S’informer
Se positionner
Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
L'encadrement des loyers, une régulation nécessaire
L’encadrement des loyers vise à instaurer un peu de régulation dans la relation entre propriétaires et locataires. Cette relation, par nature inégale, s’est dégradée depuis 30 ans. Locataires et propriétaires avaient des revenus comparables au début des années 80. Les locataires ont aujourd’hui des revenus inférieurs de 10% à ceux des propriétaires. Par ailleurs, les propriétaires ont pu bénéficier de l’effet richesse dû à la considérable revalorisation de leur logement ces 10 dernières années.
Pendant ce temps, alors que les revenus des locataires stagnaient, les loyers de marché ont augmenté de près de 50% entre 2000 et 2014 et ont considérablement accru l’effort que représente le logement dans le budget des ménages modestes. Pendant les années 2000, outre la révision annuelle des loyers, calculée réglementairement sur l’IRL (Indice de Référence des Loyers), les loyers faisaient un bond supérieur à 6% en cas de changement de locataire.
Cette dégradation des conditions locatives fait qu’être locataire ou propriétaire ne peut plus relever d’un choix personnel. Pis, le changement de logement pour les locataires a un coût très élevé résultant de l’écart de plus en plus fort entre les loyers en cours et les loyers de marché. Cela compromet leur mobilité résidentielle.
Les loyers chers entretiennent le renchérissement immobilier. Loin de profiter à l’économie, le coût exceptionnel de l’immobilier est un frein à la consommation courante des ménages modestes et détourne l’épargne des ménages aisés d’investissements plus productifs.
L’encadrement des loyers, une régulation modeste.
Contrairement aux caricatures souvent entendues, l’encadrement des loyers ne consiste pas en une fixation des prix des logements par l’Etat. Il s’agit, sur la base d’observations statistiques fines, de rapprocher les loyers de marché des loyers pratiqués dans le voisinage.
Ce rapprochement est compris dans une fourchette pouvant varier de -30% à +20% pour un même logement. Si l’observatoire détermine un loyer de voisinage de 10€ par mètre carré, un logement pourra être proposé à la location pour un loyer compris entre 7€ et 12€ par mètre carré, ce qui laisse encore une grande souplesse à la négociation.
Cet encadrement s’appliquera aux loyers en cours, ce qui permettra de rapprocher les loyers excessivement faibles ou excessivement élevés des moyennes locales.
L’encadrement ne s’appliquera pas sur tout le territoire national mais, après une expérimentation à Paris, sur le territoire de 28 métropoles identifiées comme zones tendues.
L’encadrement des loyers : ni fait, ni à faire
Le niveau de prix trop élevé des loyers à Paris est une réalité, mais cela justifiait-il de nouvelles dispositions plutôt que d’utiliser et de perfectionner les outils déjà existants ? L’encadrement des loyers est une mesure typique de la fausse bonne idée qui ne répond pas à un vrai problème.
Paris est sous tension : les loyers dans la capitale ont effectivement progressé de près de 50% en dix ans quand la flambée des prix immobiliers s’est illustrée sur la même période par un quasi triplement. Cette hausse des prix de l’immobilier est liée à la tension du marché immobilier parisien, c’est-à-dire la très forte demande de logement à Paris par rapport à l’offre de logements disponibles. Une déconnexion malheureuse liée notamment à la faiblesse de la construction neuve dans le parc privé et la faiblesse d’un parc intermédiaire qui se réduit comme une peau de chagrin, de conventionnement en conventionnement. À la hausse des loyers, il faut ajouter la hausse du niveau des charges auxquelles les bailleurs doivent faire face.
Si des mesures de contrôle du même type que celles que propose la loi Alur, ont pu être jugées efficaces dans d’autres grandes villes à l’étranger, en particulier en Allemagne, c’est dû à l’absence de tension de cet ordre sur leurs marchés immobiliers.
En fait, il aurait été préférable d’améliorer les outils déjà existants et d’explorer d’autres pistes. En effet, depuis le 1er août 2012, les loyers sont en quelque sorte déjà encadrés puisque leur augmentation, à l’arrivée d’un nouveau locataire, est limitée à l’évolution de l’indice de révision des loyers, sauf travaux réalisés par le bailleur. De plus, le dispositif prévoit qu’à la signature d’un nouveau bail, le loyer d’un logement ne puisse excéder de 20 % un loyer médian fixé par le préfet, et calculé auparavant par un observatoire local tel que l’Olap.
À l’inverse, un encadrement des loyers trop contraignant, peut amener à plusieurs effets pervers dus au découragement des propriétaires : le risque d’une baisse des investissements du bailleur dans l’entretien de son patrimoine, un ralentissement de l’effort d’adaptation des logements au Plan Climat, le risque de détournement des bailleurs privés vers des pratiques parallèles, quelques fois à la limite de la légalité, à l’image des locations de courte durée de type Airbnb qui se sont tant multipliées à Paris.
Parmi les autres mesures essentielles, il faut absolument améliorer les dispositifs fiscaux relatifs aux logements conventionnés du parc privé ainsi que ceux relatifs à l’accession à la propriété. On se souvient que le Prêt Paris Logement a vu ainsi son l’enveloppe diminuée de 9 à 7 M€ entre 2013 et 2014.
On peut aussi créer de nouveaux logements, par exemple, en transformant des bureaux en logements (4 millions de mètres carrés de bureaux disponibles en Ile de France en 2014).
Enfin et surtout, il est incohérent d’enfermer ce dispositif d’encadrement des loyers dans le stricte périmètre parisien à l’heure de la métropole du Grand Paris, alors que toute stratégie en matière de production ou location de logements, ne peut se concevoir qu’à l’échelle métropolitaine.