📋 Le contexte 📋
La politique agricole commune (PAC) est une politique mise en œuvre par l’Union européenne dans le but de développer et soutenir l’agriculture des différents États membres. Au moment de son entrée en vigueur en 1962, ses objectifs étaient entre autres d’accroître la productivité agricole, d’assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs et d’assurer des prix raisonnables aux consommateurs. Depuis, se sont ajoutées de nouvelles préoccupations telles que le respect de l’environnement, la sécurité sanitaire et le développement rural. Aujourd’hui, la PAC représente environ 40% du budget européen ce qui en fait une des plus importantes politiques communes de l’UE.
Tous les sept ans environ, la PAC est l’objet de réformes, afin d’ajuster son action et répondre au mieux aux nouveaux enjeux agricoles. Ainsi, les institutions européennes sont récemment entrées en négociation pour dessiner ensemble le cadre de la nouvelle PAC, qui s’appliquera à partir de 2023 et jusqu’en 2027, avec un budget total d’environ 270 milliards d’euros.
Alors que la nouvelle PAC prend forme, les débats à son sujet se multiplient. Ces dernières semaines, des voix se sont élevées contre des réformes jugées insuffisantes. Des agriculteurs bio notamment se sont mobilisés pour faire entendre leur mécontentement. Ils dénoncent entre autres la disparition des aides spécifiques qui leur étaient accordées, au profit de l’éco-régime et des exploitations HVE qui affichent pourtant des cahiers des charges moins contraignants.
Comme elle représente une des plus importantes lignes de dépense de l’UE, la PAC est un dossier sensible, difficile à réformer. En effet, alors que le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation se félicite d’accompagner l’agriculture française dans les transitions déterminantes pour son avenir, nombreux sont les acteurs du secteur qui tapent du poing sur la table. Syndicats, ONG et défenseurs de l’agroécologie dénoncent « l’immobilisme » d’une aide qui bénéficierait surtout aux acteurs de l’agriculture conventionnelle et qui laisserait ceux de l’agriculture biologique et les plus petites structures au second plan.
🕵 Le débat des experts 🕵
Tout d’abord, pour être à la hauteur il faut en avoir les moyens et, ces moyens, nous les avons conservés. La nouvelle PAC garde un budget de 9,4 milliards d’euros par an ; c’était une grande victoire obtenue par le président de la République pour notre agriculture. Avec ce budget conservé, la PAC se dote de moyens pour accompagner les agricultrices et les agriculteurs dans les défis et continuer à garder en Europe la meilleure agriculture.
Ensuite, il y a une méthode que j’ai souhaitée pour construire ce qu’on appelle le PSN, c’est-à-dire la feuille de route pour les 5 ans qui viennent. Dès 2020, nous avons mené un travail inédit d’analyse et de concertation avec les professionnels, les associations, les régions et les citoyens. 2 millions de personnes ont été questionnées. 12 656 contributions ont été présentées. C’est simplement inédit. Cette méthode fondée sur l’écoute, le dialogue et la profonde connaissance de notre modèle agricole nous permet aujourd’hui de dessiner les contours d’une PAC plus forte et résolument engagée dans les transitions.
Enfin, cette nouvelle PAC répond à une vision politique ; celle de regagner en souveraineté agroalimentaire, car il n’y a pas de pays fort sans agriculture forte.
Ainsi, alors que plus de la moitié des agriculteurs partira à la retraite dans 10 ans, la nouvelle PAC double les soutiens au renouvellement des générations et à l’installation des jeunes agricultrices et agriculteurs.
Alors que les Français veulent plus de produits français issus de l’agriculture biologique, la nouvelle PAC augmente de 30 % les aides à la conversion pour permettre à plus de 20 000 nouvelles exploitations de passer en bio d’ici 2027.
Alors que notre modèle agricole souffre de ses dépendances aux marchés internationaux, la nouvelle PAC double les soutiens accordés à la filière des protéines végétales si essentielle pour nos élevages, notre alimentation et pour lutter contre la déforestation importée. Je le dis clairement : on doit sortir de cette dépendance au soja brésilien.
Alors que les consommateurs attendent des fruits et légumes frais, locaux et de qualité, la nouvelle PAC crée pour la première fois une aide pour les petits maraîchers dotée de 10 millions d’euros.
Alors que la préservation de notre biodiversité et la protection de l’environnement sont au cœur de toutes nos préoccupations, la nouvelle PAC instaure un dispositif inédit et inclusif pour l’ensemble des exploitants : les écorégimes.
Alors que la France est la première puissance agricole d’Europe, la nouvelle PAC agit pour la compétitivité des filières avec le maintien d’aides structurantes aux zones agronomiquement défavorisées.
Alors que les transitions nécessitent d’investir, la nouvelle PAC consolide les revenus des agriculteurs car il n’est pas possible d’investir sans revenu.
Cette nouvelle PAC apporte des réponses aux défis du siècle. Elle renforcera notre modèle agricole reconnu dans le monde entier pour sa qualité et sa durabilité. Enfin, elle accompagnera l’ensemble des femmes et des hommes qui nous nourrissent et construisent aujourd’hui l’agriculture de demain.
Dans le contexte européen actuel, la nouvelle PAC allie au mieux une multitude d’enjeux. Avec l’action déterminée de la France, son budget, bien qu’en baisse, a été préservé, mais il lui est demandé toujours plus.
Depuis 50 ans, elle assure la souveraineté alimentaire, et en favorisant d’importants gains de productivité, la PAC permet de maintenir des prix raisonnables aux consommateurs.
Depuis 40 ans, avec des politiques territoriales en faveur des zones défavorisées et des zones rurales, elle permet de maintenir des zones rurales et d’aménager le territoire,
Depuis 30 ans, et la prise en compte des préoccupations environnementales, la PAC a permis de développer des pratiques agroenvironnementales favorables aux écosystèmes,
Depuis 20 ans, la PAC a limité les distorsions de concurrence à l’international et ne concurrence plus les pays en développement. Avec la conditionnalité, puis le verdissement, elle a engagé tous les agriculteurs vers des pratiques respectueuses de l’environnement,
Mais nous travaillons avec le vivant dans des conditions qui évoluent extrêmement vite et depuis 50 ans, avec des revenus plus faibles que pour le reste de la société ! La nouvelle PAC va devoir accompagner les agriculteurs dans la transition agroécologique et leur donner les moyens de relever les défis majeurs auxquels nous devons faire face, en favorisant une triple performance économique, sociale et environnementale, relevant ainsi le défi du renouvellement des générations !
Aujourd’hui, l’agriculture vit une révolution et pour assurer la durabilité de l’agriculture, j’insiste, il faut aussi préserver la durabilité économique des exploitations. Pour cet objectif premier, et avec un budget en baisse de 2%, je considère qu’elle ne permet pas à tous de vivre dignement de leur activité. Mais la PAC ne peut pas, et ne doit pas, agir seule !
Face aux enjeux, le rôle des consommateurs qui doivent accepter de payer l’alimentation avec des modes de production durable à un prix correct, sans favoriser des importations de produits aux normes moins disantes,
La chaîne alimentaire doit assurer un meilleur partage de la valeur,
La recherche et l’innovation doivent donner des solutions pour la résistance des cultures aux maladies et aux variations de température ou d’humidité, pour améliorer le bien-être des animaux, notamment en fin de vie, pour réduire les émissions de carbone etc..
Les enjeux sont immenses et c’est ensemble, sans confrontation entre environnement, salariés ou production agricole, que nous trouverons la voie de la durabilité.
L’agriculture est au cœur des enjeux de notre société : elle a un impact fondamental sur l’emploi, notre environnement, les paysages, notre santé. Avec son budget annuel de 9 milliards d’euros, la PAC pourrait répondre à des enjeux environnementaux et sociaux.
L’agriculture biologique est un modèle agricole éprouvé qui répond aux défis sociétaux auxquels nous devons faire face. Plébiscitée par les consommateurs, reconnu scientifiquement comme étant meilleur pour la santé, meilleur pour l’environnement, la bio fait partie des solutions !
Pourtant dans les premiers arbitrages proposés par le gouvernement, les agriculteur-rices bio vont perdre en moyenne 66% des aides spécifiques. Les aides que touchaient les agriculteurs bio jusqu’ici s’élevaient à 132 € /ha /an en moyenne, en plus d’une aide de 80€/ha/an appelée “paiement vert” que touchent tous les agriculteurs français. Ces aides vont disparaître et seront remplacées par une aide de 70€ /ha/an et ce au même niveau que des pratiques agricoles qui utilisent des pesticides et des engrais de synthèse comme HVE.
En d’autres termes la future PAC ressemblera fortement à la précédente avec un manque d’ambition sur la préservation des écosystèmes et de la santé.
S’il est vrai que le budget dédié à la conversion en bio augmente, cela n’est pas suffisant pour inciter les paysan-nes à passer en bio. Au-delà de la période de conversion de 5 ans, les agriculteur-rices bio comptaient sur un soutien de l’Etat pour avoir transformé complètement leur système et rappelons-le, baisser leur rendement en se passant d’engrais de synthèse. Les autres pays européens l’ont bien compris puisqu’ils vont continuer à soutenir les agriculteur-rices déjà en bio, contrairement à la France.
L’agriculture biologique rend des services écosystémiques (qualité de l’eau, protection de la biodiversité, bien-être animal…). Il nous paraît légitime que les paysan-nes bio bénéficient d’un soutien public et que l’Etat ne laisse pas les consommateur-rices seul-es payer plus cher pour prendre soin de leur santé et de leur environnement !
La politique agricole commune européenne actuelle a des conséquences terribles pour le climat, les paysans et la biodiversité. Même la Cour Européenne des Comptes s‘en alarme. Les écologistes et les scientifiques tirent la sonnette d’alarme depuis des années et proposent des solutions, d’autres façons de faire. Sans succès.
Un projet qui conforte les dérives du monde d’avant
La nouvelle PAC ne prend absolument pas en compte les attentes des citoyen.ne.s sur le climat, l’environnement, l’alimentation, pas plus qu’elle ne répond aux besoins des agriculteurs.trices en terme de revenus et de perspectives d’avenir.
La faute principalement à une vision purement dépassée et financière de l’agriculture qui ne se soucie pas des conséquences environnementales, sociales ou alimentaires de ce qui est produit. Une vision qui impose également depuis plus de 30 ans le mythe selon lequel l’Europe devrait nourrir la planète. Avec comme principale conséquence la ruine des paysan.ne.s dans les pays du Sud, incapables de rivaliser avec nos exportations ultra-subventionnées.
Pire, les États et institutions européennes soutiennent actuellement un projet en contradiction totale avec leurs propres feuilles de routes sur la biodiversité, sur le Green Deal ou sur le développement de l’agriculture bio.
Une nouvelle PAC nuisible pour notre santé, notre environnement et les emplois agricoles
Cette réforme est anti économique et anti sociale : faute de changement d’approche, le projet actuel continuera à faire la part belle aux plus gros, aux concentrations d’exploitations, aux industries, aux oligarques quand il faudrait investir sur la transparence, la jeunesse, la proximité et la qualité.
Cette réforme est anti écologique : les outils mis en place ne laissent qu’une part infime aux pratiques agricoles bénéfiques à l’environnement et ne font pas des agriculteurs des partenaires éclairés et rémunérés de la sauvegarde de notre climat et de nos écosystèmes.
Enfin, cette réforme est anti territoriale : La PAC appuiera toujours une agriculture productiviste d’exportation au détriment de la relocalisation de l’alimentation pourtant souhaitée par les Européen.ne.s.
Au sortir de la crise du covid, l’Union européenne a besoin de se doter d’une agriculture de proximité pérenne, pas d’alimenter des bulles spéculatives sur les marchés boursiers. Elle doit aussi d’urgence sortir de sa dépendance aux cours du pétrole, l’élément de base des transports, des pesticides et des engrais de synthèse.
C’est pourquoi il faut reprendre ce projet à zéro.