7 infos sur… le dessin de presse

En 7 points, on vous résume (presque) tout ce qu’il y a à savoir sur le dessin de presse.

LE DÉCRYPTAGE DE L’ACTU

Chaque semaine, on essaye de comprendre pour vous un sujet qui fait l’actu, mais qui peut paraître un peu ardu…

1. Le dessin de presse, c’est quoi ?

Un dessin de presse est à la fois créatif, humoristique et informatif. Selon l’association Dessinez Créez Liberté (DCL) il « use de trouvailles graphiques et de formules décalées pour déformer, parodier, railler, ridiculiser, critiquer, dénoncer ».

Le dessin de presse est donc un genre journalistique. Le dessinateur rapporte une information, souvent d’actualité, à travers un regard critique et personnel. Par définition, ce genre porte un discours subjectif, qui amène le lecteur à se questionner sur des sujets nouveaux.

Son objectif principal n’est pas forcément de transmettre une information. Il tend plutôt à interpeller le lecteur, à lui provoquer des émotions, voire de l’inciter à réagir. 

2. Caricatura vous dites ?

Historiquement, le dessin de presse est intimement lié à la caricature. Cette dernière est issue du mot italien caricatura qui signifie « charger», « exagérer », qui a finalement été traduit par « caricature » en français. Une caricature du mot caricature en somme !

3. De l’Antiquité à la Révolution française…

Existant depuis bien des années, ce genre prend également son origine dans l’Antiquité. Dans la Rome antique, le poète Juvénal, qui se plaisait à critiquer la société romaine, peut être vu comme un précurseur satirique. D’après la DCL, « C’est de cette forme de satire qu’est né l’humour « bête et méchant » qui définira le Canard enchaîné, Hara Kiri puis Charlie Hebdo ». 

Plus tard, au Moyen Âge, il est possible de retrouver des caricatures notamment dans les miniatures. Philippe le Bel, roi de France de 1286 à 1314, était par exemple représenté en âne. La noblesse et le clergé étaient moqués à travers des dessins. Toutefois, ces derniers n’avaient pas de visées politiques, car le pouvoir n’était paradoxalement pas remis en question. 

Philippe le Bel caricaturé en âne, dans le livre de Gervais du Bus et Raoul Chaillou de Pesstain (début XIVe siècle)


Pourtant, au fil des années, ce genre est devenu un véritable moyen de critique du pouvoir, s’exprimant petit à petit sous forme de caricature politique. Au cours de différentes périodes de crises politiques et sociales en France, telles que la réforme protestante, la Révolution française, la monarchie de Juillet ou l’Affaire Dreyfus, de nombreuses caricatures ont vu le jour. Au XIXème siècle, grâce au développement de la presse, des journaux comme L’Assiette au Beurre (1901-1936) ou plus tard Hara-Kiri (1960-1989), ont donc pu publier des dessins de presse !

4.  Censuré !

Au XIXème siècle en France, il était difficile de s’exprimer librement. Malgré la création de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, la liberté d’expression n’était pas respectée. 

En effet, imposée à partir du 4 août 1835, la censure est de mise, et aucune critique envers le pouvoir ne peut et ne doit être publiée… 

Descente dans les ateliers de la liberté de la presse par Grandville, dessinateur, caricaturiste et lithographe français (1833)

Toutefois, le 29 juillet 1881, une loi sur la liberté de la presse est promulguée, permettant aux dessins de presse de se développer à nouveau !

5. On se fend la poire !

Le 14 novembre 1831, lors d’une audience à la Cour d’Assise pour défendre la liberté de la presse, Charles Philipon, dessinateur et directeur des journaux Caricatures et Charivari, décide de brandir sa caricature du roi Louis Philippe 1er. Se transformant petit à petit en poire, ce dernier est représenté comme un imbécile et donc tourné en ridicule par le caricaturiste. 

Caricature de Louis-Philipper 1er, par Charles Philippon

Caricature véritablement emblématique, elle est devenue le symbole de « la guerre Philipon contre Philippe », autrement dit, des dessinateurs, artistes et journalistes, contre le gouvernement et sa censure de la presse. Ce dessin de presse, publié dans La caricature, a poussé le gouvernement à promulguer la loi sur la censure de 1835.

Vers la fin du XIXème siècle, le terme de poire commence à désigner la « tête », la « trombine ». Repris par l’écrivain Aristide Bruant dans un article de 1901 : « j’fous mon poing sur la gueule à celui qui veut s’payer ma poire », l’expression “se payer la poire » commence à prendre forme : on s’offre le droit de se moquer d’un individu. Alors légende ou réelle explication historique ? Peut-être un peu de tout, on peut couper la poire en deux !

6. Tout est pardonné 

Le 7 janvier 2015, le journal Charlie Hebdo était victime d’une attaque terroriste, revendiquée par Al-Qaïda. Hebdomadaire satirique, ce journal publie des dessins de presses qui se moquent d’actualités, touchant notamment la politique ou les religions.  

Quelques jours après l’attentat, le 14 janvier 2015, le caricaturiste Luz, dessinait Mahomet brandissant une pancarte : « Tout est pardonné ».  Ému, il expliquait : c’est « un bonhomme qui pleure avant toute chose ». 

Dessin de presse du dessinateur et BD reporter Chappatte, publié dans le New York Times, après les attentats de Charlie Hebdo

Avec une forte portée symbolique, ce drame avait alors relancé le débat sur la liberté d’expression, et la liberté de la presse. Controversé depuis sa création, ce genre journalistique est toujours critiqué de nos jours. Pour le dessinateur Patrick Chappatte, « nés avec la démocratie, les dessins politiques sont attaqués quand la liberté l’est ».

7. Press cartoon ? No more !

Depuis le 1er juillet 2019 le New York Times, ne fait plus de dessins de presse. En avril, il avaient publié une caricature du premier Ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, qui avait été jugée antisémite. Ce dessin avait suscité de vives réactions, et le quotidien américain emblématique avait alors décidé de prendre cette décision radicale.

Caricature de Netanyahu retirée du New York Times, dessinée par António Moreira Antunes, caricaturiste politique portugais

« C’est la liberté d’opinion qui va être mise en pièces », regrette le dessinateur Plantu. Selon lui, le journal s’est écrasé face aux mouvements de contestation en provenance des réseaux sociaux. Pour Patrick Chappatte, il fallait effectivement condamner ce dessin, qui « n’aurait pas dû paraître dans le journal. C’était une erreur ». Toutefois, le dessinateur s’inquiète de l’arrêt des dessins de presse. Il soutient : « Le dessin de presse, c’est vrai que c’est compliqué à gérer, comme toute liberté, mais c’est un des symboles de la liberté d’expression. Donc quand un espace se ferme, ce n’est jamais une très bonne nouvelle ».

Anaïs Da-Rui

 

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