Faut-il soumettre la SNCF à la concurrence ?

Libéralisation transport ferroviaire

Numéro 1

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Qu'est-ce que la concurrence dans les transports ferroviaires ?
Aujourd’hui nos voyages en train sont gérés par la SNCF qui détient le monopole des lignes depuis sa création. Depuis les années 90, les directives européennes en vigueur visent à instaurer un accès non discriminatoire (donc concurrentiel) aux réseaux ferrés européens. En conséquence, les activités de la SNCF ont été petit à petit soumises à la concurrence par l’Union Européenne.

Cela a commencé par la concurrence sur le transport des marchandises puis sur les trains qui font la liaison entre la France et l’étranger.

Et à l'étranger c'est pareil ?
Dans l’Union européenne, le monopole national a été aboli depuis les années 90 en Suède, Allemagne et Royaume-Uni. Le trafic ferroviaire a ainsi fortement augmenté permettant aux pays de faire des économies, notamment sur les trains régionaux grâce à des réductions de subventions des régions. En France, l’exploitation des trains régionaux est 50% plus cher qu’en Allemagne. La situation monopolistique française est ainsi de plus en plus contraignante… Et la situation des TER est souvent considérée comme mauvaise avec 1 train sur 10 en retard ou annulé (source).

Néanmoins, le bilan de la mise en concurrence est contrasté. Certains pays, comme le Royaume-Uni, souhaitent désormais la renationalisation des transports ferrés, l’ouverture à la concurrence s’étant traduit pour eux par une forte hausse des prix (source).

Pourquoi on en parle en ce moment ?
Depuis plusieurs années, de nombreuses entreprises privées de transport ferroviaire réclament la fin du monopole pour améliorer le service, notamment sur les petites lignes. Moins coûteuses que la SNCF, recourir aux entreprises privées, selon elles, pourrait faire baisser les coûts pour la région de 20%.

Pourtant, cette libéralisation ne présente pas que des avantages pour certains et pourraient poser des problèmes de sécurité sur les réseaux.  Les arguments à charge du privé dénoncent la baisse de qualification de leurs conducteurs qui sont formés moins longtemps que ceux de la SNCF au profit d’une meilleure rentabilité… ce que réfutent les intéressés.

En ce mois de septembre 2017, l’encadrement de la libéralisation du transport ferroviaire de voyageurs fait l’objet d’une proposition de loi menée par les sénateurs Hervé Maurey et Louis Nègre. Ils souhaitent une adoption de ce texte d’ici la fin de l’année…l’occasion de faire le point sur les arguments POUR et CONTRE.

Numéro 2

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LE « POUR »

Libéralisation : une chance pour le transport ferroviaire

Billet rédigé par :

Hervé MAUREY

Président de la Commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable du Sénat

L’ouverture à la concurrence des transports ferroviaires est devenue inéluctable avec l’adoption du quatrième paquet ferroviaire en décembre 2016.

Cet ensemble de textes européens prévoit que les services ferroviaires subventionnés par les autorités publiques, les TER et les TET, devront être ouverts à la concurrence dès le 3 décembre 2019.

Pour les services non conventionnés (c’est-à-dire les lignes commerciales, dont les TGV), cette libéralisation devra être prévue par la loi à partir du 1er janvier 2019, pour une application effective à partir de 2021.

Loin de considérer ce texte européen comme une contrainte, nous pensons qu’il s’agit d’une véritable opportunité pour le transport ferroviaire.

Le transport ferroviaire de voyageurs est en effet soumis à une vive concurrence des autres modes de transport, aérien et routier (covoiturage ou voiture individuelle), pour des raisons de coût comme de qualité de service.

L’ouverture à la concurrence aura un impact positif, comme les expériences étrangères l’ont montré (notamment en Allemagne) :
– en permettant à de nouvelles entreprises ferroviaires de proposer des services plus efficaces et moins chers ;
– en encourageant l’opérateur historique à améliorer sa performance.

Il est impératif de remettre l’usager au cœur du service ferroviaire. En permettant au rail de retrouver sa compétitivité par rapport aux autres modes de transport. Il s’agit, en outre, d’être cohérent avec notre engagement contre le réchauffement climatique.

C’est pour ces raisons que nous souhaitons appliquer cette ouverture dès 2019 en ne retenant pas les diverses possibilités de dérogations et de reports proposées par le paquet ferroviaire.

Les échéances européennes doivent nous inciter à nous préparer au plus vite, car une ouverture à la concurrence mal anticipée peut avoir des conséquences très négatives pour l’opérateur historique, voire pour le transport ferroviaire en général, comme on l’a observé lors de la libéralisation du fret.

C’est la raison pour laquelle je vais déposer très prochainement, avec mon collègue Louis Nègre, une proposition de loi. J’espère que le Gouvernement d’Emmanuel Macron, qui a libéralisé le transport par autocar lorsqu’il était Ministre de l’Economie, soutiendra cette initiative.

LE « CONTRE »

La privatisation des services publics n’est pas un garant protecteur de l’intérêt général

Billet rédigé par :

Fédération SUD-Rail

Syndicat de travailleurs/euses du Rail et membre de l'Union syndicale Solidaires
https://sudrail.fr/

La libéralisation du transport ferroviaire est purement idéologique mais aussi une histoire de « gros sous ».

La privatisation des services publics n’est pas un garant protecteur de l’intérêt général, mais un placement garanti des intérêts des prestataires privés pour accéder à la manne des marchés publics. La seule obligation de la commission européenne, de logique libérale, consiste à l’indépendance des deux fonctions essentielles que sont la répartition des sillons et la tarification de l’infrastructure.

En termes d’éthique et du respect de la commande publique et des procédures européennes, alors que sur demande de la France, la notion de « concurrence libre et non faussée » a été supprimée, la fédération SUD-Rail estime que cela ne pourra qu’induire des dérives et combines inadmissibles. D’ailleurs selon le Canard enchainé du 5 juillet, la SNCF aurait tenté d’échapper à ses obligations notamment par le biais de création de filiales. Comme pour la libéralisation du fret, les observateurs ne pourront pas faire mine de découvrir que « les conditions de la concurrence » ne sont pas équitables.

Pire, cette dérive libérale pourrait même consister à détourner l’argent public pour financer le privé à travers de colossales subventions publiques qui se chiffrent au niveau national à l’échelle des budgets de l’état. A terme, des milliards d’euros qui seront utilisés annuellement en toute opacité dans le but premier de générer des profits sur le dos des contribuables.

La concurrence ne fait pas baisser le prix d’un service public, chacun peut le vérifier sur sa facture d’eau ou d’électricité. Le découpage de l’entreprise historique pour prendre les morceaux de choix et générer sur le dos des concitoyens et des salariés des marges considérables sur les activités et les lignes ferroviaires les plus rentables n’améliorera pas non plus le service. La multiplication des exploitants ferroviaires augmente les coûts, désorganise la continuité du voyage en supprimant la notion de correspondance et fragilise le niveau de la sécurité des circulations.

Une dépense est positive lorsqu’elle permet d’améliorer un service public utile à tous dans une politique efficace de préservation de l’environnement. Pour la fédération SUD-Rail, seul un service public ferroviaire unifié peut permettre un droit d’accès au train égal pour tous.

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