📋 Le contexte 📋
Le porno, c’est toute une industrie qui vise à créer du contenu érotique ayant pour objectif de stimuler l’excitation de qui le regarde. Des revues old-school des années 1980s à l’offre gargantuesque de films pornographiques, en passant par le porn audio et les comptes OnlyFans (plateforme de création de contenu rémunérée par l’abonnement des utilisateurs à tel ou tel compte) autogérés par les performeu.r.se.s, nombreux sont les supports.
Le groupe MindGeek monopolise cette industrie encore très taboue, ayant racheté les plus grandes plateformes de streaming en 2009. Parmi celles-ci, PornHub, site qui a comptabilisé plus de 42 milliards de visites en 2019. Quelles que soient les conséquences du porno sur notre santé, il demeure que toutes les 9 minutes, 24 heures de contenu sont mises en ligne sur le site et 219 985 vidéos sont visionnées par minute.
La parole se libère sur la masturbation, et bien que l’un n’implique pas nécessairement l’autre, cela amène le sujet du porno sur la table. Différentes tendances émergentes coexistent toutefois. En témoignent les adeptes du #NoFap challenge qui évoquent une addiction au porno et à la masturbation, parallèlement à la disparition progressive du tabou sur la masturbation féminine et la revendication de l’existence d’un audimat féminin, éloignant donc l’idée que le porno serait un « truc de mec ».
L’impact sur la santé reste débattu : certain.e.s défendent l’idée que le porno est surtout néfaste pour la santé. D’autres disent que le porno, bien utilisé, peut être vertueux.
De confinements en couvre-feux, les plateformes de porno connaissent un certain essor – plus romancé qu’empirique.
Toujours est-il que beaucoup de Français déplorent une vie sexuelle au point mort (ou presque) depuis le début de la pandémie : mi-taboue, mi-revendiquée, la consommation de contenus pornographiques a encore de beaux jours devant elle.
Si le porno peut permettre de s’explorer et de découvrir quand il n’est plus possible de le faire autrement, il a aussi inquiété l’opinion publique et suscité la méfiance, des parents inquiets aux conjoint.e.s suspects. Quel est le bilan pour le porno ? On en débat.
🕵 Le débat des experts 🕵
Il y aurait beaucoup à dire de la santé des acteurs et actrices. Je dirai ici en quoi le visionnage d’images et vidéos porno peut dégrader notre santé. La pornographie, c’est la « représentation directe, voire brutale, de scènes, de sujets à caractère sexuel et délibérément obscènes. » (CNRTL)
Regarder de la pornographie saisit, provoque une émotion intense.
Il y a ceux qui trouvent ça agréable. Or, c’est la combinaison plaisir ou soulagement + intense + immédiat qui donne à toute substance ou activité son potentiel addictif. Par la pornographie, certains s’excitent, d’autres se soulagent. Intensément. Immédiatement. On peut devenir addict au porno. L’addiction fait sa place à chaque fois qu’on consomme. Plus on est déprimé ou anxieux, plus on risque de consommer. Pour éteindre son mal-être un temps, sans le traiter. Et tout cerveau s’adapte au shoot du porno. Il passe de l’homéostasie (équilibre naturel) à l’allostasie. L’apport d’un élément extérieur devient son quotidien, son nouvel équilibre dépend de cet apport, garder cet élément ne lui provoque plus grand chose, le retirer crée un manque.
Piège. Le porno prend une place disproportionnée car il faut rechercher des scènes toujours plus surprenantes pour tenter de vivre la provocation des débuts… 6 à 9% des hommes internautes regardent minimum 11 heures de porno chaque semaine. (THIBAUT, 2012) La santé physique en prend un coup. Le sommeil est souvent rogné. Le désir s’émousse et l’érection a du mal à venir, avec porno, a fortiori sans. La masturbation est peu efficace. Et à y aller trop fort certains finissent aux urgences…
Il y a ceux qui se réfèrent à la pornographie. Leur corps leur semble non-idéal. Certains combattent silhouette et moindre défaut de peau par régimes alimentaires, cosmétiques ou chirurgie. Les uns se demandent comment faire grossir leur phallus et le faire tenir droit. Croyez-vous que ces publicités ridicules qui inondent nos boîtes e-mails sont là en vain ? Les pilules se vendent ! Leur composition ?
Les autres, souvent mineures, s’épilent intégralement et découvrent leurs petites lèvres non-conformes, à faire rétrécir dès que possible. La chirurgie esthétique de cette zone du corps est en pleine expansion… Elles acceptent aussi des pratiques douloureuses, qu’elles simulent d’apprécier parce que « c’est ce qu’aiment les hommes », c’est ainsi qu’elles se feront aimer.
Et il y a ceux qui trouvent ça affreux. Ils ont subi la pornographie et sont traumatisés par sa brutalité, pas prêts à recevoir ces images.
Le porno se présente sous de nombreuses formes. Des sculptures anciennes aux textes classiques d’Anaïs Nin, en passant par les vidéos faites maison pour le visionnage privé, la pornographie a joué un rôle dans l’imagination érotique tout au long de l’histoire de l’humanité. Cependant, la consommation contemporaine de porno a changé en raison des progrès technologiques dans le domaine du tournage, des possibilités de consommation privée et de la portée mondiale rendue possible par l’internet.
Certains ont souligné que ces changements ont entraîné une augmentation des problèmes, notamment des attentes irréalistes en matière de sexe, de relations et de corps, ainsi que des liens avec la violence sexiste et les problèmes de santé mentale.
Cependant, pour beaucoup, le porno est également devenu l’un des principaux moyens d’apprendre à connaître leur corps et leurs désirs sexuels. Cela est particulièrement important pour ceux qui sont sous-représentés dans les relations traditionnelles et les programmes d’éducation sexuelle, qui souvent n’abordent pas le plaisir des femmes ou l’anatomie externe, ou les personnes LGBTIQ+ de manière plus générale.
La demande de porno produit de manière éthique et l’augmentation des options de production artisanale ont élargi la diversité des corps vus à l’écran. Cela a le potentiel d’augmenter la confiance en soi et la positivité sexuelle chez un éventail de personnes traditionnellement exclues de la représentation sexuelle, ce qui conduit à de meilleures expériences sexuelles. Pour les couples qui regardent du porno ensemble, ou qui décident de réaliser leur propre porno, cela crée la possibilité d’améliorer l’intimité émotionnelle et d’explorer les fantasmes sexuels.
Regarder du porno peut également contribuer à libérer sexuellement des personnes qui ne peuvent pas ou choisissent de ne pas s’engager physiquement avec d’autres. Le porno peut offrir un exutoire sexuel positif aux personnes qui s’adonnent à des activités sexuelles en solitaire ; la masturbation s’est avérée avoir les avantages pour la santé de soulager le stress et l’anxiété.
Les représentations négatives dans certaines productions pornographiques sont le produit des inégalités existantes dans les attitudes, les pratiques et les croyances sociales. Le porno qui intègre des représentations positives et diverses du genre, du sexe et de la sexualité, et qui ne favorise pas la violence et les abus, joue un rôle important dans la lutte contre les inégalités sexuelles traditionnelles néfastes. Une base éducative solide est nécessaire pour s’assurer que les gens s’engagent dans le porno d’une manière saine, respectueuse et informée des représentations irréalistes et nuisibles. L’histoire nous a appris que le porno est là pour rester ; l’éducation est la clé pour aider les gens à faire des choix éclairés à ce sujet.