📋 Le contexte 📋
La colonisation est un processus de conquête et d’expansion territoriale. On distingue deux vagues principales de colonisation par les Européens. La première, principalement du fait de l’Espagne et du Portugal, du XVIe au XIXe siècle, la seconde tout au long des XIXe et XXe siècles par tous les pays européens ainsi que le Japon et les États-Unis. Ces deux vagues ont en commun une exploitation des peuples et territoires conquis, au profit d’un enrichissement de la métropole et de certains colons. Les colons imposent également leur culture et leur religion aux peuples soumis, la France allant jusqu’à se voir investie d’une « mission civilisatrice ».
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Suite à la guerre de Sept Ans, la France perdit la majorité de ses colonies en Amérique (Québec) et en Inde. Cependant, à partir du XIXe siècle, elle forma un empire colonial immense, de la Polynésie à l’Indochine, de Madagascar au Maroc, de Pondichéry à la Guyane. Ces vastes territoires sont conquis par la force des armes, entraînant de multiples exactions, mais aussi des tensions avec les autres nations européennes. Aujourd’hui encore, le débat fait rage quant au bilan de la colonisation, tandis que ni en France, ni dans ses anciennes colonies, la question de la mémoire est définitivement réglée.
Depuis de nombreuses années, certains pays, associations ou individus réclament des excuses à la France pour la colonisation. Justice pour certains, insupportables anachronisme et instrumentalisation pour d’autres, la question est loin d’être réglée. Le manque d’enseignement à l’école sur cette période ne contribue pas à apaiser le débat sur un passé récent, blessure douloureuse et symbole historique instrumentalisé par tous les bords politiques.
🕵 Le débat des experts 🕵
« Le passé n’est pas mort. Ce n’est même pas le passé. » Le passé colonial de la France n’est pas la distante mémoire que l’on prétend. Le projet colonial a engendré la hiérarchie géopolitique et le racisme systémique qui sont toujours sources de conflits aujourd’hui. Et l’identité française s’enracine dans la tradition des grands-pères héroïques, des grands-mères intrépides, et de la fierté nationale de répandre la culture et la tradition depuis la Gaule. En France, certains grands-pères adulés sont impliqués dans des crimes coloniaux, pillages, vols, viols et meurtres. Certains grands-pères révérés ont développé des relations financières opportunistes avec d’anciennes colonies, abusant même d’arguments d’investissements publics pour forcer le remboursement d’infrastructures bénéficiant au projet colonial. Et certains grands-pères honorés ont été colonisés, réduits en esclavage ou dépouillés de leur fortune par le projet colonial. Une excuse est un engagement envers la vérité.
Aujourd’hui, le roman national français n’est que le domaine exclusif d’une population homogène qui recontextualise les crimes du passé pour whitewash les crimes de leurs parents. Au contraire, la diversité française nous oblige à la redéfinition de l’identité française. Avec d’autres, la France a créé le suprémacisme blanc, qui nourrit le racisme anti-noir, et la violation systématique des droits de l’Homme, mais aujourd’hui la France déborde également de magnifiques et complexes célébrations des races et cultures. Des compréhensions raciales qui dépassent l’effacement existent partout. Mais seulement une excuse peut reconnaître la contribution des personnes d’ascendance africaine, particulièrement au vu de leur expérience de pillage durant le colonialisme. En plus de l’exploitation systématique de la terre, du travail, des corps et des intellects, le projet colonial a interrompu les projets individuels et collectifs. La culture locale a été déchue, et beaucoup parmi les élites nationales ont intégré qu’excellence rimait avec obéissance au projet colonial. Pour le dire simplement, les Français ont dépouillé le Wakanda. Et pourtant, partout, les architectes de ces atrocités et de ce terrible vol de culture sont commémorés dans les monuments et les mentalités.
En vérité, la France devrait s’excuser pour son passé colonial qui hante tous les individus qu’il touche. Elle devrait commencer un exercice de vérité et de réconciliation, examinant l’héritage du projet colonial et le terrible vol culturel. La France devrait reconsidérer comment ses symboles et monuments coloniaux valorisent les atrocités, systématisent le racisme anti-noir, et dévaluent les contributions des individus d’ascendance africaine à la société et à l’identité française. La France doit également analyser comment sa propre richesse et stabilité sont directement reliées à l’instabilité et l’exploitation de ses anciennes colonies. Ce sont des étapes nécessaires dans la renégociation de l’identité à la lumière de la vérité, de reconnaître les bienfaits de la diversité, de la grâce et de la tolérance, et de réconcilier l’identité française avec sa réalité. Tout commence avec des excuses.
La question est lancinante, elle revient désormais sur le devant de la scène avec violence dans le monde entier… En France, les grands personnages sont pris pour cible : c’est Colbert et le Code noir, c’est le gouvernement algérien qui demande des excuses à notre pays. On vandalise les statues et on insulte les morts.
« Le pire crime en histoire, écrivait Marc Bloch, c’est l’anachronisme ». Nous y sommes. Comment peut-on juger l’Histoire, plusieurs siècles après, avec notre regard d’aujourd’hui. L’Histoire est un bloc, tout en nuances, elle ne se fragmente, ni se divise. Comme tout pays, nous avons eu des périodes glorieuses et plus sombres, comme les hommes qui l’ont forgé, avec leurs forces, leurs faiblesses, fruits eux-mêmes de notre histoire. Il ne s’agit pas de nier ce qui s’est passé, même si certains actes du colonialisme nous paraissent inacceptables (pensons au colonialisme raciste de Jules Ferry) mais pas question de s’en excuser. Autres temps, autres mœurs. Qui sommes-nous pour juger nos ancêtres ?
Arrêtons-nous sur l’Algérie. Si nous devions nous excuser de notre passé colonial, ne devrions-nous pas obtenir les excuses de l’Algérie pour avoir pratiqué l’esclavage sur des millions d’européens ? Ne devrions-nous pas demander des excuses aux descendants des Vikings, Hongrois, Huns qui envahirent notre territoire, aux Sarazins pour leurs razzias durant des siècles ? Que dire des Francs, Wisigoths, Ostrogoths, etc… et mêmes des celtes ? Et de l’Empire Romain ?
Tout pays a un jour été ou colonisateur ou colonisé. L’Algérie était colonie des Ottomans avant que la France n’intervienne pour faire cesser l’esclavage et la piraterie. Une terre jadis envahie par les Vandales et les Alains après la colonisation romaine. Pourquoi ne demandent-ils pas réparation à ceux-ci et se limitent-ils aux Français ? N’oublions jamais, une vision binaire est avant tout une insulte à l’intelligence. Ceux qui la propagent instrumentalisent l’inculture, l’émotion. Ce qui nous guette dans ce vaste mouvement mondial, c’est une « réécriture » de l’Histoire. Ou sa destruction.
Curieusement, le Vietnam ne réclame rien. Le Maroc, la Tunisie, le Cambodge, le Sénégal et d’autres se tournent assurément vers l’avenir, sans chercher de responsabilités dans le passé. Seule l’Algérie n’assume pas depuis près de 70 ans et accuse toujours la France.
Montalembert nous disait le 21 août 1863 : « Pour juger du passé, il aurait fallu y vivre ; pour le condamner, il faudrait ne rien lui devoir ».