📋 Le contexte 📋
Le régime parlementaire prône une séparation souple des pouvoirs exécutifs et législatifs. Le gouvernement est responsable devant le Parlement et ce dernier peut être réciproquement remis en cause par le gouvernement : c’est “l’équilibre des pouvoirs”. Il est appliqué par des monarchies comme le Royaume-Uni, l’Espagne, le Japon ou la Norvège mais aussi par des républiques comme l’Inde, l’Italie, la Finlande ou l’Islande.
Le régime présidentiel fonctionne, quant à lui, selon une séparation stricte des pouvoirs qui se caractérise par un chef d’État fort et stable, une absence de la motion de censure par le Parlement et du pouvoir de dissolution par le gouvernement. Les États-Unis en sont le meilleur exemple.
La notion de « régime semi-présidentiel » pour qualifier la France a été théorisée en 1970 par le juriste Maurice Duverger.
Le régime semi-présidentiel peut se définir par :
- un chef d’État élu au suffrage universel direct et ayant des prérogatives propres
- un gouvernement responsable devant le parlement.
Ce mode de gouvernement emprunte des caractéristiques mixtes des régimes parlementaires et présidentiels.
Le 23 octobre 2019, l’ancien président François Hollande sortait son livre Répondre à la crise démocratique.
Dans cet ouvrage, il plaide notamment pour un « véritable régime présidentiel » qui supprimerait le poste de Premier ministre et installerait le chef d’Etat pour un sextennat (un mandat de six ans). Une “Ve République bis”, en somme.
Par ce régime “à l’américaine”, l’ex-président souhaite donner plus de poids au Parlement qui, selon lui, n’a aujourd’hui qu’une autorité réduite sur l’exécutif.
🕵 Le débat des experts 🕵
Après une période trouble liée à la décolonisation et à la valse perpétuelle des gouvernements, la Vème République a rendu à nos institutions une stabilité précieuse, apte à survivre aux grands mouvements sociaux comme mai 68 tout en permettant l’alternance politique à partir de 1981, y compris en période de cohabitation.
Remédier à l’obsolescence de la Ve République
Mais disons-le franchement : nos institutions sont à bout de souffle. Scrutin après scrutin, les Français se désintéressent des élections et la seule qui les intéresse encore – celle du Président de la République – menace désormais de fragiliser le pacte Républicain. Depuis le quinquennat, tout pouvoir découle de l’élection du Président. Est-il sain dans une démocratie que toute question sociale, économique ou environnementale remonte à un seul homme ? Doit-on se résigner à voir depuis 1981 se succéder des alternances tous les cinq ans ? Doit-on cautionner l’hypocrisie d’un gouvernement censé « déterminer et conduire la politique de la Nation » ? Pire encore, allons-nous accepter encore longtemps l’impuissance d’un Parlement devenu chambre d’enregistrement des décisions élyséennes ? La stabilité de nos institutions est-elle à ce prix ?
L’Exécutif a besoin d’une figure d’autorité
Je crois que nous pouvons faire autrement. Mieux, nous le devons avant qu’elles soient renversées par la colère voire la violence. Militant de gauche, j’ai longtemps plaidé pour un régime parlementaire à l’Allemande dans lequel le gouvernement procède des élections législatives avec à sa tête un Premier Ministre exerçant pleinement son rôle de chef de l’État et un Président de la République n’étant appelé à jouer un rôle qu’en cas de circonstances graves pour la nation.
Aujourd’hui je n’y crois plus. Non pas que je trouve soudain ce modèle inefficace, mais je crois les Français trop attachés à l’élection directe du chef de l’État au suffrage universel pour accepter de se dessaisir de ce pouvoir démocratique élémentaire, dans un contexte où ils ont déjà l’impression de ne plus être maître de leur destin du fait de la construction européenne ou de la puissance inédite de certaines multinationales.
La culture de compromis, une nécessité !
Soyons honnête, jusqu’à ce que François Hollande en fasse la proposition, je n’avais jamais songé à l’hypothèse d’un régime présidentiel à l’américaine en France. Quels en sont les avantages ? Il clarifie tout d’abord le pouvoir exécutif avec un Gouvernement directement dirigé par le Président. Il apporte un équilibre entre celui-ci et le Parlement. Le Président ne peut dissoudre le Parlement et ce dernier ne peut renverser le Gouvernement. En distinguant leurs mandats – 6 ans pour le Président, 4 pour le Parlement- il offre une respiration démocratique plus fréquente. Enfin, en cas de divergences politiques entre l’exécutif et le Parlement, il oblige à entrer dans une culture du compromis qui n’a pas empêché B.Obama de gouverner mais qui permet de résister à certaines dérives de D.Trump. De l’audace, citoyens !
Trois régimes démocratiques
Dans la typologie classique des systèmes politiques, il est admis, depuis Maurice Duverger, de distinguer trois catégories de démocratie : la démocratie présidentielle, la démocratie parlementaire et la démocratie semi-présidentielle. La première donne à un président de la République élu au suffrage universel le pouvoir de déterminer la politique du pays et à une assemblée également élue au suffrage universel le monopole du pouvoir législatif sans que le président puisse dissoudre l’assemblée et sans que cette dernière puisse renverser le gouvernement présidentiel ; la deuxième donne le pouvoir politique à un premier ministre appuyé sur la confiance des députés qui peuvent donc le renverser mais dont l’assemblée peut être dissoute en cas de désaccord ; la troisième partage le pouvoir entre un président élu par le peuple et un premier ministre responsable devant l’Assemblée nationale, l’équilibre entre les deux têtes de l’Exécutif dépendant de la concordance ou non des majorités présidentielle et parlementaire.
Le régime présidentiel est inapplicable en France
Aujourd’hui François Hollande propose de passer à un régime présidentiel. Pour que ce système fonctionne, il faut trois conditions : une culture du compromis, une organisation fédérale de l’État et une Cour suprême indépendante. La France ne remplit aucune de ces conditions. Et même aux États-Unis, il fonctionne de « manière cahin-caha » comme disait le général de Gaulle. La France a expérimenté le régime présidentiel avec la constitution de 1848 qui séparait un président élu par le peuple et une assemblée également élue par le peuple ; le conflit entre le président – Louis Napoléon Bonaparte – et l’assemblée monarchiste se termina par le coup d’État du 2 décembre 1851 !
Le danger d’une Assemblée toute-puissante
Danger donc d’autant que François Hollande propose que le président soit élu pour six ans et les députés pour quatre ans. Ce qui veut dire que le peuple peut envoyer au cours du mandat présidentiel une majorité parlementaire hostile au président. Qui ne pourra rien faire puisque les députés ont la maîtrise totale du pouvoir législatif et qu’il n’aura plus le droit de dissoudre l’assemblée. Il ne gouvernera donc ni six ans ni cinq ans mais au mieux quatre ans !
Mettre fin à la dyarchie
Toutefois, il faut bien mettre fin à la dyarchie. Comment ? En prévoyant que le conseil des ministres soit présidé par le premier ministre et se tienne à Matignon. Mis hors du lieu où se détermine chaque semaine la politique du pays, le président glissera progressivement vers une magistrature morale assurant la stabilité des institutions. Inutile pour cela de supprimer l’élection populaire du président de la République : au Portugal, en Finlande, en Irlande, en Roumanie, en Pologne, en Autriche, l’élection présidentielle n’a pas produit la primauté présidentielle, De là, il deviendra possible de reconstruire un système constitutionnel fondé sur un contrat de législature liant responsabilité gouvernementale et dissolution, sur une Cour constitutionnelle recomposée, sur un Conseil supérieur de la Justice remplaçant le ministère de la Justice et sur une Assemblée sociale délibérative remplaçant le Conseil économique, social et environnemental.