Faut-il dérembourser les test pcr ?

Faut-il dérembourser les tests PCR ?

📋  Le contexte  📋

On qualifiera de tests PCR « de confort » ceux qui ne relèvent pas de la prescription médicale, généralement donc, le plus souvent, ceux qui sont réalisés à une personne non vaccinée pour lui permettre de se rendre dans un lieu où le pass sanitaire est requis. Ce test sera valable, dans le cadre du pass sanitaire, pendant 72 heures. Par extension, on parlera volontiers aussi de tests de confort lorsqu’il s’agit d’un test requis pour voyager à l’étranger, bref pour pratiquer une activité de loisir, car si le test est requis par l’employeur ou pour des raisons de santé, on s’écarte évidemment de la notion de confort.

 

Lors de son allocution du 12 juillet, Emmanuel Macron a annoncé la fin du remboursement des tests Covid “de confort”. A partir de mi-octobre, les tests seront donc payants, sauf avec une prescription médicale. Son prix n’est pas encore officiel, mais Gabriel Attal a donné une tendance début septembre à l’issue du Conseil des ministres. « Cela doit être précisé mais on a mis en place les tests payants pour les étrangers au début de l’été. C’est 29 euros pour l’antigénique et 49 euros pour le PCR, à priori ça ne sera pas très éloigné »

 

Depuis l’annonce du président, un débat intense s’est développé autour du déremboursement des tests Covid. Pour certains, cette mesure est nécessaire pour encourager la vaccination. Elle doit également permettre à l’assurance maladie de faire des économies. Pour d’autres, les tests permettent d’éviter des dépenses de santé en limitant les contaminations. De plus, la diminution du nombre de tests compliquerait fortement le suivi de l’épidémie. Et vous, qu’en pensez-vous ? 

 

🕵  Le débat des experts  🕵

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Le « Pour »
Antoine Flahault
Médecin épidémiologiste, directeur de l’Institut de santé globale, Faculté de médecine de l’Université de Genève
Pas de réel impact sur le plan scientifique

La France a été très généreuse en matière de politique de tests, puisque tous les tests PCR ont été réalisés gratuitement depuis le début de la pandémie, jusqu’au 30 septembre 2021. Pour les non-résidents en France, la gratuité s’est arrêtée le 7 juillet. Mais à partir du 1er octobre, les tests non prescrits par un médecin seront désormais facturés à leur bénéficiaire. Comprenons plutôt la question posée comme : « Fallait-il rendre les tests de confort payants ? » Et puisque la question est posée à un médecin épidémiologiste, reformulons-là comme : « Fait-on courir des risques sanitaires, en termes de contrôle de l’épidémie, en rendant ces tests payants ? »

Les Français bénéficient d’un système d’Assurance Maladie qui leur coûte cher, mais d’une façon presque imperceptible, au moins chez les salariés, puisque les prélèvements sont retenus sur sa feuille de paie. L’Assurance Maladie prend, en France, largement en charge les dépenses de santé des ménages. On accepte de payer pour la réparation de sa voiture, l’électricien ou le plombier, mais beaucoup plus difficilement pour ses dépenses de santé, sans perspective de remboursement. Il est apparu donc normal aux Français que la puissance publique prenne en charge toutes les dépenses liées à cette pandémie. Lorsque le vaccin est arrivé, gratuit lui aussi, les hésitants à la vaccination se sont retrouvés les principaux bénéficiaires des tests PCR gratuits pour obtenir leur passe sanitaire valable 72 heures et répétables à l’envi. Les vaccinés se sont alors rendus compte qu’ils finançaient à due proportion de la couverture vaccinale du pays, soit à plus de 70% désormais, les tests PCR des non vaccinés pour qu’ils puissent se rendre au bar, restaurant ou cinéma lorsque bon leur semblait.

« La France est devenue l’un des pays qui pratique le plus de tests par habitant et par jour. »

L’arrêt de la gratuité mettra un coup de frein certain à la multiplication de ces tests de confort, car il rendra fort onéreuse la bière au comptoir. L’objectif secondaire (louable) de cette mesure est de favoriser davantage la vaccination des derniers hésitants, sachant que l’on n’achètera certainement pas les véritables anti-vaccins, que l’on pense rares et qui ne seront probablement pas accessibles à ce type de contrat (« Vous vous vaccinez donc n’avez plus besoin de tests »). La France est devenue l’un des pays qui pratique le plus de tests par habitant et par jour. Si elle en réalise un peu moins à l’avenir, les statistiques seront certes un peu affectées pendant quelques jours, puis rapidement un équilibre se produira et l’on pourra à nouveau se fier à la courbe épidémique des nouvelles contaminations (la principale affectée par le nombre de tests pratiqués, avec le taux de positivité), permettant le calcul du taux de reproduction effectif, Re. Les courbes des hospitalisations et des décès ne devraient pas être perturbées puisque la confirmation diagnostique relève essentiellement de la prescription médicale de ces tests PCR. Il n’y a donc pas sur le plan scientifique de réel impact prévisible à la fin de la gratuité des tests de confort. 

Si l’on avait voulu réaliser des tests chez des personnes asymptomatiques pour estimer avec précision le nombre de nouvelles contaminations dans le pays et le taux réel de positivité au sein de la population, cela n’aurait pas été en effectuant des tests auprès de personnes voulant aller à leurs activités de loisir. Il aurait fallu dans ce cas plutôt prendre un échantillon représentatif de la population française et réaliser ces tests dans le cadre d’un protocole statistique rigoureux.

Le « Contre »
Nicolas Marques
Directeur général de l’Institut Economique Molinari
Économiser sur la prévention est une erreur

Réduire le volume des tests en rendant les PCR payants est une démarche à double tranchant. Les tests sont précieux dans la lutte contre la pandémie. Les personnes qui se testent et s’isolent, en cas de résultat positif, limitent les transmissions, avec à la clef des économies pour la collectivité. Plus de dépistages, c’est moins de contamination et d’arrêts de travail. Une semaine travaillée, c’est 2 500 euros de production, soit 50 fois plus que le coût d’un test PCR (49 euros). De même, le séjour moyen à l’hôpital dans le cadre de Covid-19 coûte 5 000 euros à l’assurance maladie. Le test PCR évitant une semaine d’hospitalisation est donc rentabilisé 100 fois et fait économiser 4 950 euros à la collectivité. Insister sur le coût du dépistage (5,9 milliards en 2021), sans prendre en compte les économies qu’il génère, relève d’un mauvais calcul.

« Plus de dépistages, c’est moins de contamination et d’arrêts de travail. » 

Ajoutons que les tests représentent une goutte d’eau par rapport aux pertes générées par covid-19. Le manque-à-gagner en termes de création de richesse représentait 230 milliards à fin juin 2021, soit 3 400 euros par habitant. A cela s’ajoutent les coûts supportés par les ménages, entreprises, collectivités. Ce ne sont pas les tests qui coûtent cher, mais notre incapacité à endiguer Covid. Nous n’avons jamais réussi à dépister, tracer, isoler comme prévu à la sortie du premier confinement. A l’époque, l’idée était de tester 20 à 25 personnes pour chaque cas détecté, afin de casser les chaînes de transmission. Dans la réalité, nous avons testé dix fois moins de cas contacts et laissé repartir les contaminations, d’où le recours à des mesures coercitives coûteuses. Nous avons reconfiné deux fois le pays en entier, faisant exploser la facture économique. Le PIB du deuxième trimestre 2021 était au niveau du troisième trimestre 2017, en recul de 3,3% par rapport au quatrième trimestre 2019. A contrario, il était en hausse significative dans les pays de l’OCDE visant Zéro Covid (Australie, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande…). Et surtout, à la mi-2021 nous avons 45 fois plus de morts par million d’habitants que ces pays cherchant à éliminer le virus.

Bien sûr, certains utilisent les tests comme un succédané à la vaccination dans le cadre du passe sanitaire. Mais que représentent-ils par rapport à l’ensemble de la population ? Surtout, n’existe-t-il pas d’autres moyens de les pousser à se vacciner sans nuire au dépistage ? Les données montrent que les tests restent utiles, même lorsqu’une portion très significative de la population est vaccinée. Les vaccins limitent très significativement les risques de complication, mais bloquent imparfaitement la transmission de Covid-19. Les tests restent donc clefs, pour protéger les non vaccinés et notamment les enfants de moins de 12 ans.

Et ce d’autant plus que l’Education nationale ne brille pas en matière de prévention. L’équipement des classes en capteurs de C02 et des réfectoires en filtres HEPA est inexistant dans beaucoup d’établissements et la politique de test reste balbutiante. Au deuxième trimestre 2021, l’Education nationale déployait cent fois moins de tests par rapport aux meilleurs standards (Allemagne, Autriche, Royaume-Uni). Et pour cette rentrée, Jean-Michel Blanquer promet seulement 600 000 tests salivaires par semaine, alors que les établissements scolaires accueillent tous les jours 12 millions d’élèves, dont 6 millions de moins de 12 ans n’ayant pas accès aux vaccins.

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