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Le projet de loi Climat et résilience est-il à la hauteur des enjeux ?

📋  Le contexte  📋

Le projet de loi Climat et résilience, c’est la réponse du Ministère de la Transition écologique suite à la publication de 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). La CCC est composée de 150 citoyen.ne.s tiré.e.s au sort, et qui ont réfléchi à l’aide d’experts à des mesures qui pourraient faire en sorte que la France atteigne son objectif de réduction de 40% de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. 

A l’issue de la CCC, Emmanuel Macron avait promis une adoption « sans filtre » de ces propositions, à l’exception de trois « jokers » qu’il s’est autorisé : sur la limitation à 110 km/h des autoroutes, sur la modification du préambule de la Constitution pour inclure la protection de l’environnement, et sur la taxe de 4% des dividendes des entreprises qui en distribuent plus de 10 millions chaque année. 

Le projet de loi est critiqué de toutes parts, en premier lieu par les Conventionnels, qui lui donne la note de 3,3/10 par rapport aux propositions émises par la CCC. Sur 149 propositions (146 si on retire les jokers présidentiels), seules 18 ont été reprises intégralement, tandis que 23 mesures sont absentes du projet de loi. Enfin, 78 mesures ont été reprises partiellement. Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) estime que le projet de loi ne permettra pas d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES de France. 

D’un autre côté, le projet de loi Climat et résilience est le plus ambitieux en date en matière de protection de l’environnement, et semble viser l’acceptabilité politique de tous bords : plutôt qu’un projet aussi complet que l’a voulu la CCC et les acteurs environnementaux, le gouvernement semble préférer une loi moins ambitieuse qui serait elle, adoptée.

Nous verrons prochainement si cette stratégie sera gagnante pour le dernier gros projet de loi du quinquennat d’Emmanuel Macron : après avoir été présenté en Conseil des ministres le 10 février 2021 et après examination des 5000 amendements déposés en Commission à l’Assemblée nationale, le projet de loi Climat et résilience est débattu en séance publique depuis la fin du mois de mars et pendant la première quinzaine d’avril. Au-delà de la protection de l’environnement, ce projet de loi semble donner l’occasion aux différents partis de dessiner leurs lignes politiques à l’amorce de la campagne présidentielle de 2022.

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
Le projet de loi Climat et résilience est-il à la hauteur des enjeux ?
Le « Pour »

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Aurore Bergé
Députée de la 10ème circonscription des Yvelines, Présidente déléguée du groupe La République en Marche à l’Assemblée Nationale
La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu collectif, qui doit se faire avec et non contre !

La Convention Citoyenne pour le Climat est issue d’une question fondamentale : comment, après la colère suscitée par la taxe carbone, et face à l’urgence du dérèglement climatique, associer les Français aux décisions qui les concernent directement et qui impactent leur quotidien ?

C’est l’objet du projet de loi Climat et Résilience. En tant que parlementaires, nous devons nous montrer à la hauteur des exigences des citoyens, garantir notre trajectoire carbone (- 40% d’émissions d’ici 2030) et leur donner les moyens de faire rentrer l’écologie dans leur quotidien. Il convient de réconcilier la démocratie délibérative et la démocratie représentative, l’écologie et l’économie, l’agriculture et l’industrie. On ne peut pas répondre à cette urgence en divisant, en opposant, en culpabilisant. L’écologie ce n’est pas juste taxer plus et interdire plus.

Ce projet de loi est un profond changement de philosophie : il ouvre la voie à la décarbonation de notre industrie. En matière de logement, nous interdirons la location des passoires thermiques dès 2028 et créerons un guichet unique qui permettra d’accélerer les rénovations énergétiques. Nous accélèrerons également le développement d’énergie décarbonée avec une industrie de pointe comme l’aéronautique avec l’hydrogène et la création du
premier avion bas carbone dès 2030. Ce projet de loi traite aussi des enjeux liés à la consommation, dans un volet dont je suis rapporteure. Ces mesures vont permettre de déclencher plusieurs révolutions vertueuses dans notre façon de consommer ; le préalable à ces changements profonds étant une meilleure information de tous.

Une information pour éclairer nos choix, pour sensibiliser, pour responsabiliser. Affichage environnemental, éducation au développement durable, rôle de prescription de la publicité, encadrement de la pollution lumineuse, fin des publicités tractées par avion, lutte renforcée contre le gaspillage… Autant de mesures qui nous permettront d’aller vers des pratiques de consommation plus soutenables. Grâce à ce texte, et aux mesures prises pendant le quinquennat, nous baisserons nos émissions de gaz à effets de serre de 40% en 2030 par rapport à 1990.

La lutte contre le dérèglement climatique est un enjeu collectif, qui nous dépasse et qui doit se faire avec et non contre : avec les entreprises, avec les industriels, avec les artisans et commerçants, avec les agriculteurs, avec les Français et avec les parlementaires.


Jean-Marc Zulesi
Député des Bouches-du-Rhône, Rapporteur sur le titre « Se Déplacer » du projet de loi Climat et Résilience
Projet de loi Climat et Résilience : un tournant historique dans la lutte contre le réchauffement climatique

La Convention citoyenne pour le climat a été créée en avril  2019 avec un objectif précis : celui de mieux associer les Français aux décisions qui les concernent et trouver des solutions durables répondant à l’impératif écologique actuel. Ce mois-ci, le projet de loi Climat et Résilience reprenant un tiers des propositions des 150 citoyens est examiné par les députés.

Ce projet de loi engage une transformation profonde de l’ensemble des secteurs pour répondre à l’impératif de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Sur le volet « se déplacer », dont je suis rapporteur, nos objectifs sont clairs : renforcer le développement de mobilités durables, réduire l’incidence du transport routier de marchandises sur l’environnement, mieux associer les citoyens aux décisions de mobilité et enfin limiter la croissance du trafic aérien et ses émissions. Nous lançons les bases de la mobilité de demain : plus verte, plus vertueuse et plus adaptée aux besoins de nos concitoyens. Surtout, nous travaillons à des solutions qui ne pénalisent pas nos filières industrielles, qui font la richesse de la France, mais qui au contraire les accompagnent.

Sur chaque titre de ce projet – Consommer, Produire et Travailler, Se Déplacer, Se Loger, Se Nourrir et Protéger l’environnement – nous avançons en dialoguant avec tous les acteurs concernés. Notre avenir doit être concerté et non s’imposer brutalement à tous en laissant nos concitoyens sur le carreau. Ainsi, nous créons un éco-score pour mieux informer les consommateurs, mettons en place une alternative végétarienne chaque jour dans nos cantines, interdisons la location des passoires thermiques et accompagnons leur rénovation. Enfin, nous créons un délit d’écocide.

Ce texte marque un tournant dans la lutte contre le réchauffement climatique alors même que la crise sanitaire et sociale sans précédent que nous traversons nous a montré le besoin fort et rapide de changement de nos habitudes. Les 69 articles que nous examinons vont ainsi accélérer une dynamique qui a été mise en œuvre dès 2017 avec les lois hydrocarbures, énergie-climat, anti-gaspillage pour une économie circulaire, orientation des mobilités et Egalim. En 2020 encore, grâce au plan France Relance, le développement durable a été placé au centre de notre réponse à la crise.

Le texte Climat et Résilience se situe dans la droite ligne de ce que nous défendons depuis quatre ans au Parlement : une écologie pragmatique et scientifique, une écologie concertée et sociale.

Le « Contre »

Sélectionnez la tribune de votre choix :
Clément Sénéchal
Chargé de campagne politiques climatiques chez Greenpeace France, © Jacob Khrist / Greenpeace
La faillite climatique d'Emmanuel Macron

Le verdict des membres de la Convention citoyenne pour le climat sur le projet de loi “Climat et résilience” et la reprise de leurs travaux par le gouvernement est sans appel : 3,3/10. Au-delà d’un immense gâchis démocratique, cette gifle entérine surtout l’échec d’une stratégie gouvernementale consistant à se payer de mots au lieu de changer les choses. Elle scelle la désillusion que représente Emmanuel Macron sur le front du réchauffement climatique. 

A l’instar du Haut Conseil pour le Climat, toutes les instances qui ont évalué le projet de loi porté par la lauréate du prix des boulets du climat 2020 décerné par Greenpeace, Barbara Pompili, ont fustigé un texte  essentiellement composé de mesures creuses. Quand elles n’ont pas été tout simplement abandonnées (comme l’obligation de rénovation énergétique des logements), les mesures de la Convention ont en effet été complètement dévitalisées par des champs d’application restreints et des délais de mise en œuvre allongés, transformant du même coup les différents articles du texte en étiquette sans contenu immédiat.

Alors que la France réduit ses émissions 2 fois moins vite que la moyenne européenne et qu’elle est reconnue responsable de carences fautives dans la lutte contre le réchauffement climatique par le tribunal administratif, une étude des experts de Carbone 4 démontre ainsi que cette loi, associée aux différentes dispositions prises pendant ce quinquennat, ne permettra pas à la France de tenir ses objectifs climatiques.

Face à ces critiques, Barbara Pompili invoque un problème d’« acceptabilité sociale ». Argument fallacieux à plus d’un titre. D’abord, la raison d’être de la Convention citoyenne était précisément d’élaborer une feuille de route justement marquée par une forte acceptabilité sociale : c’est tout le sens d’avoir un panel représentatif de la société française tiré au sort pour réaliser cet exercice. Ensuite, des études d’opinion ont sondé les Françaises et Français sur les propositions les plus structurantes proposées par la Convention et ces dernières recueillent l’assentiment majoritaire de la population.

Enfin, le gouvernement a jusqu’à présent rejeté toutes les mesures de justice sociale présentes dans ses travaux : refus de la généralisation du forfait mobilité durable, du prêt à taux zéro pour l’achat de véhicules peu polluants, du reste à charge zéro pour la rénovation thermique, de la baisse de la TVA sur le train de 10% à 5,5%, des chèques alimentaires pour les plus démunis, de l’impôt écologique sur la fortune…

Ce n’est donc pas d’acceptabilité sociale dont souffre aujourd’hui la transition écologique, mais d’acceptation gouvernementale.


Anne Bringault
Coordinatrice des Opérations du Réseau Action Climat
Le projet de loi Climat et résilience n’est pas à la hauteur des enjeux

En réponse au mouvement des gilets jaunes, Emmanuel Macron a proposé la création d’une Convention citoyenne pour le climat rassemblant 150 citoyens tirés au sort avec pour mission d’élaborer des propositions afin de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030 dans un esprit de justice sociale. Après 9 mois de travail, ils ont remis leur rapport s’articulant autour de grands objectifs tels que réguler la publicité pour limiter fortement les incitations à la surconsommation, créer les condition d’un retour fort à l’usage du train, rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040, engager la restauration collective vers des pratiques plus vertueuses ou encore accompagner la reconversion des entreprises.

Le projet de loi Climat et résilience devait permettre au Parlement de débattre des propositions d’ordre législatif de la Convention. Tel était l’engagement d’Emmanuel Macron devant les 150 citoyens. Mais, malgré un soutien fort des Français à de nombreuses mesures proposées par la Convention, le texte présenté à l’Assemblée nationale n’est qu’une pâle copie des propositions initiales : dispositions supprimées, décalées dans le temps, édulcorées

Le résultat est sans appel : impossible en l’état d’atteindre l’objectif de baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030, comme l’indique l’étude d’impact, mais aussi plusieurs rapports d’experts. Ce texte est donc une occasion manquée de respecter l’Accord de Paris. Mais il met également en péril les créations d’emplois dans les secteurs qui pourraient se développer (bâtiment, transports collectifs, agriculture, énergies renouvelables). Ce constat est d’autant plus préoccupant que l’Union européenne s’est fixé un nouvel objectif de baisse de 55 % des émissions en 2030 et que la France va devoir revoir son propre objectif pour y contribuer. Quant à la justice sociale, pourtant rendue encore plus nécessaire avec la hausse de la pauvreté liée à la crise sanitaire, elle est oubliée de ce projet de loi.

C’est pourquoi le Réseau Action Climat se mobilise pour soutenir 15 propositions parmi les plus structurantes de la Convention Citoyenne. Il réalise un suivi quotidien du débat parlementaire sur ces 15 mesures dans le climatomètre afin que chacun puisse voir l’évolution du texte que plusieurs parlementaires souhaitent renforcer. La mobilisation citoyenne s’étend également avec des marches pour le climat organisées partout en France le 28 mars, à la veille du débat en séance à l’Assemblée nationale, afin de faire entendre les attentes fortes des Français.

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