mains d'enfants qui attendent d'être servis à table

Faut-il rendre obligatoire le menu végétarien à la cantine ?

📋  Le contexte  📋

Depuis décembre 2019, la loi Egalim rend obligatoire la préparation d’un menu végétarien hebdomadaire dans les cantines françaises pour une durée de deux ans. Cette loi a été votée dans l’objectif de végétaliser davantage les repas des enfants, pour répondre à des enjeux écologiques, économiques et nutritionnels. Un bilan sera tenu au bout de ces deux années d’expérimentation pour déterminer son prolongement ou non, en prenant en compte ses avantages et les freins de sa mise en place.

Récemment, les cantines lyonnaises se sont révoltées contre l’implantation des menus végétariens, considérés comme une mesure trop « idéologique », qui restreint la liberté individuelle. Un propos soutenu par Julien Denormandie et Gérald Darmanin, qui voient dans les menus végétariens une insulte à l’élevage et aux bouchers français. Ils dénoncent également l’élitisme et le moralisme de cette mesure, qui empêche l’accès à la viande aux classes populaires.

Un débat qui continue aujourd’hui avec la discussion de la Loi climat à l’Assemblée nationale. Les députés semblent encore divisés sur la question. Plusieurs élus LR défendent l’importance de la viande pour ses apports nutritifs, essentiels à la croissance des enfants. D’après eux, enlever les produits animaliers des cantines aurait de lourdes conséquences pour les éleveurs français. Pourtant aujourd’hui, près de 5 % des Français sont végétariens, dont 12 % des 18-25 ans. Les menus végétariens répondent ainsi à un enjeu de plus en plus prégnant dans la vie des Français, de plus en plus concernés par la crise écologique.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Quel est votre opinion avant d'avoir lu l'article ?
Le « Pour »
Célia de Lavergne
Députée LREM de la 3ème circonscription de la Drôme
Pour le menu végétarien dans les cantines

Le débat sur la place du repas végétarien dans nos cantines, et plus largement dans nos  assiettes, suscite dans l’opinion comme dans le monde politique des passions insoupçonnées. Enjeux philosophiques, nutritionnels, sociaux, environnementaux : la question de nos choix  alimentaires touche à l’intime et au quotidien de nos vies. 

En introduisant un menu sans viande ni poisson dans nos cantines, il n’est pas question  d’opposer les tenants de nos traditions culinaires ou de nos éleveurs avec ceux qui se  déclarent végétariens ou « flexitarien » : une majorité de français, en particulier les jeunes,  veulent pouvoir choisir une option végétarienne, pour des raisons très diverses, de régime  alimentaire, des convictions environnementales, des raisons cultuelles ou philosophiques.  

Sur le plan nutritionnel, cassons une idée reçue : une alimentation sans viande ni poisson  est tout à fait possible, et bien faite, elle est saine, variée et équilibrée. Dans nos cantines,  les gestionnaires sont tenues de respecter des exigences de santé publique fortes et  d’équilibre nutritionnel des repas très encadrés. La montée en puissance de la part du  végétarien nous invite à multiplier les formations et les aides à la conception de recettes,  pour que les plats servis soient de qualité et bons. Mais c’est tout à fait possible ! 

Ainsi, dans la loi Climat, nous proposons d’accélérer la réponse à cette attente sociétale forte  d’option végétarienne, de consommation globale de « moins de viande mais de meilleure  qualité ». Nous le faisons avec l’objectif de permettre la liberté de choix, sans imposer. 

L’intégration d’un choix végétarien apporte incontestablement des bénéfices  environnementaux. Notre alimentation représente le quart de nos émissions de gaz à effet  de serre. D’une part, le menu végétarien émet 30% d’émissions de moins qu’un menu carné,  ce qui, de tous les gestes individuels, en fait l’un des plus efficaces pour réduire son impact  sur le climat !  

Pour autant, nous avons besoin d’élevage, de qualité, indispensable pour des raisons  agronomiques et de fertilisation des sols. L’enjeu est de baisser l’empreinte  environnementale de cette activité, notamment par une alimentation animale française  adaptée et par l’amélioration du traitement des effluents. Ce que nous faisons également. 

Ainsi, si nous devons avancer sur le végétarien, nous le devons aussi sur la viande et la pêche.  Plus de la moitié des viandes de nos cantines sont importées, avec encore trop souvent de la  viande mixée de piètre qualité nutritionnelle dans des plats transformés. Nos éleveurs  gagnent mal leur vie. Nous devons faire en sorte que leur viande de qualité aille davantage  dans nos assiettes, à consommer avec modération !  

Ma conviction est que nous pouvons réconcilier végétarien et viande de qualité, loin des  polémiques inutiles et des débats hystérisés. Et que cela aide nos agriculteurs, éleveurs,  pêcheurs, comme producteurs de protéines animales et végétales, notre santé et  l’environnement.

Le « Contre »
Jean Baptiste Moreau
Député LREM de la 1ère circonscription de la Creuse.
Pourquoi je suis opposé au menu végétarien obligatoire

La question de l’instauration d’un menu végétarien dans les cantines n’est pas nouvelle. Le débat avait déjà eu lieu en 2017 lors de l’examen de la loi EGALIM dont j’étais rapporteur. Le Parlement avait alors voté en faveur d’une expérimentation de deux ans pour étudier la faisabilité de la mise en place pérenne d’un repas végétarien hebdomadaire dans les cantines. Déjà à l’époque, je m’étais opposé à cette mesure.

La question du menu végétarien est intrinsèquement liée au débat agité sur la consommation de viande, dans une société de plus en plus concernée par son impact environnemental et par la préservation de la biodiversité. Si la lutte contre le changement climatique nous incombe à tous – et les éleveurs ont souvent été les premiers à en mesurer les effets – cette question doit pouvoir être abordée de façon pragmatique, dépassionnée et non dogmatique. 

Selon les défenseurs du repas végétarien à la cantine, la consommation de viande serait à la fois mauvaise pour notre santé et mauvaise pour l’environnement. Je m’érige en faux face à ces allégations et regrette que cette question soit encore une fois, réduite à un combat idéologique. 

Il n’est bien évident pas question ici de nier l’impact qu’aurait la viande, et à fortiori la viande rouge sur notre santé. Mais il est cependant plus que nécessaire de rappeler que l’Organisation Mondiale de la Santé préconise dans son rapport, une consommation de viande de l’ordre de 500 grammes par personne et par semaine (hors volaille). C’est bien supérieur à la moyenne de la consommation des Français ! En moyenne, selon une étude publiée par le CREDOC, la consommation hebdomadaire moyenne de viande des français avoisine les 330 grammes par semaine. En 10 ans, la consommation a chuté de 12%. Ce n’est pas discutable. 

Il n’est pas non plus question de nier l’impact environnemental de l’élevage mais il est nécessaire d’aborder cette question de manière lucide. Je veux bien que l’on s’attaque aux émissions de gaz à effet de serre de 400 000 agriculteurs, mais on est silencieux sur les effets du mode de vie de 66 millions de Français. L’élevage français a beaucoup plus d’externalités positives que négatives sur l’environnement.

Mais la question de l’instauration d’un menu végétarien quotidien me gêne parce que je suis un fervent défenseur de la liberté. Je suis convaincu de la nécessaire indépendance des collectivités territoriales et des entreprises sur la gestion de leurs restaurations collectives. Aujourd’hui, les collectivités ont déjà la possibilité, si elles le souhaitent, de proposer aux enfants, des repas végétariens. Je m’oppose à ce que l’on puisse l’imposer dans la loi. Si les collectivités veulent servir des plats végétariens, qu’elles le fassent ! Elles le peuvent et le font déjà ! Je n’ai d’ailleurs absolument rien contre le choix alimentaire végétarien. 

Mais, et je parle ici aussi en tant qu’éleveur moi-même, je m’oppose à l’idéologie de l’offensive qui se développe du « tout sauf viande » qui fait aussi beaucoup de mal à nos éleveurs qui travaillent jour et nuit week end compris pour nous nourrir et pour vivre de leur métier. 

Aujourd’hui les débouchés sont faibles pour nos viandes Françaises. Comment pensons-nous les aider, si on réduit encore la présence viande dans les cantines alors qu’on devrait les encourager à justement, permettre à nos enfants de découvrir les richesses culinaires d’un pays comme le nôtre ? 

 

Quelle est votre opinion après avoir lu l'article ?

🗣  Le débat des lecteurs  🗣

 

💪  Pour aller plus loin...  💪

Vous avez aimé ? Soutenez notre activité !
 

Vous avez remarqué ?

Ce site est gratuit. En effet, nous pensons que tout le monde devrait pouvoir se forger une opinion gratuitement pour devenir un citoyen éclairé et indépendant.

Si cette mission vous touche, vous pouvez nous soutenir en vous abonnant, sans engagement et dès 1€ par mois.

A propos La Rédaction 1034 Articles
Compte de la Rédaction du Drenche. Ce compte est utilisé pour l'ensemble des articles rédigés collectivement, ou les débats, où seul le contexte est rédigé par la Rédaction. Pour plus d'informations sur la rédaction, on vous invite à lire l'article sobrement intitulé "L'équipe", ou "Contactez-nous".