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De la nécessité économique et technique de Disney
Le 20 mars, Disney rachetait la Fox pour 52,4 milliards de dollars. Loin d’être anodin, c’est l’aboutissement par Disney d’un projet de longue date qui vise à assouvir sa soif de mainmise sur le monde cinématographique. En effet, Disney est avant tout une entreprise, qui doit rendre des comptes financiers à ses actionnaires. C’est là tout le paradoxe de Disney ; ces achats de grosses structures à tout-va, qui constituent des investissements colossaux, obligent l’entreprise à une rentabilité maximale afin de ne pas voir son modèle économique s’effondrer. Alors que la machine Marvel, si elle vient de battre tous les records, apparaît en fin de cycle, que faire du Star Wars est un exercice d’équilibriste, et alors que la firme a besoin de garanties financières, cette dernière s’oriente désormais vers un nouveau concept : le remake live-action.
Il faut essayer de leur donner de la nouveauté, ou l’illusion de celle-ci
Quel intérêt a Disney de faire cela ? La ressortie d’un film est rarement gage de réussite financière, les foules n’étant pas adeptes de payer pour voir une oeuvre qu’ils ont déjà en DVD. Il faut essayer de leur donner de la nouveauté, ou l’illusion de celle-ci. D’où l’idée d’un remake sous une autre forme ; cela permet d’exploiter le matériau d’origine pour le moderniser, où tout du moins l’acter dans une mouvance plus actuelle. Qui a dit que l’on devait se limiter à un remake plan/plan ?
Disney récite ses gammes pour parfaire son savoir-faire avant d’exploiter pleinement le live action
L’autre défi est technique ; Disney a toujours été à la pointe de la technologie en matière d’animation, en dessin ou en animation de volume. Ces remakes sont l’occasion pour Disney de mettre en avant le live-action, destiné à être l’avenir de l’animation et de la firme. C’est là les enjeux pour Disney face à un tel remake : confirmer son hégémonie technique, tout en garantissant un succès commercial qui éviterait un effondrement économique qui serait, aux vues de l’immense pouvoir de Disney à Hollywood, destructeur pour le cinéma. Si la prise de risque sera probablement minimale, c’est avant tout l’ouverture d’un nouveau cycle pour Disney ; comme les années 2000 furent un laboratoire pour la firme, avec de nombreuses expérimentations douteuses qui ont permis d’aboutir aux succès de la décennie, Le Roi Lion semble être la base de ce que l’on verra en animation dans les 20 prochaines années ; Disney récite ses gammes pour parfaire son savoir-faire sans se mettre en péril, avant sûrement, d’exploiter pleinement le live action et de nous offrir les immenses films que l’on attend d’eux.
Le Roi Lion, paroxysme du cynisme à la Disney
S’interroger sur Le Roi Lion, au-delà de sa simple prouesse technologique, c’est avant tout questionner le rapport d’une industrie hégémonique à l’Art, et les conséquences potentiellement désastreuses sur celui-ci. Disney, avec le rachat de la Fox et déjà en possession de Marvel Studios et Lucasfilms, devient en effet l’acteur principal du cinéma de divertissement de demain, et celui à même de décider de son orientation. Or, Le Roi Lion, et la “mode” du live action dans son ensemble, fait craindre la mort de l’ambition artistique dans le cinéma grand public, au profit d’un cinéma de la facilité obnubilé par son seul aspect pécuniaire.
L’animation n’a-t-elle donc pas la prétention de pouvoir être du “vrai” cinéma ?
D’une part, réactualiser un film dont la qualité principale était qu’il s’adressait à toutes les générations paraît saugrenu tant Le Roi Lion version originale conserve une cote de popularité certaine. D’autre part, cela interroge plus globalement le rapport de Disney à son propre travail, et à celui de ses talentueux techniciens, dont le travail se voit balayé sous prétexte d’une modernisation qui pose, insidieusement, une question qui fâche : l’animation n’a-t-elle donc pas la prétention de pouvoir être du “vrai” cinéma ? Par sa volonté de réalisme exacerbée, Disney semble avoir un avis tranché sur la question, dont chacun sera à même de juger de la sagacité, outre les problèmes anthropomorphiques intrinsèques.
Mais la recette fonctionne, le succès de ces live action le prouve : en basant son marché sur des films préexistants, Disney s’assure un public déjà établi, dont l’émotion logiquement suscitée ne le sera que par des atours factices, fruits d’une nostalgie certes justifiée, mais démontrant le constat d’échec d’une société au rendement colossal incapable de la moindre prise de risques et de bouleverser ses spectateurs comme l’ont fait les films dont ils ne sont que des pâles copies.
Un nivellement vers le bas commun à tout un pan du cinéma du divertissement dont Disney est le vaisseau-amiral, un cinéma du vide et de l’artificiel
Le Roi Lion n’est donc qu’un exemple parmi tant d’autres d’une ambition marketing éhontée, motivée par l’appât du gain plus que par l’ambition artistique, choisissant la solution de facilité en poussant le spectateur à retrouver ce qu’il a connu plutôt qu’à lui proposer quelque chose de nouveau. Un nivellement vers le bas commun à tout un pan du cinéma du divertissement dont Disney est le vaisseau-amiral, un cinéma du vide et de l’artificiel. La firme aux grandes oreilles semble dès lors confirmer sa volonté de sacrifier presque 100 ans d’histoire sur l’autel, avéré, de la modernité, et sur celui, plus fallacieux, de la finance.
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