Faut-il continuer la procédure d’adhésion de la Turquie à l’UE ?

Numéro 1

S’informer

Qu'est ce que la politique d'élargissement ?

La politique d’élargissement de l’Union Européenne est la politique qui régit les possibilités et les procédures de l’adhésion à l’Union. Les demandes d’adhésions sont évaluées selon 4 critères, appelés les critères de Copenhague : 

  • critères politiques : État de droit, système démocratique stable et protection des minorités ;
  • critères économiques : économie de marché viable et capacité de faire face à la concurrence à l’intérieur de l’Union ;
  • assumer les obligations de l’adhésion : souscrire aux objectifs de l’union politique, économique et monétaire, reprendre l’ »acquis communautaire » (c’est-à-dire accepter et transposer dans la législation nationale l’ensemble du droit européen en vigueur).

En outre, une quatrième condition est évoquée dans les critères de Copenhague : la capacité d’absorption de l’UE. Cette condition ne dépend donc pas de l’État candidat mais de l’Union elle-même, qui doit être prête à accueillir dans de bonnes conditions un ou plusieurs nouveaux États.

Source : vie-publique.fr

Quel est le statut de la Turquie ?

Aujourd’hui, la Turquie bénéficie du statut de candidate officielle à l’adhésion à l’Union Européenne. Elle a exprimé le souhait d’une plus proche coopération avec l’UE en 1959 et elle a déposé sa demande de candidature en 1987. Sa demande a été acceptée et elle est officiellement candidate depuis 1999.

Les négociations durent depuis ce moment, mais entre 2006 et 2009, 18 sur 37 chapitres de négociations au total ont été bloqués par certains Etats membres.

Pourquoi en débat-on en ce moment ?
L’adhésion de la Turquie est remise en question depuis l’arrivée au pouvoir du président Erdogan, et plus particulièrement depuis le coup d’Etat manqué en juillet 2017, suivi par des répressions sévères et l’instauration de la loi martiale. Aujourd’hui, la Turquie est accusée de limiter la liberté d’expression, emprisonner des journalistes et bafouer les droits fondamentaux. Pourtant, elle a joué un rôle très important dans la gestion de la crise migratoire depuis 2015 et elle bénéficie des fonds européens de pré-adhésion.

Numéro 2

Se positionner

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

Quelle est votre opinion avant de lire l'article ?
LE « POUR »

Mettre fin aux négociations d’adhésion serait un premier échec de la politique européenne la plus réussie

Billet rédigé par :

Sinan Ülgen

Président exécutif de EDAM Think-tank et chercheur invité à Carnegie Europe
http://edam.org.tr/en/homepage/

Oui, certainement. Aujourd’hui il est clair que ce processus a atteint un point mort à cause des dynamique politiques en Turquie, mais également en Europe. Cependant, ce processus reste gagnant-gagnant pour les deux côtés. Il n’y a pas d’avantage réel à l’abandon de cet expérimentation historique. Mettre fin aux négociations d’adhésion serait un premier échec de ce qui est généralement considéré comme étant la politique européenne la plus réussie, à savoir la politique d’élargissement.

La dynamique d’adhésion à l’UE créerait un cycle vertueux de réformes internes

Il se peut qu’à la fin la Turquie ne devienne jamais un membre de l’UE. Néanmoins, garder la Turquie ancrée dans la voie de l’adhésion reste l’option optimale.

Dans un avenir proche, un leadership politique différent en Turquie pourrait décider de mener des réformes politiques profondes. La dynamique de l’adhésion à l’UE pourrait à ce moment créer un cercle vertueux qui pousserait à mener des réformes nationales permettant des progrès dans les négociations avec l’UE. Par le passé, l’objectif d’adhésion à l’UE a constitué un élément primordial dans les discours concernant les réformes nationales. Cela a été le cas pour la Turquie ainsi que pour de nombreux autres pays candidats dans le passé. Ce potentiel reste très concret et réel.

Compte tenu des difficultés actuelles, il est nécessaire de restructurer dès maintenant la coopération UE-Turquie dans des domaines d’intérêt mutuel tels que le commerce, les réfugiés, l’énergie, la sécurité, la lutte contre le terrorisme et la politique étrangère. Et l’efficacité de ce cadre de coopération dépendra énormément de la capacité des décideurs turcs à voir leur avenir au sein de l’UE.

Le débat sur l’adhésion de la Turquie est également une réflexion sur la manière dont l’UE conçoit son avenir dans l’ordre mondial et régional.

Aussi, si nous regardons ce débat de la perspective européenne, mettre fin aux négociations reviendrait à accepter que l’Europe n’a pas de programme de transformation ni d’ambition pour l’un de ses voisins les plus importants sur le plan stratégique. Par conséquent, le débat sur l’adhésion de la Turquie à l’Union est également une réflexion sur comment l’Union Européenne conçoit son avenir dans l’ordre mondial et régional. Pour une Union aspirant à jouer un rôle plus actif et influent sur la scène mondiale, en particulier à la lumière de l’évolution des relations avec les Etats-Unis, la volonté de retenir la Turquie bien ancrée en Europe en tant qu’un futur membre devrait être plus forte.

LE « CONTRE »

Le gouvernement turc a longtemps mis de côté ses ambitions européennes

Billet rédigé par :

Renate Sommer

Eurodéputée, Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU), Parti Populaire Européen (PPE)
http://www.europarl.europa.eu/meps/en/4282/RENATE_SOMMER/home

La Turquie a toujours été un voisin important de l’Union Européenne.

Néanmoins, une coopération proche peut être réalisée uniquement quand elle est basée sur le respect des droits de l’Homme, des libertés fondamentales, des valeurs démocratiques et de l’Etat de droit.

Le gouvernement turc a mis de côté ses ambitions européennes

Les développements des dernières années ont montré que le gouvernement turc a mis de côté ses ambitions européennes. Le rapport annuel appelé “rapport d’avancement sur la Turquie” est devenu de facto un “rapport de régression” et la Commission européenne l’a renommé “le rapport annuel sur la Turquie”. L’état de droit a été aboli, les droits de l’Homme et des minorités ont été bafoués ; les membres de l’opposition, les critiques, les journalistes et les minorités religieuses sont persécutées ; l’arbitraire et la peur règnent désormais.

Afin d’inverser la situation et pousser Ankara à respecter les droits de l’Homme, la liberté de cultes et la démocratie, le Parlement européen a demandé en juin 2017 une suspension officielle des négociations d’adhésion de la Turquie au cas où la nouvelle constitution, qui ne respecte pas les valeurs européennes fondamentales, entrait en vigueur. Depuis, celle-ci a été adoptée. Cette nouvelle constitution autorise désormais le président à gouverner par décret et à tout contrôler. La Grande Assemblée nationale de Turquie est marginalisée, tout comme la démocratie. En outre, le gouvernement turc manque de plus en plus de respect à l’intégrité territoriale et à la souveraineté des pays voisins de l’UE et n’a jamais reconnu à ce jour la République de Chypre en tant qu’État souverain et membre de l’UE.

Dans ces conditions, continuer les négociations serait une farce

Dans ces conditions, continuer les négociations d’adhésion serait une farce et n’aiderait personne. C’est pourquoi le Parlement européen demande à ce que les relations entre la Turquie et l’UE soient redéfinies en termes de partenariat. Cette future coopération devrait s’appuyer sur l’union douanière, qui revêt plus que jamais une importance capitale pour la Turquie. L’Etat est profondément endetté, l’économie turque est en chute libre, le chômage et les prix augmentent et il n’y a pas de signes d’une possible baisse d’inflation. Le pays a besoin d’argent et le président Erdogan a besoin de succès économiques pour être réélu.

L’union douanière actuelle et sa possible « modernisation », qui impliquerait l’ouverture aux produits agricoles, aux marchés publics et aux services, est vitale pour un changement politique en Turquie, car le Parlement européen y pose des conditions. Nous voulons que la Turquie respecte les valeurs essentielles de l’UE. De plus, la Turquie doit reconnaître tous nos États membres et, par conséquent, s’engager et contribuer à un règlement global de la question chypriote et respecter l’intégrité territoriale et la souveraineté de ses voisins.

Quelle est votre opinion maintenant ?
Le commentaire élu argument le plus pertinent par la communauté :
quote
Aucun argument n'est sélectionné pour le moment.
Ajoute ton argument ou vote pour le plus pertinent !


Pour aller plus loin

 

plus
Ajoutez un argument POUR
Ajoutez VOTRE argument
Ajoutez un argument CONTRE
plus

 

Si vous avez lu jusqu’ici

… c’est probablement que vous êtes sensibles au concept du Drenche, et à nos valeurs. En effet, nous souhaitons que tout le monde puisse se forger une opinion gratuitement pour que chacun ait les moyens de devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant.

Vous avez également sans douté remarqué qu’il n’y avait pas de publicité sur le site ; principalement parce qu’on trouve ça chiant d’avoir des pop-ups et des vidéos partout. Par conséquent, si vous souhaitez nous aider à garder ce site gratuit, vous pouvez nous soutenir via un don régulier !

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire