📋 Le contexte 📋
Une Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) est une intervention consistant à réaliser un avortement, pour interrompre la grossesse avant son terme. Il existe 2 méthodes : L’IVG chirurgicale, pratiquée en hôpital ou clinique et L’IVG médicamenteuse, pratiquée en hôpital, clinique, cabinet de ville, centre de planification ou centre de santé. La technique d’avortement dépend du choix de la patiente et du terme de sa grossesse.
L’IVG médicamenteuse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la 5 ème semaine de grossesse voire 7 semaines en établissement de santé. Elle nécessite la prise de 2 médicaments : le 1er, pris en présence du médecin au cours de la première consultation, interrompt la grossesse. Le 2nd, pris dans les 36 à 48 heures suivant la consultation, provoque l’expulsion de l’œuf. Une visite de contrôle est nécessaire entre le 14e et le 21e jour après l’intervention chirurgicale ou médicamenteuse, permettant de s’assurer qu’il n’y a pas eu de complications.
L’IVG chirurgicale peut être pratiquée jusqu’à la fin de la 12 ème semaine de grossesse. Pour une IVG chirurgicale, la technique consiste à aspirer l’œuf, sous anesthésie locale ou générale. L’intervention dure une dizaine de minutes et l’hospitalisation, quelques heures.
La patiente est conseillée lors de 2 entretiens médicaux : une première consultation dans laquelle elle fait sa demande d’avortement et reçoit des informations orales ainsi qu’un guide sur l’intervention. Un entretien psycho-social est aussi proposé (il est obligatoire si la patiente est mineure). Une attestation est ensuite remise à la patiente, qui donne lieu à une deuxième consultation dans laquelle elle confirme sa demande d’avortement par écrit. Une consultation psycho-sociale est systématiquement proposée après l’IVG.
Source : service-public.fr
Une proposition de loi est actuellement débattue pour allonger le délai légal de l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse (soit 16 semaines d’aménorrhée). Elle comprend aussi la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG, permettant aux médecins de refuser de pratiquer l’acte s’ils estiment que cela est contraire à leurs convictions personnelles ou éthiques. Si cette loi est adoptée, les sages-femmes pourront elles aussi réaliser des IVG chirurgicales jusqu’à la dixième semaine de grossesse, ce qui permettrait de pallier à l’important manque de médecins. Enfin, la loi permettrait de mettre fin au délai de réflexion de 2 jours imposé afin de confirmer une demande d’avortement après un entretien psychosocial. La prise en charge de l’IVG sera aussi protégée par le secret, et un pharmacien qui refuserait la délivrance d’un contraceptif en urgence manquera à ses obligations professionnelles car cela serait précisé dans le code de la santé publique.
Sources : Le Point, Vie publique
Le Syndicat national des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof) affirme que 30 % des gynécologues refusent aujourd’hui de pratiquer régulièrement des IVG tardives. La cause serait entre autres le risque pour la santé des femmes. Parmi les arguments des médecins s’opposant au rallongement du délai légal d’IVG, il y a la saturation des hôpitaux, qui entraînerait une difficulté de prise en charge pour les patientes. Selon eux, l’insuffisance en ressources humaines et financières entraînerait un manque de sécurité pour réaliser l’intervention. L’autre argument est la dimension délicate de l’intervention après 12 semaines, qui pourrait occasionner des lésions chez la femme. Cependant, pour la députée Albane Gaillot, rallonger ce délai est “une priorité absolue”. Selon elle, cette loi éviterait aux femmes ayant dépassé les délais de se rendre à l’étranger et faciliterait leur prise en charge.
🕵 Le débat des experts 🕵
L’interruption volontaire de grossesse est un droit fondamental, pourtant son effectivité n’est pas garantie sur l’ensemble du territoire. En janvier 2021, j’ai défendu au Sénat une proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement. Elle contenait notamment l’allongement du délai légal de l’IVG. L’accès à la santé sexuelle et reproductive sur notre territoire est très inégal : dans 6 des 13 régions métropolitaines, le délai moyen d’accès à l’IVG est particulièrement long. Les déserts médicaux n’aident pas. J’ai régulièrement alerté les ministres : fermer une maternité, c’est fermer un centre d’orthogénie. J’ai également demandé que tout hôpital de proximité inclut un centre d’orthogénie. Malheureusement, ces recommandations n’ont pas été suivies, et les conséquences sont claires : le nombre d’établissements réalisant une IVG a diminué de 22% en 15 ans (1).
L’allongement des délais concerne des situations, certes non majoritaires, mais auxquelles notre système de soins n’offre aucune réponse satisfaisante. En effet, seulement 5% des IVG sont réalisées entre la 10e et la 12e semaine, et c’est tant mieux ! (2) Notre souhait à toutes et tous est que la prise en charge des IVG soit la plus précoce possible. Toutefois, ces 5% ne reflètent pas la situation des femmes qui n’ont pas été en mesure d’avorter avant 12 semaines et dont le nombre ne doit pas être sous-estimé. Bien souvent, il s’agit de femmes qui n’ont découvert leur grossesse que tardivement, en raison de cycles menstruels irréguliers ou de l’absence de signes cliniques de grossesse. N’oublions pas par ailleurs que près de trois IVG sur quatre sont pratiquées pour des femmes sous contraception : le temps pour comprendre que l’on est enceinte est donc plus long. Alors, si l’annonce de la gratuité de la contraception hormonale jusqu’à 25 ans est une bonne nouvelle, elle n’est pas une solution pour faire diminuer le nombre d’IVG tardives.
Si une femme formule sa demande d’IVG juste avant la 12e semaine, elle peut se voir proposer un rendez-vous trop tardif pour respecter le délai légal, soit parce que l’offre d’orthogénie est insuffisante, soit parce que les services d’IVG ne traitent pas ces demandes avec la priorité qui devrait s’imposer, soit, tout simplement, parce que… c’est l’été et les services sont en sous-effectif.
Entre 2 000 et 5 000 femmes se rendent à l’étranger (3 – 4). Cette situation est source d’inégalités, puisque c’est à elles de prendre en charge l’ensemble des frais. Je ne puis m’empêcher de relever l’hypocrisie consistant à compter sur les pays voisins pour faire ce que nous ne voulons pas faire. D’autres se résignent à demander une interruption médicale de grossesse sur un motif de détresse psychosociale. Outre que cette procédure est contraignante, elle prive la femme de son autonomie, puisqu’il faut l’accord préalable d’un collège de médecins. Et combien poursuivent des grossesses dont elles n’ont pas voulu ?
Face aux discours alarmistes sur les conséquences en matière de santé de l’allongement du délai légal, le CCNE a rappelé qu’il n’existe que peu, voire pas, de différence entre 12 et 14 semaines de grossesse en termes de complications, et il a estimé qu’il n’y avait pas d’objection éthique à un allongement de deux semaines du délai d’accès à l’IVG. Et la majorité des français et des françaises y sont favorables. Rien ne s’y oppose donc.
1) Proposition de loi numéro 3292 visant à renforcer le droit à l’avortement
2) 224 300 interruptions volontaires de grossesse en 2018, DREES, numéro 1125
3) Opinion du CCNE sur l’allongement du délai légal d’accès à l’avortement
La proposition de Loi (PPL) se fixe comme objectif d’améliorer l’accès à l’IVG en France, en particulier dans les situations de crise comme celle vécue actuellement ; En dehors de cette période de crise, le rapport de la DREES de 2019 (1) établit que jamais il n’a été réalisé autant d’IVG en France, la proportion de 30% des grossesses menant à une naissance vivante a été atteint en 2018. Pourtant il met aussi en évidence des territoires en tension où les modalités légales de l’IVG ne sont pas réalisables : un parcours de soins disponible et de qualité et le choix de la méthode par la femme elle-même.
La cause racine de cet accès limité à un droit reconnu depuis 45 ans n’est pas dans le délai limite pour réaliser cette interruption, il est dans l’insuffisance en ressources humaines et financières pour réaliser en toute sécurité et sérénité ces gestes, qui quand ils sont réalisés dans de mauvaises conditions ont des conséquences qui peuvent être dramatiques pour la femme. En 1974 ce sont ces conséquences qui motivaient la loi qui a dépénalisé l’IVG.
La représentation nationale n’a eu de cesse de légiférer pour que le nombre des spécialistes en gynécologie formés et compétents pour réaliser les IVG diminue. Contre tous les avis des professionnels de la spécialité depuis 30 ans, la suppression brutale de la formation des gynécologues médicaux et de la filière du CES des obstétriciens puis la reprise tardive et de volume insuffisant d’une filière de formation spécifique a abouti, cela était prévu et annoncé, à la situation de carence médicale actuelle aux conséquences de plus en plus alarmantes sur la qualité des soins. Les objectifs ambitieux des différentes lois qui régissent l’activité d’orthogénie ne sont pas en adéquation avec les moyens alloués sur la totalité de notre territoire. Le dernier rapport parlementaire (2) met bien en évidence que les déserts gynécologiques sont nombreux en France, que cette activité est rémunérée en dessous de son prix de revient, que les médecins qui la portent par leur bonne volonté arrivent à la retraite et ne sont pas remplacés faute d’effectifs, que la contrainte à faire des IVG abouti à de la maltraitance. Tant que ces causes racines perdureront, on aura beau allonger les délais, l’accès à l’IVG continuera à s’apparenter souvent à un parcours du combattant.
Les recommandations 9 à 12 du rapport parlementaire proposent des solutions, pourquoi ne sont-elles pas reprises par la PPL ? Passer le délai légal à 14 semaines de grossesse et imposer cela à toutes les structures du territoire, sans tenir compte des acteurs qui devront le faire, fera cesser la pratique des IVG à beaucoup de ceux qui aujourd’hui les réalisent. Les auditions par les parlementaires des représentants de ces acteurs de terrain, hors centre de planification dédié, ont prévenu de ce scénario, ne pas en tenir compte mettra encore plus les femmes en difficulté. Les rapporteuses du rapport parlementaire concluent elles aussi que l’allongement du délai à 14 semaines n’améliorera pas l’accès à l’IVG.
Sources :
(2) Rapport N°3343 : RAPPORT D’INFORMATION FAIT AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES