📋 Le contexte 📋
En France, nous sommes dans une République, c’est-à-dire un régime où le pouvoir est représenté par des élus, un pouvoir qui n’est ni héréditaire, ni exclusif. Ce régime peut être réformé en changeant la Constitution française, en marquant ainsi le passage à une nouvelle République. Un changement de constitution est souvent déclenché par un élément de crise. Par exemple, la fin de la IIIe République fut précipitée par la défaite de Napoléon III face à la Prusse en 1870, quant à la IVe République, elle fut provoquée par le soulèvement des pieds-noirs d’Alger contre le gouvernement français pendant la guerre d’Algérie, en 1958.
Aujourd’hui, aucun élément de crise ne nous pousse à changer de manière immédiate notre constitution. Pourtant, on parle de plus en plus d’en finir avec la Ve République. De vives critiques sont attribuées à notre régime actuel comme un présidentialisme trop important et un manque de représentativité démocratique. L’idée est loin d’être nouvelle, déjà en 1974, la journaliste Michèle Cotta écrivait un livre sur la VI république. Des personnalités politiques comme Simone Veil, Arnaud Montebourg ou encore Jean-Luc Mélenchon ont également défendu l’idée de changer de Constitution. D’après eux, la Ve République serait à l’origine de la crise démocratique que nous expérimentons aujourd’hui en France.
L’élection présidentielle de 2022 approche à grands pas et la question épineuse de la VIe république va sûrement resurgir dans le débat public. Déjà en 2017, lors des élections présidentielles, Jean-Luc Mélenchon, candidat de la France Insoumise et Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, défendaient l’idée d’instaurer une nouvelle République. Un débat qui fait d’autant plus écho depuis 2019, avec l’émergence du mouvement des Gilets Jaunes, qui critiquent les institutions comme étant dépassées et déconnectées de la réalité des Français. Pourtant, certains pensent qu’il n’est pas nécessaire de changer complètement notre Constitution, car la Ve République reste un système qui fonctionne bien, en comparaison aux Républiques précédentes. Il serait alors préférable de la réviser, en utilisant l’Article 89 de la Constitution, comme ce fut le cas en 2008 par Nicolas Sarkozy.
🕵 Le débat des experts 🕵
Aujourd’hui, des responsables politiques aussi divers que François Bayrou, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg, défendent l’idée d’une Sixième république. L’idée n’est donc ni nouvelle, ni originale. On peut même dire qu’elle est née avec la Ve République elle-même lorsque ses adversaires faisaient sa critique publique pour résister à l’hégémonie politique du Général de Gaulle.
A l’heure actuelle, ce qui pourrait faire l’originalité de cette idée tient à trois éléments déterminants qui sont autant d’arguments pour une Sixième république : le diagnostic, la transition et la perspective.
S’agissant du diagnostic, il repose sur le constat de l’impuissance du système institutionnel de la Ve République à remplir le contrat social et démocratique d’une constitution républicaine. Si en 1958, dans un contexte de crise politique majeure, le Général de Gaulle est parvenu à doter le pays d’un système institutionnel parfaitement verrouillé au profit d’un pouvoir exécutif dominé par le Président de la République, la centralisation de l’exercice du pouvoir qui en est issue échoue aujourd’hui à respecter le principe de la souveraineté populaire par lequel le pouvoir politique réside à tout moment dans le peuple souverain, présent ou représenté.
S’agissant de la transition, elle est le plus souvent ou bien omise ou bien calquée sur la modalité initiale ayant donné naissance à la Ve : à savoir le comité interministériel dont la version contemporaine est la commission d’experts. Il est très rarement suggéré de passer par la procédure de l’assemblée constituante comme ce fut le cas pour inaugurer les premiers régimes révolutionnaires ou en 1945 pour instaurer la IVe République. Est-ce un hasard ou un manque d’imagination ? Sans doute pas. La procédure de l’assemblée constituante, pourvu qu’elle ne consiste pas en une confiscation du pouvoir constituant au profit des seuls représentants, reproduit la modalité républicaine par excellence et ouvre donc la perspective d’une architecture institutionnelle la plus démocratique qui soit.
C’est là l’intérêt central d’une telle procédure qui se présente comme la promesse d’une constitution du peuple, par le peuple, pour le peuple. Et l’on peut ainsi envisager le seul débat qui vaille pour élaborer collectivement le nouveau régime politique que nous nous donnerions à nous-mêmes. La perspective tracée par ce diagnostic et cette procédure pointerait alors nécessairement vers la satisfaction de l’intérêt général, y compris l’intérêt général humain qu’impose maintenant la conscience écologique commune.
Face à une crise de la démocratie, il est facile d’incriminer les institutions, en pensant trouver dans la rédaction d’une nouvelle constitution la panacée à tous nos maux. L’exercice est d’autant plus tentant que l’histoire constitutionnelle française est marquée, depuis la Révolution par une inflation de régimes constitutionnels.
En réalité la question n’est pas de savoir s’il faut ou non changer de Constitution, mais de savoir quels problèmes pourraient être résolus par un changement de Constitution.
La crise de la démocratie tient essentiellement à la perte de confiance des citoyens dans les politiques, plus exactement dans la politique. D’abord parce que ceux qu’ils élisent ont perdu une part substantielle de leur pouvoir au profit d’institutions diverses nationales ou supranationales (juges, Union européenne, autorité administrative indépendante…). Changer de Constitution n’y changera rien.
Il convient, certes, de constater que nos institutions fonctionnent avec un déficit démocratique, mais le référendum, processus de démocratie directe, existe, encore faut-il l’utiliser. Par ailleurs, s’il y a incontestablement un déséquilibre institutionnel au détriment du parlement, les réformes de 2008 qui ont visé, notamment, à renforcer son pouvoir de contrôle, sont insuffisamment utilisées, les institutions ce sont d’abord des pratiques.
D’autre part, dans un monde en crise, l’existence d’un pouvoir présidentiel fort, appuyé sur une majorité parlementaire stable, souvent critiqué, est aussi un atout.
Réformer les institutions, peut-être, mais à condition de savoir dans quel but et de réfléchir à la cohérence d’ensemble sans se laisser emporter par la magie des numéros dont sont affectés nos constitutions. N’oublions pas les désordres résultant de la malheureuse réforme conduisant à réduire la durée du mandat présidentiel et à aligner le calendrier des élections présidentielles et parlementaires. Pourquoi ne pas en revenir aux fondamentaux de la V° République en adaptant seulement son fonctionnement aux exigences contemporaines ?
Il convient de prendre garde au goût pour le jeu de lego constitutionnel Une Constitution représente un équilibre fragile. Les révisions qui l’affectent doivent éviter de créer au nom d’idées simples des déséquilibres qui peuvent générer des désordres. La V° République n’a pas démérité elle a su conjuguer efficacité et adaptabilité.