panneau 110 km/h devant une autoroute

Faut-il réduire la vitesse sur les autoroutes ?

📋  Le contexte  📋

Selon Les Échos, « en France, le transport était en 2017 le secteur émettant le plus de gaz à effet de serre ». Les voitures, majoritairement utilisées par les ménages, sont à l’origine de 53 % des émissions du secteur, soit 16 % des émissions nationales. Réduire leur vitesse sur les autoroutes permettrait de diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre.

D’après Thomas Lesperrier, coordinateur du réseau transports et mobilités durables chez France Nature Environnement (la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement). « Baisser la vitesse maximale de 20 km/h permettrait de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, en moyenne, sur les routes. Dans le même temps, les particules fines et l’ozone baisserait de 10 %. De fait, la qualité de l’air serait améliorée », explique-t-il pour Les Échos. Par ailleurs, l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, informe que la réduction de la vitesse pourrait également réduire les nuisances sonores.

Outre la réduction des gaz à effet de serre liés à la pollution des véhicules sur les autoroutes, cette mesure a pour objectif de faire baisser la mortalité routière et les accidents corporels.

Quelques années après des débats houleux concernant l’abaissement de la vitesse de certaines routes à 80 km/h en 2017, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) a proposé de réduire la vitesse maximale sur l’autoroute.

Cette proposition est l’une des plus controversées. Notamment impopulaire auprès des Gilets jaunes, la demande d’abaissement de la vitesse à 130 km/h à 110 km/h avait toutefois été adoptée à 60 % par l’assemblée de la CCC. Les opposants estiment qu’il y aurait d’importantes pertes économiques, notamment dues au temps perdu sur les trajets.

Les usagers des autoroutes sont partagés sur ce sujet, au même titre que les organismes écologistes et les associations de défense des droits des automobilistes. Considérée comme « relativement complexe à mettre en place du point de vue de l’acceptabilité » par les membres de la CCC, la limitation de la vitesse des autoroutes est un sujet très clivant.

La réduction de la vitesse sur l’autoroute a été proposée par deux candidats à la présidentielle. Tout d’abord, Anne Hidalgo, la maire de Paris avait annoncé le 21 septembre 2021 être « favorable, d’une façon générale, à ce qu’on baisse la vitesse, puisque vitesse égale accidents ». Le ministre des Transports, Jean-Baptiste Djebbari avait alors dénoncé une vision trop parisiano-centrée, bien que la membre du Parti Socialiste avait précisé qu’il s’agissait de décisions à prendre localement.

De son côté, le candidat écologiste, Yannick Jadot, avait également annoncé son appui à cette proposition : « Cela allonge très peu le temps de trajet, mais permet de réduire les émissions [de gaz à effet de serre] et la pollution. » À l’inverse, le candidat du parti Reconquête ! Éric Zemmour avait affirmé vouloir restaurer la limitation à 90 km/h sur les routes.

Plutôt présentes dans les débats des présidentielles, les propositions de limitations de vitesse sont intimement liées aux enjeux écologiques et se retrouvent en ce moment au cœur de l’actualité.

Alors, faut-il réduire la vitesse sur les autoroutes ? On en débat aujourd’hui avec deux experts !

 

 

🕵  Le débat des experts  🕵

Le principe du Drenche est de présenter l’actualité sous forme de débats. Le but est qu’en lisant un argumentaire qui défend le « pour » et les arguments du camp du « contre », vous puissiez vous forger une opinion ; votre opinion.
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Le « Pour »
Manuel Ildefonso
Enseignant chercheur, titulaire d’un Doctorat en science des matériaux, physique chimie et nanosciences
Rouler à 110 km/h plutôt que 130 pourrait vraiment limiter notre impact sur le climat

Au cœur du débat, se pose la question de l’efficacité d’une telle limitation pour réduire les émissions polluantes de CO2.

À 110 km/h, on économise de l’énergie et des euros

On le sait tous, sans énergie (pétrole ou électricité), une voiture n’avance pas. Une voiture lutte en permanence contre des forces de frottements (des pneus et de l’air) qui réduisent sa vitesse. Pour maintenir une vitesse constante, il faut donc fournir de l’énergie pour compenser les frottements.

Comme les frottements de l’air évoluent en fonction du carré de la vitesse, on arrive à la conclusion que pour maintenir une vitesse durant un trajet de 100 km, il faut une dépense énergétique de 18 kWh à 130 km/h et de 13,9 kWh à 110 km/h. Cela correspond à une dépense énergétique plus faible de 23% pour la même distance parcourue.

Physiquement, la baisse de la vitesse sur autoroute conduit à une réduction de l’énergie consommée, peu importe qu’il s’agisse de carburant liquide ou d’électricité.

Cela rendrait les voitures électriques plus compétitives face à leurs homologues thermiques, et augmenterait leur autonomie. À titre d’exemple, pour une même batterie de 50 kWh, il est possible de parcourir 278 km à 130 km/h, mais 360 km à 110 km/h.

Enfin, en permettant des économies d’énergies, cette mesure permettrait également des économies, représentant 360 M€ par an sur la consommation de carburant.

La sécurité routière c’est aussi de l’énergie

Observons une voiture qui roule à 130 km/h . Elle possède une certaine énergie cinétique qu’il faut dissiper pour l’arrêter. À 130 km/h, cette énergie est de 0,23 kWh et elle n’est plus que de 0,16 kWh à 110 km/h (30% de moins), cette valeur évoluant en fonction du carré de la vitesse.

Ces valeurs physiques expliquent pourquoi les dégâts, lors d’un accident, s’aggravent en fonction de la vitesse (plus d’énergie). Même si les accidents sur autoroutes ne représentent qu’une faible part des accidents de la route, cette mesure conduira forcément à une baisse de leur gravité.

Rouler moins vite ralentit aussi les chars

Dans un contexte de hausse des prix du pétrole similaire à celui que l’on connaît aujourd’hui, le gouvernement espagnol avait abaissé en 2011 la vitesse sur autoroute de 120 km/h à 110 km/h, conduisant à une baisse de la consommation de carburant de 7,9%.

On s’attend donc à une baisse un peu plus de deux fois plus importante de la consommation de carburant en passant de 130 km/h à 110 km/h, donc d’environ 16%. Ce chiffre est à mettre en regard des importations françaises de pétrole Russe qui représentait en 2019 (année de référence pré-Covid) 12,7% des importations.

Cet aménagement permettrait donc de s’affranchir de la Russie pour nos importations de pétrole, sans hausse de prix liée à une pénurie.

La réduction de la vitesse sur autoroute présente donc une indéniable économie d’énergie (- 23 %). Elle rendrait également les voitures électriques plus compétitives réduirait la gravité des accidents, et diminuerait le coût des trajets.

Une telle mesure présente également des atouts internationaux, tel que la favorisation de l’indépendance énergétique française, la rendant plus forte diplomatiquement.

Nous comprenons mieux pourquoi la Convention citoyenne pour le climat a choisi une telle mesure pour réduire les émissions françaises de gaz à effet de serre.

Le « Contre »
Pierre Chasseray
Délégué général de l’association « 40 millions d’automobilistes »
Baisse de la limitation de vitesse sur les autoroutes : non à la surenchère écologiste !

C’est un véritable marronnier. Une polémique qui revient sur le devant de la scène à l’approche de chaque grande échéance électorale, à l’initiative des courants politiques les plus farouchement opposés à l’automobile, par pure idéologie.

Les arguments les plus fallacieux ont déjà servi à soutenir – bien péniblement – la thèse de la baisse de la limitation de vitesse sur les autoroutes.

Pour la sécurité routière d’abord. L’argument voudrait qu’une baisse de la vitesse prescrite entraîne automatiquement une baisse du nombre d’accidents et donc de tués sur les routes.

Mais l’expérience des 80 km/h sur les routes secondaires nous a démontré que les obscures formules mathématiques de chercheurs scandinaves des années 1960 ne s’appliquent pas si efficacement à la réalité du terrain. 

Ainsi, le nombre de vies « sauvées » par la mesure d’abaissement généralisé de la vitesse sur les routes nationales et départementales aura été bien inférieur à l’objectif visé par le gouvernement.

Et le bénéfice que l’on pourrait raisonnablement escompter d’une réduction de la vitesse sur les autoroutes serait si maigre qu’il rend d’emblée la mesure aberrante.

Les autoroutes françaises constituent en effet le réseau routier le plus sûr devant les routes nationales (5 fois plus dangereuses) et les routes départementales (6 fois plus dangereuses).

Pour l’écologie ensuite. C’est le dernier argument à la mode, emprunté en juin 2020 par les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat mandatés par le président de la République pour réfléchir à des solutions efficaces et populaires pour réduire les émissions carbones de la France.

Les citoyens sélectionnés soutenaient alors qu’une baisse de la limitation de vitesse de 130 km/h à 110 km/h permettrait une diminution de la consommation de carburant, ainsi qu’une réduction moyenne de 20 % des émissions de gaz à effet de serre.

Ce qu’ils ne précisaient pas – et ce que se gardent bien également de mentionner les candidats à l’élection présidentielle Anne Hidalgo (PS) et Yannick Jadot (EELV) qui ont récemment repris la mesure à leur compte – c’est que la mesure serait en réalité extrêmement coûteuse pour la société française.

La Commissariat général au Développement durable a en effet estimé dans une étude coûts/bénéfices de mars 2018 que, tous postes confondus, une baisse de 20 km/h de la limitation de vitesse sur les autoroutes aurait « un bilan socio-économique très négatif, de l’ordre de – 1200 millions d’euros », principalement en raison du coût du temps perdu dans les trajets, qui n’est pas compensé par les maigres bénéfices en termes de réduction de l’accidentalité et de moindre consommation de carburant.

La proposition de baisse de la vitesse sur les autoroutes n’a donc aucun fondement, ni scientifique, ni économique, ni sociologique (elle est d’ailleurs rejetée par une très large majorité des usagers de la route) et ne relève donc que d’une surenchère écologiste particulièrement stérile. Emmanuel Macron ne s’y était pas trompé et avait usé de son « joker » pour écarter d’emblée la mesure de la CCC.

Et s’il fallait encore se persuader de l’ineptie du projet, rappelons que les militants verdâtres proposaient dans leur programme électoral de réduire la vitesse maximale autorisée des SUV sur les autoroutes à … 90 km/h.

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