européens de sécurité routière, aurait pu servir d’exemple pour les fanatiques de l’abaissement de la limitation de vitesse. Les routes danoises étant limitées à 80 km/h, mais depuis 3 ans, le Danemark expérimente avec succès la « hausse » de la limitation de vitesse de 80 à 90 km/h ! Lorsqu’une limitation de vitesse est jugée trop basse pour les automobilistes, elle entraîne des manœuvres de dépassements dangereuses entre ceux qui respectent scrupuleusement la règle et ceux qui souhaitent rouler à une vitesse plus adaptée. Bilan : une mortalité routière à la hausse ! Au contraire, lorsque la réglementation de limitation vitesse est jugée adaptée, elle est acceptée de tous et donc respectée. Un autre élément qui permet d’affirmer que la baisse de la limitation de vitesse ne sauve pas des vies, comme par magie, c’est la notion du comportement routier. Frapper un platane à 80 km/h ou à 90 km/h ne changera en effet pas la donne. L’accident sera mortel quoi qu’il arrive. Mais la question n’est pas là. Abaisser la limitation de vitesse, ce n’est pas lutter contre la cause de l’accident ! La bonne question, c’est « Qu’est-ce qui a provoqué l’accident ? ». En France, les chiffres sont effrayants : 1 accident mortel sur 3 est la conséquence de l’alcoolémie au volant ! Dans un cas d’accident mortel sur 5, la drogue est impliquée ! Chaque année, ce sont près de 1 300 décès qui pourraient ainsi être évités en faisant preuve de pédagogie et de contrôles renforcés sur ce fléau français, qui est de prendre la route complètement ivre ou « stone » pour une minorité d’entre nous. Agissons avec pragmatisme sur toutes les véritables causes des accidents et cessons donc ce faux débat de l’abaissement de la limitation de vitesse.

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