📋 Le contexte 📋
Google News ou “Google Actualités” est un service de référencement en ligne gratuit assuré par la firme étatsunienne Google.
Créée en 2002, cette plate-forme affiche de façon automatisée des informations provenant de médias web. Elle fonctionne de la même manière qu’un moteur de recherche mais n’indexe que des articles de presse.
Google Actualités est aujourd’hui disponible dans 22 pays à travers le monde.
Le droit d’auteur protège les auteurs et leurs productions. Il est régi par le Code de la propriété intellectuelle.
Créé par une loi de 1985, le droit voisin est une extension du droit d’auteur. Il s’applique “à des personnes physiques ou morales (entreprises, associations…) qui ont participé à la création d’une œuvre mais n’en sont pas les auteurs premiers.” C’est le cas des artistes interprètes, par exemple.
D’abord circonscrit au milieu artistique (musique, cinéma, littérature,…), le droit voisin a fait son entrée dans le domaine des médias. En effet, les éditeurs de presse désirent acquérir le droit de négocier avec des plateformes comme Google, Facebook ou Twitter une rémunération pour l’utilisation de snippets (extraits des contenus -titre, début du texte d’un article, aperçu vidéo…)
Source : Le Monde
Le 23 mars 2019, une directive européenne sur le droit d’auteur est adoptée au Parlement et inscrit pour la première fois le droit voisin pour la presse (article 15).
Le 24 juillet 2019, suite à la proposition de loi du sénateur David Assouline, la France devient le premier pays à transposer le droit voisin dans sa législation.
Or en septembre 2019, Google déclare refuser de rémunérer les éditeurs de presse en décidant de ne plus afficher les « snippets » dans les résultats de Google Actualités, sauf si les éditeurs l’autorisent à le faire gratuitement.
Source : FranceInfo
🕵 Le débat des experts 🕵
La presse telle que nous la connaissons est en déclin continu, elle a perdu 40% de ces ventes en dix ans, son chiffre d’affaire baisse de 4,5% par an. Les conséquences sont immédiates : la couverture des grands évènements qui nécessitent moyens et sécurité est moindre, les équipes rédactionnelles fondent : la chaîne de production professionnelle de l’information est en danger.
C’est l’effet du basculement vers le numérique, qui pourtant rend l’information journalistique plus nécessaire que jamais face aux infox. Mais ce basculement n’a pas tenu ses promesses, la valeur qui y est dégagée n’est pas correctement répartie. Le constat est limpide : sur un marché publicitaire estimé en France à 3,5 milliards d’euros, les seuls Google et Facebook en récupèrent 2,4 milliards, et les éditeurs moins de 13%. Les GAFAM profitent du flux des internautes qui cherchent de l’information en utilisant l’information produite par les éditeurs et les agences de presse, sans les rémunérer. C’est une entorse à nos principes protecteurs de la juste rétribution du travail journalistique, garant de la vitalité du débat démocratique.
Il n’est pas souhaitable de laisser la destinée de notre presse au bon vouloir de grands groupes internationaux
D’ailleurs cette question de captation du revenu, personne ne la conteste : Facebook et Google sont les premiers à l’accréditer puisqu’ils sont prêts à alimenter un fond d’aide à la presse, créer des services sur mesure, pourvu qu’une loi ne les contraignent pas.
Mais il serait inacceptable de laisser la destinée de notre presse au bon vouloir de grands groupes internationaux, ce serait achever son indépendance et par cette occasion la relation de confiance entre la presse et les citoyens.
Le droit voisin pour les éditeurs de presse : une loi juste
Voilà pourquoi depuis 2016 j’ai proposé de légiférer, c’est aussi la raison des votes à l’unanimité du Parlement Français : ce qui est extrêmement rare pour une loi issue de l’opposition. Et c’est désormais ainsi que ce combat se comprend : des groupes veulent imposer leur puissance à un parlement, qui ne fait que légiférer sur des activités se déroulant sur son territoire.
Nos assemblées ont toujours eu à cœur de protéger les journalistes et photographes, quelque soit les médias utilisés : il serait impensable de faire une entorse pour le numérique. En ce sens nier l’esprit d’une directive européenne et de ma loi, comme le font Google et Facebook, revient à s’attaquer à notre souveraineté et à nos traditions démocratiques : ne pas voir l’économie attenter à la liberté de la presse nécessaire à notre démocratie.
Lorsque vous faites une requête sur le moteur de recherche de Google, nous affichons des milliers, parfois des millions, de pages Web contenant des informations utiles. Lorsque votre recherche porte sur l’actualité, les résultats proposés peuvent provenir de pages de grands médias traditionnels ou d’un nouveau média en ligne, d’un site d’informations locales ou d’un petit éditeur spécialisé dans la santé, l’alimentation ou encore la mode. Notre travail consiste à les trier et à vous présenter les informations les plus pertinentes.
Rémunérer les médias entraînerait une perte de confiance des internautes
Nous sommes conscients qu’Internet a changé la façon de trouver et d’accéder à ces informations mais, pour conserver la confiance des internautes, les résultats de recherche doivent être déterminés en fonction de leur pertinence et non par des accords commerciaux.
C’est pourquoi nous n’acceptons pas de rémunération pour inclure un résultat dans notre moteur, et à l’inverse, nous ne payons pas les éditeurs lorsque les internautes cliquent sur leurs liens : tout autre mode de fonctionnement entraînerait une perte de confiance dans nos services.
Nous soutenons le journalisme en lui donnant de l’exposition
Néanmoins, l’industrie des médias est essentielle à la santé de nos sociétés occidentales et nous sommes déterminés à jouer notre rôle pour assurer un avenir prospère et durable aux informations de qualité.
C’est pourquoi nous travaillons en étroite collaboration avec le secteur des médias pour créer de la valeur pour les éditeurs de presse et les journalistes du monde entier.
Rien qu’en Europe, Google est à l’origine de plus de 8 milliards de visites par mois sur les sites des éditeurs de presse, ce qui représente plus de 3 000 visites chaque seconde. Les éditeurs peuvent ainsi attirer un nouveau public et augmenter leur chiffre d’affaires au moyen de la publicité et des abonnements. Le cabinet d’études Deloitte a estimé que chaque clic renvoyé par Google vers les sites des grands éditeurs de presse représentait un potentiel de revenus supplémentaires compris entre 4 et 6 centimes d’euro.
Nous investissons 300 millions de dollars sur trois ans dans la Google News Initiative. Ce programme aide les éditeurs à développer de nouvelles sources de revenus et à explorer de nouvelles manières innovantes de présenter l’information. Cela englobe notamment des centaines de projets destinés à favoriser la vérification des informations, à mieux décrypter les médias et à délivrer près de 300 000 formations à des journalistes en Europe.
Nous restons fidèles à la volonté première des créateurs de Google, Sergey Brin et Larry Page : organiser l’information et la rendre universellement accessible à tous, gratuitement.
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Le point de vue que j’exprime dans les lignes qui suivent est purement juridique (je ne suis pas représentante de Google).
Un droit voisin rejeté par Google
En réaction à l’adoption de la loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des éditeurs de presse, Google a annoncé qu’il refusait de rémunérer ces derniers. La loi transpose en droit français l’article 15 de la directive de l’Union européenne du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique, texte qui avait fait l’objet d’un intense lobbying de la part des éditeurs de presse comme des Géants de l’internet (Google et Facebook en tête).
Pour les tenants de ce nouveau voisin du droit d’auteur, Google, comme d’autres agrégateurs de contenus, capterait la valeur des publications de presse avec ses services Google News et Google Search et une partie des recettes publicitaires en ligne. Consacré au niveau de l’Union européenne, ce droit voisin devait permettre aux éditeurs d’être en position de force pour négocier des licences d’utilisation.
Mais plutôt que de négocier avec eux et les rémunérer, Google a décidé de modifier ses résultats de recherche en France : pour ceux qui ne renoncent pas à leur droit voisin, Google se contentera de référencer les titres des articles sous la forme d’hyperliens, sans les premières lignes des articles et sans les photos accompagnant souvent ces aperçus.
La loi n’impose pas à Google l’obligation de rémunérer les éditeurs de presse
La directive de l’Union européenne d’avril 2019 et la loi française du 24 juillet le permettent. Ces textes prévoient en effet que les liens hypertextes et courts extraits échappent au droit exclusif des éditeurs. En outre, le législateur a fait le choix de laisser ces derniers libres de s’organiser comme ils le souhaitent.
Rien dans la loi ne les empêchent de renoncer à leur droit voisin en consentant des licences gratuites, notamment s’ils jugent que le trafic généré par le moteur de recherche vers leur site web leur est profitable. La loi n’impose donc pas à Google l’obligation de rémunérer les éditeurs de presse. C’est la liberté contractuelle qui prévaut.
Une rémunération possible grâce à la « taxe GAFA » ?
Google ne devrait en revanche pas pouvoir échapper au paiement de la « taxe Gafa » créée par une autre loi du 24 juillet 2019 et correspondant à 3% du chiffre d’affaires lié à certaines activités numériques réalisé en France comme la publicité ciblée en ligne et la vente des données personnelles à des fins publicitaires.
Mais il s’agit d’une taxe et le législateur n’a pas choisi de l’affecter à un fonds en faveur de la presse.