Pétain est-il coupable ?

Numéro 1

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Qui était Philippe Pétain ? Qu'a-t-il fait ?

Philippe Pétain (1856 – 1951), plus communément appelé le maréchal Pétain, est un militaire et un homme politique français.

Sans rentrer dans les détails, qui appartiennent à l’histoire et que la plupart de nos lecteurs connaissent, Philippe Pétain reste connu pour son rôle dans les deux guerres mondiales.

Général de division lors de la première guerre mondiale (1914-1918), il est l’un des 8 commandants de l’armée française à la bataille Verdun sous les ordres du maréchal Joffre. Il tirera de cette période le surnom de « Vainqueur de Verdun ».

Lors de la seconde guerre mondiale, il est investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée Nationale en juillet 1940, après avoir signé l’armistice de juin 1940 avec les Allemands d’Adolf Hitler. « Chef de l’Etat Français » il mène à Vichy un gouvernement de collaboration avec les Allemands jusqu’en 1944.

A la libération, le général de Gaulle déclare le régime de Vichy « illégitime, nul et non avenu ».

A-t-il été jugé ? Quel fut le verdict ?

En juillet 1945, Philippe Pétain est jugé par la Haute Cour de Justice pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison.

Le verdict le frappe d’indignité nationale et le condamne à la confiscation de ses biens et à la peine de mort. Cette peine a été commuée par le Général de Gaulle en prison à perpétuité.

Philippe Pétain meurt en détention en 1951.

Qui est la Fédération française de débat et d'éloquence ?

La Fédération Française de Débat et d’Eloquence (FFDE) est une ONG apolitique, areligieuse et asyndicale, dont l’objet social est d’assurer la promotion de la langue et de la culture françaises à travers la pratique du débat et des arts oratoires.

Tous les ans, elle organise le procès historique d’un homme du passé, rejugé pour l’occasion.

Numéro 2

Se positionner

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.

Avant le procès, vous pensez que
LE « POUR »

La Défense

Billet rédigé par :

Lorraine Thouéry

Etudiante en droit et sciences criminelles à Assas

Monsieur le président, Membres du Tribunal

Madame, mes condoléances

Il faut que je le confesse, j’ai parfois l’insolence d’espérer et celle, encore plus grande de réfléchir …

Péché que je partage avec la défense, mais dont manifestement la très dévote accusation est épargnée.

Nous aimions ainsi à penser que la souffrance commune de ces dernières années, nous ouvrirait les yeux, nous rendrait plus nobles, plus forts,…. plus justes peut être….

Qu’après les matins épileptiques de l’expiation sélective, une aube nouvelle s’offrirait à nos visages éblouis…. et que dans la clarté d’un jour nouveau la Nation une nouvelle fois se dresserait… réconciliée…

Nous, nous sommes trompés……. lourdement trompés.

Parce qu’aujourd’hui sur le banc des accusés, seul reste Philippe Pétain, collaborateur, devant être condamné à la confiscation de ses biens, traître à sa patrie, devant être condamné à mort…. Maréchal de France, devant subir l’indignité nationale.

Pour de telles réquisitions encore eut il fallu que l’on puisse encore parler de Nation, et que cette dernière eut encore une dignité.

Or la nation est morte avec l’épuration, quant à la dignité, à voir la justice que l’on nous propose, elle n’est plus que lambeaux.

Ce soir nous faisons face à l’enfant terrible né du lit de la guerre et de l’avidité : la justice politique.

Quand celle que nous connaissions jadis n’aurait souffert aucun qualificatif  qui put venir souiller sa vertu, celle qu’on nous impose aujourd’hui porte fièrement sa bâtardise, comme l’étendard de la raison d’Etat….

Ou plutôt de la nouvelle raison d’Etat,  celle d’un homme que la pudeur, où la censure, allez savoir, m’oblige à ne pas citer.

Un homme dont la caractéristique principale est, outre la grande taille, le fait d’avoir, en 1940, été condamné par contumace sur les mêmes fondements que ceux qui appellent jugement aujourd’hui, exception faite que lui avait réellement quitté la patrie bien qu’il eut parfois daigné s’y adresser à travers la voix crachotante d’une radio anglaise.

Un homme aujourd’hui à la tête d’un gouvernement de fait n’ayant pas encore reçu le sacre populaire. Un homme terriblement pressé donc, de voir sa sentence annulée pour illégitimité de l’autorité l’ayant prononcé.

Pour qu’un nouveau gouvernement naisse, il faut que l’ancien meure sous le glaive du jugement.

Voilà donc de quel type de justice l’Etat français a avorté après la libération. Et voilà donc, pour reprendre le constat du Président Truman , «  à quels français dissidents a été abandonné le Maréchal Pétain ».

Etes vous des dissidents ? des ingrats ? ou même des lâches ?

De lâches, car si ce soir Philippe Pétain est seul sur la sellette… c’est parce qu’avant de l’y placé nous avons oublié de nous juger nous même.

Oublié de juger notre ambiguïté, nos humaines craintes et nos vaines aspirations à l’héroïsme.

Oublié qu’un jour nous aussi nous avons eu peur, et que nous avons alors refusé de faire passer la morale avant la vie.

Il est là le point de jugement ce soir, on souhaite juger Pétain pour n’avoir pas agit à l’image de ceux à qui, aujourd’hui, on octroie le monopole de la résistance.

On juge car cette résistance là avait choisi de faire passer la morale avant les vies humaines, concession à laquelle le Maréchal s’est toujours refusé.

Parce qu’en tant que militaire il connaissait le prix de chaque homme et celui des larmes de chaque veuve.

J’ai entendu dire que toute la France avait résisté, peut être… Mais ce qui est certain est que toute la France a tremblé d’effroi en se remémorant les charniers débordant des corps de ses enfants.

Ce qui est certain, est que lorsqu’il fallut choisir entre le chaos et la raison, Philippe Pétain fut appelé.

Personne ne peut être blâmé d’avoir choisi la préservation…. Personne ne peut être accusé de ne pas avoir été le soldat de la morale, de la liberté ou du courage… car sans être tout cela on a pu être, beaucoup plus humblement, le soldat de la vie qui continue.

Le procès de ce soir est il celui de la vérité, celui de l’explication ? Ou, comme nous avons eu la naïveté de le croire, celui de la réconciliation ?

Non, vous le savez, il n’est, ni plus ni moins qu’un purgatoire.

Dans ce lieu dont l’évocation fait déjà trembler quelques bourgeoises dans le fond de la salle, un seul portera les péchés de tous, nous étoufferons en lui toute notre prétendue bassesse, et nous rayerons son nom des livres d’histoire où il avait pourtant sa place.

Bientôt la seconde guerre deviendra le lieu du silence absolu, de ceux que vous ne pourrez  briser sans être accusé à votre tour.

Alors on nous tire par la manche, on nous dit « Voyez comme dans les rues l’opinion publique se déchaîne, voyez comme elle crie justice ! »

Je vois surtout qu’une fois de plus, on fait rentrer une catin par la grande porte. Toute couverte des fars de la déraison populaire, elle est l’accusatrice qui pointe du doigt pour faire oublier ses propres vices.

Elle est celle qui se réfugie dans l’illusion manichéenne qu’il a existé la France et qu’il a existé Vichy, celle qui cherche en Pétain le bouc émissaire dont elle ne peut se passer tant elle est faible.

Ne faites pas à l’histoire l’ironie qu’à l’affaire Dreyfus succède l’affaire Pétain et prenez toute la mesure de votre jugement, ne donnez pas au mensonge le visage grimaçant d’une Vérité despotique.

Si vous condamnez le Maréchal ce soir, les menaces d’aujourd’hui seront les regrets de demain.

 

LE « CONTRE »

L'Accusation

Billet rédigé par :

Tanguy Albertini

Etudiant en droit à Assas

 

Mesdames et messieurs les membres du jury, chère assemblée,

Avant de commencer mon réquisitoire, j’aimerai revenir sur les propos tenus par Mlle Thouéry.

Ne pas juger Philippe Pétain c’est décider de ne pas juger le régime qu’il a instauré, le régime qu’il a dirigé.

Ne pas juger Philippe Pétain c’est décider ne pas juger tous les actes de collaboration qui ont été commis en son nom, c’est fermer les yeux sur la politique de collaboration qu’il a menée. L’acquitter, c’est acquitter tous ceux, qui agirent sous ses ordres, sous son autorité.

Cette politique de collaboration commença le 24 octobre 1940, par l’entrevue de Montoire entre Adolf Hitler et Philippe Pétain.

Le 30 octobre 1940 Philippe Pétain s’adressa à la nation et déclara « c’est librement que je me suis rendu à l’invitation du Führer », puis ajouta « une collaboration a été envisagée entre nos deux pays, j’en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement ». Ceci nous montre bien que Pétain a accepté la collaboration sans en savoir quel allait en être le contenu.

Il prononça également ces mots, si lourds de sens « c’est dans l’honneur que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration ».

Ne soyons pas dupes, dès la prise de pouvoir par le maréchal, son espérance en la victoire des allemands était totale.

Dès la prise de pouvoir par le maréchal, sa volonté de collaborer était présente, il la considérait comme une suite logique de l’armistice.

Dès la prise du pouvoir par le maréchal la politique de collaboration était envisagée comme le seul moyen de redonner à la France sa grandeur.

Nous le voyons bien à travers les déclarations de Philippe Pétain le 11 octobre 1940 « Cette collaboration, la France est prête à la rechercher dans tous les domaines, avec tous ses voisins », mais aussi « l’Allemagne peut préférer une paix vivante pour le vainqueur, une paix génératrice de bien être pour tous ».

La collaboration entre le régime de Vichy et l’Allemagne nazie a porté sur bien des aspects que nous ne pouvons traiter dans leur totalité ce soir.

Cependant, il y a des aspects dont nous devons parler, il y a des aspects qui suscitent tant de dégoût et tant de honte que nous n’avons d’autre choix de les traiter.

La partie la plus choquante de la politique de collaboration fut l’antisémitisme d’État et la déportation de Juifs.

Le 3 octobre 1940 le régime de Vichy édicta une loi portant sur le statut des Juifs en zone libre. Ce statut fut publié le 18 octobre 1940 au Journal Officiel. Ce statut interdit aux Juifs d’exercer des emplois, priva certains Juifs de la nationalité française, entraîna l’internement de certains Juifs étrangers.

De nombreuses lois suivirent et frappèrent les Juifs avec une sévérité toujours plus grande.

Ces lois ont crée pour les Juifs français et étrangers de la zone libre un statut identique au statut fixé par l’occupant pour les Juifs de la zone occupée.

Ces lois ont établi une hiérarchie des citoyens, a fait des Juifs des citoyens de seconde zone, selon des critères dont la véracité scientifique reste à déterminer et qui ne peuvent être que contestés.

Ces lois abjectes, honteuses, affreuses ont été édictées par le régime de Vichy, par le régime de Philippe Pétain sans que les allemands n’imposent de telles mesures.

De même, le régime de Vichy ne s’offusqua point du décret allemand du 29 mai 1942 imposant le port de l’étoile jaune dans la zone libre.

Ces lois ont mis l’administration française au service de la collaboration en participant à la déportation des Juifs étrangers.

La rafle du Vel d’Hiv en est un bien triste exemple. Au cours de cette rafle, des fonctionnaires de police français furent impliqués, ils dépendaient de l’État français, ils dépendaient de l’autorité de Philippe Pétain.

Nul ne peut prétendre connaître le fond de la pensée du maréchal sur cet événement tragique, nul ne peut affirmer qu’il y était favorable ou opposé, mais la froide réalité des faits et sa non réaction nous permet d’affirmer qu’il fut concerné, en tant que chef de l’État.

En tant que chef de l’État, Philippe Pétain est responsable des actes qui ont été commis au nom de son autorité.

Prenons en exemple la Milice française, créée en 1943 qui avait pour mission de traquer les Juifs et les résistants. Là encore on ne peut prêter au maréchal des motifs qu’il n’a pas eu, mais les faits nous montrent qu’il a soutenu les actions de la milice.

J’en veux pour preuve le témoignage de Mr Joseph Darnand qui fut le dirigeant de la Milice.

Monsieur le Maréchal déclarait le 30 octobre 1940 que « c’est [lui] seul que l’histoire jugera ». Le temps du jugement est venu.

Mesdames et messieurs du jury, du fait de la collaboration d’État qu’il a instaurée, qu’il a initiée, qu’il a soutenue, qu’il a laissé faire, parce qu’il a fait se battre des Français contre des Français, je vous demande donc de condamner Philippe Pétain.

 

 

 

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