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L'instauration d'une concurrence saine
Du fait du devoir de réserve lié à sa profession, l'auteur a tenu à rester strictement anonyme.
Le but affiché de la réforme est d’augmenter le nombre d’études notariales afin de pouvoir réaliser des actes moins chers avec des notaires plus disponibles. Cette réforme est engagée dans un contexte de diminution du nombre d’études, le Conseil Supérieur du Notariat ne respectant pas ses engagements visant à augmenter de manière significative le nombre de notaires sur le territoire.
Aujourd’hui, nous sommes bien loin du projet initial puisque cette réforme ne vise plus à revenir sur cette institution, dont l’efficacité et l’utilité est avérée, mais s’articule autour de deux axes : adapter le tarif, au regard des revenus importants des notaires, et permettre la liberté d’installation des notaires diplômés, en vue de favoriser la concurrence.
S’agissant du tarif, celui-ci, va être adapté pour lui permettre de se rapprocher des coûts de production, tout en conservant le principe d’un tarif redistributif. Une nouvelle grille tarifaire sera établie, avec des prix plafond et plancher, pour les actes de la vie courante et les ventes jusqu’à un certain seuil. Au delà de ce seuil, les transactions demeureront soumises au tarif proportionnel applicable actuellement. Les plus pauvres conserveront donc l’accès au service public du droit avec des tarifs moins élevés, et les jeunes notaires pourront faire jouer la concurrence pour les actes de la vie courante en adoptant le prix plancher du tarif.
S’agissant de la libre installation, le ministre souhaite permettre aux jeunes notaires de choisir entre le rachat d’une charge d’un prédécesseur (actuel droit de présentation) ou la possibilité de créer une nouvelle étude où bon leur semble. Si les notaires arguent que cela va diminuer leur rentabilité, donc augmenter le chômage, cela n’est pas justifié dans la mesure où cette liberté reste limitée par le Ministère de la Justice qui pourra, au cas par cas, refuser l’arrivée d’un nouvel entrant si cela menace la survie d’études existantes !
Cette réforme est essentielle dans la mesure où aujourd’hui le faible nombre d’études implique que les jeunes diplômés acceptent les conditions posées par les notaires associés, dans l’espoir d’accéder un jour au capital : salaires très bas au regard des associés pour un niveau d’études équivalent, délai très important avant de pouvoir être nommé notaire. Même si la compétence des notaires est reconnue, que le système fonctionne et que le niveau d’étude est élevé, rien ne permet aujourd’hui de justifier une telle différence de situation.
Cette réforme permettrait donc de créer une concurrence saine, en permettant aux jeunes de s’installer tout en sauvegardant dans le même temps la sécurité juridique et l’accès au service public du notariat pour tous les français.
Protégeons le fondement du système juridique français
Du fait du devoir de réserve lié à sa profession, l'auteur a tenu à rester strictement anonyme.
Bercy fait preuve d’une belle hypocrisie en prétendant vouloir rendre 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux français et en augmentant de manière conséquente dans le même temps les droits de mutation à titre onéreux ! Il faut savoir qu’en 2013, les « frais de notaires » ont permis à l’Etat de collecter près de 22 milliards d’euros d’impôts, sans que cette perception ne coûte un centime d’euro au contribuable français.
Si Monsieur Macron semble aujourd’hui s’être éloigné de cette voie, la réforme visait initialement à vider le métier de notaire de sa substance. Or, rappelons-le, le notariat est le fondement de notre système de droit continental, qui s’oppose au droit de common law adopté par les pays anglo-saxons. Le droit continental a l’avantage de la sécurité juridique, où le notaire occupe une place centrale, ce qui explique que les 3/4 des vingt premières économies mondiales aient opté pour lui. Ses actes sont très rarement contestés (1/1000 en France contre 1/3 dans les systèmes anglo-saxons) et il procure un conseil impartial en amont de toute contestation.
En supprimant les notaires et en les remplaçant par le tandem juges/avocats à l’anglo-saxonne, on entre alors dans une logique de capitalisation où le plus riche peut se payer les meilleurs avocats et avoir gain de cause. Au contraire, les plus pauvres ne pourront plus s’offrir les services d’un juriste de niveau bac +7 pour un coût dérisoire (aujourd’hui, le conseil est gratuit pour tous chez un notaire).
Au delà de cela, le système actuel permet l’accès au droit pour tous : d’une part, l’installation réglementée permet un maillage territorial qui évite le désert juridique et d’autre part, le tarif des actes, dont beaucoup sont passés à perte, aboutit à une redistribution. Celui qui achète un bien de grande valeur finance l’acte de tous ceux qui achètent un bien de faible valeur, qu’ils ne pourraient financer à prix coûtant. Réformer le tarif et permettre une liberté d’installation va déséquilibrer l’économie de nombreuses études, qui sont déjà en perte de rentabilité, augmenter le chômage (les notaires emploient plus de 50 000 collaborateurs) et créer un mouvement de concentration dans les grandes villes. Les notaires acceptent de revenir sur certains points, notamment afin de permettre l’installation de jeunes notaires, mais sous réserve d’une concertation avec leur Ministère de tutelle, celui de la Justice, et non avec Bercy, le droit n’étant pas une marchandise.
Porter atteinte au notariat, dans un contexte international prônant l’exportation du système juridique français, est totalement incohérent. Il s’agit d’une institution exportée avec succès dans nombre de pays tels que la Chine, la Corée du Sud ou le Vietnam. On peut certes revenir sur un système qui fonctionne et supprimer à petit feu le notariat. Mais dans ce contexte, la question serait plutôt : à qui donc profite le crime ?