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Offrir aux jeunes un monde d’opportunités et non de précarité
Myriam El Khomri
Ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue socialPetits boulots, stages, CDD à la chaîne et certitude que leurs parcours professionnels seront beaucoup plus complexes que ceux de leurs parents : voilà la réalité éprouvée par une grande partie des jeunes au moment de leur entrée dans le monde du travail. Ces difficultés, ces barrières, je les ai moi-même connues il n’y a pas si longtemps, en tant qu’étudiante salariée puis au début de ma carrière professionnelle. Je sais la frustration qu’elles peuvent engendrer. Une frustration d’autant plus forte que la jeunesse d’aujourd’hui est créative, entreprenante, engagée et qu’elle veut pouvoir saisir toutes les opportunités qu’offrent notre monde et notre époque.
Ma volonté, avec l’ensemble du Gouvernement, est de faire tomber ces barrières tout en agissant pour les jeunes les plus exposés à la précarité. C’est une question de justice, mais c’est aussi un enjeu d’avenir. Un pays qui n’offre plus d’opportunités aux jeunes est un pays qui ne progresse plus, un pays qui s’assèche, un pays qui entérine son déclin.
Dès le début du quinquennat, nous avons lancé les emplois d’avenir pour proposer des alternatives professionnelles à des jeunes sans emploi ni qualification. Un emploi d’avenir, c’est un métier à temps plein, une formation et un accompagnement personnalisé. Au 31 janvier 2016, plus de 130 000 jeunes bénéficient de ce dispositif.
En 2014, nous avons réformé le statut des stagiaires pour qu’ils soient mieux rémunérés, pour qu’ils aient droit à des congés, pour que leurs expériences aient une réelle valeur-ajoutée pour leurs carrières et pour que les entreprises qui ont recours aux stages de manière abusive soient sanctionnées. Ces avancées concernent chaque année 1,2 millions de jeunes.
Depuis le début de l’année 2016, la Prime d’activité est déployée pour aider les travailleurs aux revenus modestes. Nous l’avons rendue accessible dès 18 ans pour que les apprentis et les étudiants qui travaillent puissent aussi en bénéficier. D’ores et déjà, près de 350 000 jeunes actifs perçoivent cette prime.
Les résultats sont sans doute perfectibles mais ils sont là : en 2015, le chômage des jeunes a enfin diminué, de 5%.
Cette année, avec la loi travail, je veux offrir de nouvelles perspectives et protections à tous les actifs et en particuliers aux jeunes. Je regarde les choses telles qu’elles sont : les règles actuelles du monde du travail ne protègent pas ceux qui en ont le plus besoin.
Aujourd’hui en France, on ne bénéficie pas des mêmes droits sociaux selon qu’on soit salarié d’un grand groupe, commerçant-artisan, chômeur, collaborateur d’une plateforme numérique ou créateur d’entreprise. C’est un problème lorsqu’on sait que 59 % des jeunes de 18 à 35 ans pensent changer de métier plusieurs fois au cours de leur vie et se tournent de plus en plus vers l’entreprenariat. Cette loi va ainsi créer un Compte personnel d’activité pour tous, sans distinction de statut, qui regroupera le « compte personnel de formation », le « compte pénibilité » et un nouveau « compte engagement citoyen » pour valoriser ses actions bénévoles. Le CPA posera les bases d’un droit universel à la formation, proposera un accompagnement individualisé pour créer son entreprise et a vocation à intégrer à terme l’ensemble des droits sociaux et de la protection sociale. Pour les jeunes décrocheurs, le CPA prévoit par ailleurs un « droit à la nouvelle chance », qui permettra à tout jeune sorti sans diplôme du système éducatif de se former gratuitement et d’apprendre un métier.
Aujourd’hui en France, les incertitudes liées aux conditions de rupture d’un CDI favorisent l’accumulation de CDD de plus en plus courts et créent de l’hyper précarité. Pour les jeunes, et notamment les moins qualifiés d’entre eux, l’emploi stable est un Graal de plus en plus difficile à atteindre. En 15 ans, l’âge moyen pour l’obtention du premier CDI est passé de 22 à 27 ans. C’est cette réalité qui empêche les jeunes de se projeter dans une carrière, d’avoir accès à un logement ou à un prêt, d’avoir tout simplement accès à l’autonomie. Je veux donc apporter de la lisibilité et de la visibilité aux employeurs sur les conditions de licenciement pour favoriser l’embauche en CDI.
Je veux aussi que la Garantie jeunes – qui donne droit à une allocation de 460€ par mois et implique surtout un accompagnement très intensif dans la formation ou dans l’emploi pris en charge par le réseau des missions locales – devienne dès 2017 un droit universel pour tous les jeunes sans emploi, sans formation et en situation de précarité.
Comme le Premier ministre l’a annoncé le 11 avril 2016, toutes ces avancées vont être par ailleurs complétées par une série de mesures supplémentaires pour lutter contre la précarité des jeunes lors de leur entrée sur le marché du travail : sur-cotisation des CDD, aide financière équivalente à un prolongement des bourses pendant 4 mois après l’obtention d’un diplôme, droit universel à la garantie locative, revalorisation de la rémunération des apprentis les plus jeunes, ou encore, accès facilité à la couverture maladie universelle complémentaire pour les jeunes en rupture avec leur famille.
Ce que nous voulons inventer, dans un dialogue constructif avec toutes les organisations de jeunesse et plus largement l’ensemble des Français, ce sont les règles d’un monde du travail plus fluide, plus émancipateur pour tous nos concitoyens, plus protecteur pour les plus fragiles, plus moderne et plus en phase avec les espoirs des nouvelles générations.
Loi Travail : le salarié devient une variable d’ajustement…
La lutte que nous menons tous contre la loi travail peut parfois paraître abstraite, tant ce texte s’est construit sur une base volontairement complexe.
Cette réforme aura pourtant des conséquences dramatiques sur nos conditions de travail.
Le texte de loi auquel le Gouvernement veut nous contraindre permettra au patronat de nous imposer ses conditions de travail comme bon lui semble, tout en ayant la possibilité de licencier sans avoir à se justifier.
Dégradation des conditions de travail
Dès l’entretien d’embauche le salarié n’est plus respecté.
Il est prévu que la visite médicale d’embauche, qui permet au futur employé un examen individuel, au plus tard avant la fin de sa période d’essai, soit remplacée par une simple visite d’information dont le délai ne sera plus garanti par la loi.
Le texte ne s’arrête pas là, et prévoit de donner la possibilité aux employeurs de faire travailler ses employés jusqu’à 46 heures par semaine maximum, contre 44 heures actuellement.
Cette mesure est encore une fois un moyen de réduire le nombre d’heures supplémentaires dues par l’entreprise à un salarié qui dépasse le volume horaire prévu par son contrat de travail et qui empiète sur sa vie privée.
La rémunération des heures supplémentaires est également mise à mal. En effet, actuellement, les huit premières heures supplémentaires sont payées :
- 25% de plus que ce que prévoit le contrat de travail,
- puis 50% de plus lorsque le salarié dépasse les huit heures de travail supplémentaires.
Avec la Loi travail, le montant des heures supplémentaires pourra être minorées jusqu’à 10% du salaire prévu par le contrat de travail.
Remise en cause du rapport de force entre salarié et employeur…
Les licenciements, qui restent une menace pour tout salarié est encore contrôlé par les Prud’hommes et les modalités de licenciement. En effet, lorsqu’un employeur décide de renvoyer un employé sans motif réel, s’expose à de lourdes sanctions.
Malgré l’écran de fumée sur le plafonnement des indemnités qui n’est plus qu’indicatif, une mesure subsiste : les indemnités pour un licenciement économique déclaré nul par les juges seront plafonnées à 6 mois de salaires et plus de 12 mois comme actuellement.
Le fait que ces mesures soient décidées par simple accord d’entreprise, renverse la hiérarchie des normes (Lois et règlements > Accords de branche > accords d’entreprise – les lois priment sur les accords de branche, qui eux-mêmes priment sur les accords d’entreprises NDLR) d’une part, et creuse les inégalités d’une entreprise à l’autre d’autre part.
La négligence dont fait preuve le Gouvernement face aux conditions de travail au détriment de la santé des travailleurs est inadmissible.